Films à l’affiche

Gérer un acteur sans expérience ou des comédiens handicapés : les challenges d’Ômori Tatsushi , réalisateur de « Tarô no baka »

Culture Cinéma

Avec onze films au compteur, le réalisateur Ômori Tatsushi fait figure de leader dans le cinéma japonais d’aujourd’hui. Son dernier long métrage, Tarô no baka (« Tarô l’idiot »), vient de sortir, après 25 ans de réflexion. Il n’a pas hésité à affronter plusieurs challenges pour donner naissance à cette œuvre, comme mettre en scène un acteur sans expérience ou des personnes handicapées.

Ômori Tatsushi ŌMORI Tatsushi

Né à Tokyo en 1970. Diplômé du département de sociologie de l’Université de Komazawa. Après s’être fait un nom comme acteur, il devient l’assistant réalisateur de Arai Haruhiko et de Sakamoto Junji entre autres. Il réalise son premier film en 2005, l’adaptation d’un roman de Hanamura Mangetsu, lauréat du Prix Akutagawa, « The Whispering of the Gods » (Germanium no yoru). Le film est sélectionné en compétition officielle au Festival de Locarno. En 2010, son deuxième film, « Le pays de Kenta, Jun et Kayo » (Kenta to Jun to Kayo-chan no kuni), sur un scénario original, est présenté dans la section Forum du 60e Festival international du film de Berlin. Il reçoit la même année le Prix du jeune réalisateur de l’Association des Réalisateurs de cinéma Japonais. Sa dernière réalisation se nomme « Tarô l’idiot »(Tarô no baka), sorti au cinéma le 6 septembre 2019.

Comment gérer un jeune acteur sans expérience

L’histoire est centrée sur deux lycéens (interprétés par Suda Masaki et Nakano Taiga) et bien sûr, Tarô lui-même. Après l’audition de 300 candidats, le personnage de Tarô ne trouvait toujours pas d’interprète à sa mesure, c’est alors que le réalisateur est tombé sur Yoshi, un jeune garçon dont on parlait un peu dans certains groupes sur Instagram.

Le trio du film Tarô no Baka. De gauche à droite : YOSHI dans le rôle de Tarô, Suda Masaki dans celui d’Eiji, Nakano Taiga dans celui de Sugio. © 2019 Comité de production Tarô no Baka
Le trio du film Tarô no baka. De gauche à droite : Yoshi dans le rôle de Tarô, Suda Masaki dans celui d’Eiji, Nakano Taiga dans celui de Sugio. © 2019 Comité de production Tarô no baka

« En voyant sa photo, j’ai tout de suite voulu le rencontrer. J’ai alors immédiatement remarqué qu’il était totalement étranger à tout forme de politesse. Contrairement aux autres enfants acteurs, il n’est pas “socialisé”. Il dit directement ce dont il a envie de dire, sans se poser de questions. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir la tête qui fonctionne... Et comment ! Il a parfaitement conscience de l’importance de ses propres sentiments, et c’est ce qui m’a fait comprendre son intelligence. Ça et son côté "rébelle" contre la société hiérarchique collaient exactement avec le personnage de mon film. »

Comment cet enfant sauvage, âgé de 15 ans et sans la moindre expérience de la mise en scène, a-t-il pu s’investir à ce point dans un tournage professionnel ? Le secret a consisté à le faire habiter avec un autre acteur du film, dans l’appartement d’une seule pièce qui sert de décor à l’endroit où Tarô et sa mère vivent. Ce fut le travail d’Aramaki Zenki, un habitué des films d’Ômori Tatsushi, qui y campe ici le rôle d’un délinquant, .

« Yoshi n’était inscrit dans aucune agence, il ne dépendait d’aucun manager, bref, s’il ne s’était pas présenté sur le tournage, on était mal barrés (rires). On avait donc besoin de quelqu’un qui le fasse se lever le matin et l’accompagne sur le lieu de tournage. J’ai demandé à un acteur d’habiter avec lui sur place, de s’occuper de tous ses besoins et de lui faire apprendre ses dialogues. Parce que j’avais dès le départ demandé à Yoshi d’apprendre ses dialogues par cœur. Pour le reste, je lui avais dit que la seule chose importante était de voir ce qu’il ressentirait sur le plateau. »

À partir du moment où il a été décidé de mettre en scène Yoshi, le processus de tournage et l’atmosphère du plateau ont pris une toute autre dimension.

« En premier lieu, quel genre d’environnement fallait-il mettre en place pour permettre à Yoshi d’apparaître dans toute sa force vitale ? Si nous donnions l’impression d’imposer coûte que coûte notre idée du film, ça n’aurait jamais marché. Pour tirer le meilleur parti de sa personnalité, nous avons retiré tout ce qui, en règle générale, fait d’un lieu de tournage de cinéma un endroit confidentiel, sévère, efficace. Bref, on en a fait un endroit où l’on pouvait vraiment s’amuser à tourner. Et là, j’ai alors vu les choses d’une différente manière. "Voilà ce qu’il faut pour mon film ! me suis-je dit." Pour la caméra aussi, puisqu’il s’agissait de filmer trois jeunes que rien ne pouvait faire tenir sur une trajectoire fixée à l’avance, ce n’était pas aux acteurs de s’adapter au cadre mais le contraire ! »

Yoshi (au milieu), écoutant les directives d'Ômori Tatsushi à sa gauche. Cet endroit a été le lieu de résidence du jeune acteur durant tout le tournage © 2019 Comité de production Tarô no baka
Yoshi (au milieu), écoutant les directives d'Ômori Tatsushi à sa gauche. Cet endroit a été le lieu de résidence du jeune acteur durant tout le tournage. © 2019 Comité de production Tarô no baka

Suite > Pas besoin de thème pour un film

Tags

culture cinéma

Autres articles de ce dossier