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Wakao Ayako, actrice d’exception et incarnation de la beauté féminine de l’après-guerre

Cinéma

Wakao Ayako est l’actrice qui a peut-être symbolisé le plus parfaitement la sensualité féminine des années 50 et 60. De la maîtresse manipulatrice à la geisha en passant par la femme mariée éprise d’une autre femme, elle a incarné tout type de rôle pour certains des plus grands cinéastes japonais. Un festival en son honneur s’était tenu à Tokyo, où 41 bobines, des plus célèbres chefs d’œuvres, restaurés en 4K, à des perles rares exhumées pour l’occasion, ont permis de faire revivre à l’écran les femmes interprétées par cette actrice d’exception.

Une femme aux 1 000 visages

Wakao Ayako est née en 1933. Recrutée par la grande société de production cinématographique Daiei lors d’une audition en 1951 (5e sélection de nouveaux acteurs et nouvelles actrices), elle fait ses débuts sur grand écran l’année suivante. Son palmarès se monte aujourd’hui à 250 films. Son visage est familier de tout Japonais qui a connu l’ère Shôwa (1926-1989), et elle marque encore de nombreux cinéphiles d’aujourd’hui.

Après avoir enchaîné 9 rôles dès sa première année, elle crève l’écran dès l’année suivante avec « Manuel sexuel pour jeunes filles » (Jûdai no seiten), dans lequel elle interprète une lycéenne amoureuse d’une camarade plus âgée. Ce rôle tout en pureté sentimentale lui vaut une célébrité et elle devint une véritable « idole », alors que, dans le même temps, avec son rôle de maiko (apprenti geisha) dans Les musiciens de Gion de Mizoguchi Kenji, elle convainc les plus difficiles de son vrai talent d’actrice.

Le dernier chef d’œuvre de Mizoguchi Kenji, La rue de la honte (Akasen chitai, 1956). Wakao Ayako est la deuxième à partir de la droite. Au centre : Kyô Machiko
Le dernier chef d’œuvre de Mizoguchi Kenji, La rue de la honte (1956). Wakao Ayako est la deuxième à partir de la droite. Au centre : Kyô Machiko ©KADOKAWA 1956

Trois ans plus tard, elle interprète l’une des prostituées qui vivent dans le quartier de Yoshiwara avant la loi sur la prohibition de la prostitution, dans La rue de la honte, l’un des très rares films du grand Mizoguchi Kenji à se dérouler à l’époque contemporaine. Elle y interprète le difficile rôle de la prostituée qui fait chanter ses clients et prête à taux usuraire de l’argent à ses « collègues », une sorte d’expérience baptême que lui impose l’implacable Mizoguchi malgré le risque que cela pouvait faire peser sur une actrice qui n’avait que cinq ans de carrière.

Herbes flottantes (Ukikusa, 1959), réalisé par Ozu Yasujirô. Kawaguchi Hiroshi joue Kiyoshi, séduit par Kayo, la fille d'un artiste itinérant.
Herbes flottantes (1959), réalisé par Ozu Yasujirô. Kawaguchi Hiroshi y joue Kiyoshi, séduit par Kayo, la fille d’un artiste itinérant ©KADOKAWA 1959

Par la suite, Wakao Ayako a de nouveau la chance de travailler avec un autre géant du 7e art, puisqu’elle tourne dans Herbes flottantes (1959), le seul film que Ozu Yasujirô a tourné pour la maison de production Daiei, alors qu’il était un réalisateur de la Shôchiku. Elle y interprète le rôle de Kayo, la fille délurée d’un artiste itinérant. Puis dans les trois derniers chefs-d’œuvre réalisés par Kawashima Yûzô à la fin de sa carrière, elle interprète à chaque fois le rôle principal : dans « Les femmes naissent deux fois » (Onna wa nido umareru, 1961), elle interprète une geisha qui ne vit que pour l’amour, dans « Le temple des oies sauvages » (Gan no tera, 1962), elle joue une maîtresse qui va rendre fou les bonzes d’un temple, et dans « La Bête élégante » (Shitoyakana Kedamono, 1962), elle est une mère célibataire qui mène les hommes à sa guise, remarquable interprétation toute en suggestion d’une femme qui sait se jouer des hommes.

