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Aoki Yûki, 15 ans à faire danser des SDF japonais : une expérience racontée dans « The Dancing Homeless »

Culture Cinéma

The Dancing Homeless (Les sans-abris dansant), un documentaire sur un groupe de SDF japonais qui apprennent la danse est sorti en salles au printemps 2020 dans l’Archipel. Nous avons demandé au danseur professionnel Aoki Yûki, qui s’est occupé de diriger ces sans-abris, de nous éclairer sur la naissance de cette nouvelle compagnie de danse et sur la forme d’expression à laquelle elle aspire.

Pas besoin de règles pour les motiver

Aoki commença par tenter d’enseigner à ces hommes comment bouger leurs bras et leurs jambes, mais il se rendit vite compte qu’il ne réussissait qu’à étouffer leur expression personnelle. Plutôt que de chercher à les faire entrer dans son propre cadre, Aoki opta pour une nouvelle approche et choisit de mettre en valeur les mouvements et les techniques susceptibles d’exprimer le mieux la façon dont chacun d’entre eux avait vécu et survécu.

« Au début, j’avais une règle : si vous ne pouviez pas venir à une séance de pratique, vous deviez m’en informer à l’avance. Mais désormais, s’ils veulent faire une pause, libre à eux. C’est leur choix. Après tout, mon intention originelle était d’amener à la danse ces laissés-pour-compte de la société. Leur imposer des règles ne ferait qu’étouffer ce qui leur restait de vie intérieure. S’ils avaient le sentiment que cela les tuait, qui étais-je pour les forcer à venir ? Je devais changer complètement ma façon d’envisager la question. »

Cela suffirait-il à nourrir leur motivation à venir pratiquer ?

« Qui n’aime pas les applaudissements ? Si vous ne venez pas à la pratique, vos opportunités de vous produire en public se réduisent. Seuls parviennent à monter sur scène ceux qui pratiquent régulièrement. En règle générale, cela constitue une motivation suffisante. On n’a pas vraiment besoin de règles pour inciter les gens à marcher dans les clous. »

Aoki remarque qu’il n’en conserve pas moins un rôle de guide à jouer. « Les laisser simplement danser comme ils en ont envie ne suffit pas à créer un spectacle. Je suis leur entraîneur et leur directeur et, à ce titre, il m’appartient de me demander comment tirer le meilleur parti de leurs corps et de leurs sensibilités, tout en veillant à la qualité du spectacle. »

À mesure que le groupe devient plus connu et que les médias parlent davantage de lui, ses membres commencent à faire l’objet de critiques. Des voix s’élèvent pour dire : « Si vous êtes capables de danser, pourquoi ne travaillez-vous pas ? » Aoki reste imperturbable. C’est exactement le genre de personnes, dit-il, qui devrait assister aux spectacles donnés par sa compagnie.

« Les gens comme cela, qui trouvent toujours quelque chose à critiquer, sont probablement en train de se battre contre leurs propres démons. Je veux leur demander de venir et de nous dire les choses en face. Je ne me suis pas lancé dans cette aventure pour aider une bande de sans-abris à se remettre sur pieds. Bien sûr, c’est une bonne nouvelle s’ils trouvent que la danse les aide à tourner le regard vers eux-mêmes et leurs vies, mais si vous démarrez avec ce genre d’objectif, le pouvoir de la danse va vous échapper. Ce qui m’intéresse c’est ce qu’ils font sur scène, et je m’attache à n’avoir de relations avec eux qu’à travers la danse. Je ne m’immisce pas dans leurs affaires personnelles. En fait, j’ai appris beaucoup de choses sur eux pour la première fois après avoir vu ce documentaire ! », dit-il en rigolant.

(Interview et texte de Watanabe Reiko. Photos : Hanai Tomoko)

Le film 

  • Casting : Aoki Yûki, Yokouchi Masato, Itô Haruo, Koiso Matsuyoshi, Hirakawa Shûichirô, Watanabe Yoshiharu, Nishi Tokuchiko, Yamashita Kôji
  • Réalisateur : Miura Wataru
  • Année de production : 2019
  • Site officiel (en japonais)

Bande-annonce

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