Histoire de l’environnement japonais à l’époque moderne

Sacrifice et compassion : les relations entre les Japonais et les animaux

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Ishi Hiroyuki [Profil]

On trouve des sépultures à la mémoire des animaux aux quatre coins de l’Archipel, reflet d'une sensibilité japonaise emplie de compassion pour ces êtres. D’une loi interdisant la consommation de viande dès le VIIe siècle à l’actuelle question de l’euthanasie, le Japon a toujours eu une relation extrêmement étroite avec les animaux.

L’euthanasie au Japon

En Europe, le bien-être des animaux est un thème depuis longtemps régi par des lois. Le Royaume-Uni, par exemple, a mis en place une série de législations contre la cruauté envers les animaux dès 1822 et l’Allemagne continue d’appliquer les lois de protection des animaux promulguées en 1933. Au Japon, il faudra attendre 1973 pour qu’une loi sur le bien-être et la gestion des animaux soit adoptée.

À ce sujet donc, il semblerait que le Japon soit à la traîne par rapport aux pays occidentaux. L’Archipel n’a pas mis en place le même type d’instruments juridiques dictant les normes relatives aux installations pour animaux, définissant les règles de gestion des animaux ou autorisant ceux-ci à accompagner leurs propriétaires dans les transports publics. Toutefois, le Japon semble rapidement rattraper son retard.

Depuis de nombreuses années, le Japon est montré du doigt en raison du nombre important de chiens et de chats amenés dans les centres de santé publique pour y être euthanasiés. Cependant, selon le ministère de l’Environnement, ce chiffre a considérablement diminué, passant de plus de 1,2 million en 1974 à 83 000 en 2015. Le pourcentage de chiens et de chats qui sont issus de ces installations et ont pu être adoptés a augmenté de manière phénoménale pour la même période, passant de 2 % à 39 %. Le Japon, autrefois mauvais élève, progresse et s’approche petit à petit de pays comme la Grande-Bretagne, avec 7 000 animaux euthanasiés et peut-être un jour de l’Allemagne, où le chiffre est tout simplement de 0. Pour information, les États-Unis en ont euthanasiés environ 2 millions en 2015.

La question du vieillissement des animaux et de leurs propriétaires

Le nombre d’animaux domestiques n’a jamais été aussi élevé au Japon, un phénomène qui trouve en partie son explication dans la baisse du taux de natalité et du vieillissement de la population. Les adultes sans enfant optent de plus en plus pour des animaux de compagnie, et les seniors recherchent une présence une fois que leurs enfants ont quitté le nid familial ou que leurs partenaires sont décédés. Par ailleurs, un nombre croissant de Japonais disent se sentir seuls et isolés. Plus de la moitié des propriétaires d’animaux japonais confient que leurs compagnons leur offrent du réconfort, et qu’ils représentent pour eux plus des membres de la famille ou des partenaires que de simples animaux.

Cependant, un problème se pose alors : qui doit s’occuper de l’animal dans le cas où ce dernier et son maître sont âgés ? En 2016, la loi sur le bien-être animal a été révisée pour inclure une clause non contraignante obligeant les propriétaires d’animaux à s’occuper à vie de leurs animaux. Par ailleurs, des maisons pour chiens âgés ont vu le jour dans le pays. Dans le même temps, cependant, un nombre croissant de propriétaires vieillissants choisissent d’abandonner leurs animaux de compagnie. Ce dont il est certain, c’est que l’évolution de notre société amènera de nouveaux débats sur les relations entre les humains et les animaux.

(Photo de titre : statues en bronze de Taro et Jiro devant le navire de recherche antarctique Fuji, amarré en permanence au port de Nagoya. Photo : Aflo)

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Ishi HiroyukiArticles de l'auteur

Journaliste et scientifique spécialisé dans l’environnement. Après un bref passage au comité de rédaction du Asahi Shimbun, il a été consultant principal pour le Programme des Nations unies pour l’environnement à Nairobi et à Bangkok. Il a également occupé des chaires d’enseignement supérieur dans les instituts de hautes études des Universités de Tokyo et de Hokkaido, été ambassadeur du Japon en Zambie et conseiller auprès de l’Agence japonaise de coopération internationale et des conseils d’administration du Centre régional de l’environnement pour l’Europe centrale et orientale (CRE) à Budapest, ainsi que de la Société ornithologique du Japon. Auteur de divers ouvrages, dont Chikyû kankyô hôkoku (Rapport sur l’environnement mondial), Kilimandjaro no yuki ga kiete iku (La disparition des neiges du Kilimandjaro) et Watashi no chikyû henreki – Kankyô hakai no genba o motomete (Mes voyages à travers le monde pour étudier la destruction de l’environnement).

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