(photo de gauche) Dans Les musiciens de Gion de Mizoguchi Kenji (1953), elle joue une maiko, élève de la geisha Miyoharu (Kogure Michiko, à gauche). (photo de droite) Huit ans plus tard, elle interprète une geisha qui couche pour compenser son manque de talent dans Les femmes naissent deux fois de Kawashima Yûzô (1961).
(photo de gauche) Dans Les musiciens de Gion de Mizoguchi Kenji (1953), elle joue une maiko, élève de la geisha Miyoharu (Kogure Michiyo, à gauche). (photo de droite) Huit ans plus tard, elle interprète une geisha qui couche pour compenser son manque de talent dans « Les femmes naissent deux fois » (Onna wa nido umareru) de Kawashima Yûzô (1961) ©KADOKAWA 1953/©KADOKAWA 1961

Dans « L’élégance de la bête » (Shitoyaka no kemono, 1962), de Kawashima Yûzô.©KADOKAWA 1962
Dans « La Bête élégante » (Shitoyakana Kedamono), de Kawashima Yûzô.©KADOKAWA 1962

Le cinéaste qui tourna le plus souvent avec Wakao Ayako est le grand Masumura Yasuzô. À partir de « Jeune fille sous le ciel bleu » (Aozora Musume, 1957), ce sont 20 films qu’ils tourneront ensemble en 12 ans.

« Jeune fille sous le ciel bleu » est l’histoire rafraîchissante d’une jeune fille qui ne se laisse pas abattre par l’adversité et garde confiance en la vie. « Une femme de champion » (Saikô shukun fujin, 1959) est une comédie sentimentale sur trois sœurs qui essaient d’échapper à une proposition de mariage d’une famille de grands commerçants. Wakao Ayako y joue de façon exquise le rôle de la plus jeune sœur. Dans Le mari était là (1964), elle interprète une épouse insatisfaite affamée d’amour, et dans L’ange rouge (1966), un film de guerre atypique, elle campe le rôle d’une infirmière qui se dévoue corps et âme au front.

 (de gauche à droite) Aozora Musume (« Jeune fille sous le ciel bleu », 1957), Saikô shukun fujin (« Femme de champion », 1959) et Akai tenshi (« L’ange rouge », 1966), trois films de Masumura Yasuzô.©KADOKAWA 1957/©KADOKAWA 1959/©KADOKAWA 1966
(de gauche à droite) « Jeune fille sous le ciel bleu » (Aozora Musume, 1957), « Femme de champion » (Saikô shukun fujin, 1959) et L’ange rouge (1966), trois films de Masumura Yasuzô ©KADOKAWA 1957/©KADOKAWA 1959/©KADOKAWA 1966

Adapté des romans de Tanizaki Junichirô Svastika et Le tatouage, les films du même nom (Passion, 1964, et Le Tatouage, 1966, tous deux distribués en France) sont des chefs d’œuvre de Masumura dans lesquels Wakao Ayako met toute la puissance de son art au service de l’érotisme tanizakien. Le tatouage raconte les sentiments de la fille d’un prêteur sur gage, qui s’enfuit avec un serviteur dont elle est tombée amoureuse, mais tombe entre les griffes de personnes mal intentionnées qui la vendent comme prostituée après lui avoir imposé un tatouage sur le dos.

