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« Mononoke » : l’anime culte revient sur grand écran 17 ans après son succès

Anime Cinéma

Inagaki Takatoshi [Profil]

L’anime Mononoke, sorti en 2007, avait su captiver le public avec ses thèmes profonds et son esthétique résolument japonaise. En 2024, le voici enfin porté sur grand écran, avec une relecture adaptée aux enjeux sociétaux actuels. Rencontre avec le réalisateur Nakamura Kenji.

Nakamura Kenji NAKAMURA Kenji

Né en 1970, il s’est fait remarquer avec son premier projet de réalisateur en 2006, l’épisode Bakeneko (« Le Chat Fantôme ») de la célèbre série télévisée d’horreur Ayakashi. Ce premier succès lui a permis de diriger sa propre série Mononoke en 2007, inspirée de cet épisode. Ses œuvres abordent une grande variété de thèmes, des scènes de la vie quotidienne à des problématiques sociétales plus larges, et se distinguent par des images éclatantes et des interprétations novatrices qui confèrent à ses animes une signature unique.

Un nouveau personnage

Le film, produit 17 ans après la série télévisée, adopte une esthétique et une ambiance différentes. Si le style visuel reste inspiré des rouleaux d’estampes anciennes, la conception des personnages a été confiée à la mangaka Nagata Kitsuneko, qui a complètement réimaginé le vendeur de remèdes, ainsi que son épée, sa balance et sa boîte à remèdes.

Comme dans la série télévisée, ce dernier reste une figure énigmatique, dont les origines et la personnalité demeurent volontairement obscures. Cependant, le personnage du film diffère légèrement de celui de la série originale.

« Le vendeur de remèdes est au cœur de l’essence de Mononoke. Je n’ai jamais envisagé d’utiliser un autre protagoniste », affirme Nakamura. Afin de conserver l’esprit du personnage tout en lui apportant une nouvelle dimension, le réalisateur a passé plus de dix mois à travailler sur son design.

Selon Nakamura, le nouveau vendeur de remèdes est « froid et détaché en apparence, mais il n’hésite pas à braver les tempêtes pour sauver les autres ». (© Twin Engine)
Selon Nakamura, le nouveau vendeur de remèdes est « froid et détaché en apparence, mais il n’hésite pas à braver les tempêtes pour sauver les autres ». (© Twin Engine)

Conscients de l’attrait grandissant de la série à l’étranger, les créateurs ont redoublé d’efforts pour mettre en avant les éléments visuels typiquement japonais dans le film. Cela s’est traduit par une utilisation accrue de motifs inspirés des estampes ukiyo-e et de l’art japonais traditionnel.

« Il est délicat de trouver un équilibre entre la stylisation et une esthétique authentique. Les estampes ukiyo-e se caractérisent par leurs surfaces planes et leurs arrière-plans clairement délimités. Mononoke reprend ce style visuel, qui le distingue des autres animes, tout en veillant à ne pas rendre les images trop tape-à-l’œil », explique le réalisateur.

Les visuels nous évoquent les estampes ukiyo-e et le papier japonais washi. (© Twin Engine)
Les visuels nous évoquent les estampes ukiyo-e et le papier japonais washi. (© Twin Engine)

Les textures inspirées du papier washi ajoutent une autre couche d’unicité à l’esthétique du film. Du véritable papier japonais a été utilisé comme filtre d’écran, mais la palette de couleurs diffère subtilement de celle des ukiyo-e traditionnels. Le cadre somptueux des ôoku, par exemple, présente des teintes plus saturées que celles de la série télévisée, créant un visuel éclatant qui semble particulièrement plaire aux spectateurs étrangers.

Une poupée en lin est au cœur de l'intrigue du film. (© Twin Engine)
Une poupée en lin est au cœur de l’intrigue du film. (© Twin Engine)

L’essence de Mononoke

Les changements survenus dans la société au cours des 17 années qui séparent la série télévisée du film se reflètent également dans le ton de l’œuvre.

« La série télévisée a été créée à une époque où l’avenir semblait encore prometteur. Nous voulions explorer des histoires sombres. Aujourd’hui, nous vivons dans une époque incertaine, avec une abondance de récits inquiétants sur les réseaux sociaux. Il n’y a plus besoin d’ajouter de la noirceur dans le domaine du divertissement. C’est la principale raison pour laquelle la série a évolué », explique Nakamura.

Saburômaru, chargé d'enquêter sur les accidents au sein des ôoku. (© Twin Engine)
Saburômaru, chargé d’enquêter sur les accidents au sein des ôoku. (© Twin Engine)

Cependant, certaines choses restent inchangées. « L’élément central, c’est la présence du vendeur de remèdes. Ensuite, il y a les récits basés sur les tourments émotionnels, ancrés dans une réalité palpable. Il est crucial que le spectateur ressente quelque chose lorsque le vendeur de remèdes exorcise un mononoke avec son épée. Même si c’est de la fiction, je voulais offrir une histoire dont les émotions soient réelles. »

Mugitani, la « grande sœur » des autres concubines. (© Twin Engine)
Mugitani, la « grande sœur » des autres concubines. (© Twin Engine)

Tout comme la série télévisée, le film regorge d’une incroyable richesse visuelle et sonore.

« De nos jours, le public a souvent tendance à chercher des divertissements faciles à consommer. Il est pourtant parfois préférable de regarder quelque chose qui pousse à la réflexion. J’ai voulu raconter une histoire captivante et rythmée, tout en prenant le temps de développer des événements complexes », ajoute-t-il.

Un monde où tout ce qui est à l’écran à un sens. (© Twin Engine)
Un monde où tout ce qui est à l’écran à un sens. (© Twin Engine)

Une trilogie en perspective

À la surprise générale, Mononoke, le film : Un fantôme sous la pluie n’est que le premier volet d’une trilogie. Le deuxième film, intitulé Hinezumi (« Le Rat de Feu »), est prévu pour mars 2025.

« Chacun des protagonistes du film joue un rôle clé dans l’histoire à venir », révèle Nakamura. « Les récits de nombreux personnages secondaires prendront vie dans les prochains volets. »

L’aventure du nouveau vendeur de remèdes ne fait que commencer.

La scène de bataille opposant le vendeur de remèdes au Karakasa. (© Twin Engine)
La scène de bataille opposant le vendeur de remèdes au Karakasa. (© Twin Engine)

Bande-annonce

Le site officiel (en japonais) : https://www.mononoke-movie.com/

(Photo de titre : © Twin Engine)

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Inagaki TakatoshiArticles de l'auteur

Rédacteur et éditeur. Spécialisé dans le cinéma étranger, il écrit sur des sujets très divers, critiques, chroniques et interviews, pour de nombreux médias, livres, magazines, brochures de cinéma et médias en ligne. Il effectue également des recherches et des consultations pour des productions théâtrales nationales et, ces dernières années, il a participé à la production de « La cloche de Pandore » (Pandora no kane, mise en scène par Sugihara Kunio) et à certaines œuvres de la compagnie théâtrale Kinoshita Kabuki.

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