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Un ex-otage de l’attaque de la résidence de l’ambassadeur du Japon au Pérou nous raconte

Cinéma Culture

Le film américain Bel Canto, interprété par Julianne Moore et Watanabe Ken, est l’adaptation d’un best-seller inspiré de faits réels, à savoir la crise des otages de l’ambassade du Japon au Pérou qui s’est déroulée sur quatre mois fin 1996, une affaire qui a secoué la communauté internationale. À l’occasion de la sortie du film au Japon, nous avons rencontré Ogura Hidetaka, ancien diplomate et ex-otage.

Ogura Hidetaka OGURA Hidetaka

Professeur au département de langues étrangères de l’université Kanagawa, spécialiste en relations internationales (en particulier en théorie des pays de l’hémisphère sud), histoire de la pensée en Amérique latine et théorie des cultures hispanophones. Né en 1951 à Osaka. Il entre en 1986 au ministère des Affaires étrangères,puis intègre le bureau de l’Amérique du Sud et Centrale et est posté à Cuba, au Pérou et au Mexique jusqu’à sa démission en 1998. Il enseigne à l’université Kanagawa depuis 2010. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels « Le dialogue brisé – réexamen de la crise de l’ambassade japonaise au Pérou » (Fûsatsu sareta taiwa – perû nihon taishi kôtei senkyo jiken saikô, Heibonsha, 2000), « L’image du "cœur de la réforme" dans l’hémisphère sud – vers la possibilité d’un mouvement social du 21e siècle » (Gurôbaru sausu ni okeru henkaku shutai zô – 21 seikigata shakai undô no kanôsei, Yôransha, 2018).

Le film Bel Canto est basé sur le roman du même nom de l’écrivaine américaine Ann Patchett, paru en 2001 et couronné de prestigieux prix littéraires aux États-Unis comme en Grande-Bretagne. Il a également été élu Meilleur livre de l’année par Amazon en 2001.

L’histoire se déroule dans la résidence du vice-président d’un pays d’Amérique latine, où est donnée une grande réception. Parmi les nombreux invités de marque figure l’entrepreneur japonais Hosokawa (Watanabe Ken). Le clou de la soirée est le concert donné par la soprano mondialement réputée Roxanna Coss (Julianne Moore), dont Hosokawa est un fan absolu. Ses hôtes espèrent ainsi le convaincre d’implanter une usine dans leur pays.

La chanteuse Roxanna Coss (Julianne Moore) et l’entrepreneur japonais Hosokawa (Watanabe Ken) au sol dans la résidence occupée par un groupe armé ©2017 BC Pictures LLC All rights reserved.
La chanteuse Roxanna Coss (Julianne Moore) et l’entrepreneur japonais Hosokawa (Watanabe Ken) au sol dans la résidence occupée par un groupe armé.  ©2017 BC Pictures LLC All rights reserved.

À l’instant où la cantatrice chante ses premières notes, un groupe armé envahit la résidence et prend en otage les invités. Les guérilleros exigent la libération de leurs camarades emprisonnés. Alors que les négociations avec le gouvernement s’enlisent, la prise d’otages s’éternise et, en raison de sa notoriété, Roxanna est la seule femme à ne pas être libérée au fil des jours. Dans une tentative de faire progresser les négociations, les guérilleros la font chanter au balcon de la résidence. Des relations quasi filiales commencent alors à se nouer entre les jeunes combattants pauvres et incultes et leurs otages riches et cultivés…

Roxanna chante au balcon ©2017 BC Pictures LLC All rights reserved.
Roxanna doit chanter au balcon à la demande des guerilleros.  ©2017 BC Pictures LLC All rights reserved.

Kase Ryô (au centre) dans le rôle de l’interprète ©2017 BC Pictures LLC All rights reserved..
Kase Ryô (au centre) dans le rôle de l’interprète  ©2017 BC Pictures LLC All rights reserved..

L’intrigue du livre d’Ann Patchett s’inspire d’un incident réel, qui s’est déroulé non pas dans la résidence d’un vice-président, mais dans celle de l’ambassadeur du Japon au Pérou, à Lima. Le soir du 17 décembre 1996, au cours de la réception annuelle donnée en l’honneur de l’anniversaire de l’empereur, quatorze membres armés du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) s’introduisent dans la résidence, où ils prennent en otage l’ambassadeur Aoki Morihisa, le personnel de l’ambassade et les invités, soit en tout 621 personnes.

Après l’assaut des forces spéciales péruviennes, un panache de fumée s’élève de la résidence de l’ambassadeur japonais au Pérou le 22 avril 1997, à Lima (Jiji)
Après l’assaut des forces spéciales péruviennes, un panache de fumée s’élève de la résidence de l’ambassadeur japonais au Pérou le 22 avril 1997, à Lima. (Jiji Press)

De nombreux otages – principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées – sont rapidement libérés, mais 72 d’entre eux sont retenus durant quatre mois. Le 22 avril 1997, sur l’ordre d’Alberto Fujimori, le président de l’époque, les forces spéciales de l’armée péruvienne lancent un raid contre la résidence : les guérilleros sont tous abattus et les otages libérés. Deux membres du commando et un otage (un juge de la cour suprême péruvienne) trouvent la mort dans l’opération. Vingt-quatre Japonais sont restés en otage jusqu’à la fin, parmi lesquels l’ambassadeur Aoki, des diplomates japonais et des expatriés employés par des entreprises nippones. Ogura Hidetaka, alors premier secrétaire de l’ambassade, était l’un d’entre eux. Il est aujourd’hui professeur à l’Université de Kanagawa.

Ogura Hidetaka, professeur à l’université de Kanagawa
Ogura Hidetaka, professeur à l’Université de Kanagawa

Suite > Le syndrome de Lima au cœur du film

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