Dans Svastika (1964), Wakao Ayako interprète Mitsuko, une fille calculatrice qui tient sous sa dépendance Sonoko, une femme mariée (Kishida Kyôko, à droite).©KADOKAWA 1964
Dans Passion (1964), Wakao Ayako interprète Mitsuko, une fille calculatrice qui tient sous sa dépendance Sonoko, une femme mariée (Kishida Kyôko, à droite).©KADOKAWA 1964

Un festival hommage à Wakao Ayako

Le « Festival Wakao Ayako », qui s’est tenu en 2020, a été une occasion exceptionnelle de voir ou revoir 41 films de l’actrice. Au Kadokawa Cinema Yûrakuchô, « Le journal d’une jeune mariée » (Shinkon nikki) a été présenté intégralement (1e partie Ureshii asa « Un matin joyeux », et 2e partie Hazukashii yume « Un rêve honteux ») cinq fois par jours jusqu’à la fin de l’événement.

Le tatouage, La rue de la honte, Herbes flottantes, « Les femmes naissent deux fois », « Le temple des oies sauvages » et « La Bête élégante » ont été présentées en version restaurée 4K. Il s’agissait en particulier de la première projection en version 4K du Tatouage.

Le mari était là (1964) de Masuoka Yasuzô. À gauche : Tamiya Jirô ©KADOKAWA 1964
Le mari était là (1964) de Masuoka Yasuzô. À gauche : Tamiya Jirô ©KADOKAWA 1964

Dans Bonchi (1960), réalisé par Ichikawa Kon, Wakao Ayako partage l’affiche avec Ichikawa Raizô. ©KADOKAWA 1960
Dans « Le fils de famille » (Bonchi, 1960), réalisé par Ichikawa Kon, Wakao Ayako partage l’affiche avec Ichikawa Raizô. ©KADOKAWA 1960

Wakao Ayako joue avec Mishima Yukio, qui interprète un boss yakuza dans Karakkaze yarô (« La peur de mourir », 1960) de Masuura Yasuzô. ©KADOKAWA 1960
Wakao Ayako joue avec Mishima Yukio, qui interprète un boss yakuza dans « La peur de mourir » (Karakkaze yarô, 1960) de Masumura Yasuzô. ©KADOKAWA 1960

Il était également possible de visionner des films beaucoup plus rares, comme « La poupée de bambou d’Echizen » (Echizen Takeningyô, 1960) d’Ichikawa Kon, ou d’autres perles qu’elle a joué en compagnie d’autre stars légendaires de l’époque, qu’il s’agisse de Kyô Machiko, Yamamoto Fujiko, Ichikawa Raizô, Tamiya Jirô, ou même l’écrivain Mishima Yukio.

Wakao Ayako a interprété avec dignité et énergie une très large galerie de figures de femmes, de la beauté pure à la séductrice maléfique. Cette quarantaine de films étaient une occasion unique de revoir ces femmes sous les traits d’une interprète exceptionnelle.

De gauche à droite : Tokyo Onigiri Musume (« La fille du marchand de boulettes de riz ») de Tanaka Shigeo, Ginzakko monogatari (« La fille de Ginza ») de Inoue Umeji, et Tsuma wa kokuhaku suru (« Les aveux d’une femme mariée ») de Masumura Yasuzô (tous de 1961).) ©KADOKAWA 1961
De gauche à droite : « La fille du marchand de boulettes de riz » (Tokyo Onigiri Musume) de Tanaka Shigeo, « La fille de Ginza » (Ginzakko monogatari) de Inoue Umeji, et « Les aveux d’une femme mariée » (Tsuma wa kokuhaku suru) de Masumura Yasuzô (tous datant de 1961) ©KADOKAWA 1961

©KADOKAWA
©KADOKAWA

Festival Wakao Ayako

  • Dates : du 28 février au 2 avril 2020
  • Lieu : Kadokawa Cinema Yûrakuchô (Tokyo) et autres salles
  • Films : 41 œuvres dont Le tatouage, L’ange rouge, La rue de la honte, Herbes flottantes, et une quantité d’autres films jamais distribués en France .

Bande-annonce

(Texte de Matsumoto Takuya, de Nippon.com. Photo de titre : Le tatouage, de Masumura Yasuzô, 1966 ©KADOKAWA 1966)

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