« Mononoke » : l’anime culte revient sur grand écran 17 ans après son succès
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Mononoke, une renaissance
La série tire son nom des esprits qui se nourrissent d’émotions humaines intenses, et ils font partie des créatures folkloriques japonaises, les yôkai. Le protagoniste, un vendeur de remèdes, possède une épée capable de les apaiser. Mais il doit d’abord découvrir leur forme, leur vérité et leur raison d’être, en clair, leur identité originelle, ce qui les a transformés et la cause de leur tourment émotionnel.
L’esthétique de l’anime, inspirée des estampes ukiyo-e et du papier washi, lui donne une saveur résolument japonaise, tandis que ses scénarios mêlent horreur et mystère pour explorer des drames humains poignants. Très populaire lors de sa diffusion et après, la série a également su conquérir un public international.
En 2022, une campagne de financement participatif a été lancée pour le film Gekijôban Mononoke : Karakasa (« Mononoke, le film : Un fantôme sous la pluie ») à l’occasion du 15ᵉ anniversaire de la série. L’objectif initial de 10 millions de yens de dons a été rapidement dépassé, atteignant plus de 60 millions (370 000 euros). La production a donc pu être lancée dans les meilleures conditions.
Nakamura : une vision moderne
Nakamura Kenji, également réalisateur du film, avoue avoir initialement douté de la pertinence d’un tel projet :
« En 2007, l’iPhone faisait son entrée au Japon et Twitter voyait le jour. C’était une époque de grands bouleversements. Les réseaux sociaux n’étaient pas encore omniprésents, et il était difficile pour les individus de se faire entendre. Mononoke avait été conçu comme une bouée de sauvetage pour les “voix ignorées ”. »
La série a mis en scène de nombreux mononoke. Des figures emblématiques comme le bakeneko (« chat fantôme »), le zashiki warashi (« esprit enfantin »), l’umi-bôzu (« moine des mers monstrueux »), le nopperabô (« sans-visage ») et le nue (« chimère ») y apparaissent. Selon la légende de la série, ces esprits naissent des émotions humaines : amour, avidité, solitude ou désespoir. Le vendeur de remèdes utilise son épée pour apaiser les âmes tourmentées, dont les injustices subies de leur vivant ont fait d’elles des mononoke après leur mort.
« Aujourd’hui, il y a une surabondance d’émotions humaines. J’avais peur que le concept original, qui avait trait à l’impossibilité d’exprimer ses émotions, ne résonne plus de la même manière. Il me fallait donc moderniser Mononoke. »
« Pour envisager une nouvelle version, il était hors de question de faire des compromis », a expliqué Nakamura. Il a parcouru de nombreuses idées de scénario avant d’en choisir une qui allait, selon lui, résonner avec le public actuel. Il a ensuite passé près de deux ans à peaufiner son récit.
L’idée d’une rancune collective
Le réalisateur a décidé, après plusieurs recherches, d’explorer le concept économique de « l’erreur de composition », selon lequel ce qui est bénéfique pour un individu ou une organisation ne l’est pas nécessairement pour le groupe.
« La pensée des groupes et des individus divergera toujours. C’était vrai autrefois, ça l’est aujourd’hui, et ce sera toujours le cas tant que les sociétés seront composées d’êtres émotionnels, c’est-à-dire de personnes », affirme Nakamura. « J’ai senti que si je pouvais montrer un mononoke né de cette discordance, cela lui donnerait une dimension réaliste. Jusqu’à présent, je me suis concentré sur les tourments émotionnels des individus, mais cette fois, je voulais montrer à quoi pourrait ressembler une société en pleine crise émotionnelle. »
L’histoire se déroule dans les ôoku, les appartements intérieurs du palais impérial. Ces chambres sont habitées par un groupe de femmes cloîtrées, chargées de s’occuper de l’empereur et de concourir entre elles pour lui donner un héritier. Cet espace exclusif, réservé aux plus belles femmes du pays, est strictement interdit à tout homme autre que l’empereur, ce qui en fait un lieu d’influence politique quasi gouvernementale.
« Les ôoku sont visuellement fascinants et correspondent parfaitement au concept des mononoke. De plus, ils s’accordent étonnamment bien avec le thème de l’erreur de composition », explique Nakamura.
L’intrigue débute avec l’arrivée de deux nouvelles figures dans les ôoku, Asa et Kame. Asa, vive et intelligente, s’adapte rapidement à cet environnement exigeant, tandis que Kame, maladroite et naïve, peine à trouver sa place. Malgré leurs différences, elles tissent entre elles un lien particulier. C’est dans ce contexte qu’apparaît Karakasa, le mononoke de la pluie. Pendant ce temps, Utayama, qui occupe la position la plus élevée des appartements intérieurs, cache un lourd secret, et des phénomènes étranges plongent les lieux dans le chaos.
Un nouveau personnage
Le film, produit 17 ans après la série télévisée, adopte une esthétique et une ambiance différentes. Si le style visuel reste inspiré des rouleaux d’estampes anciennes, la conception des personnages a été confiée à la mangaka Nagata Kitsuneko, qui a complètement réimaginé le vendeur de remèdes, ainsi que son épée, sa balance et sa boîte à remèdes.
Comme dans la série télévisée, ce dernier reste une figure énigmatique, dont les origines et la personnalité demeurent volontairement obscures. Cependant, le personnage du film diffère légèrement de celui de la série originale.
« Le vendeur de remèdes est au cœur de l’essence de Mononoke. Je n’ai jamais envisagé d’utiliser un autre protagoniste », affirme Nakamura. Afin de conserver l’esprit du personnage tout en lui apportant une nouvelle dimension, le réalisateur a passé plus de dix mois à travailler sur son design.
Conscients de l’attrait grandissant de la série à l’étranger, les créateurs ont redoublé d’efforts pour mettre en avant les éléments visuels typiquement japonais dans le film. Cela s’est traduit par une utilisation accrue de motifs inspirés des estampes ukiyo-e et de l’art japonais traditionnel.
« Il est délicat de trouver un équilibre entre la stylisation et une esthétique authentique. Les estampes ukiyo-e se caractérisent par leurs surfaces planes et leurs arrière-plans clairement délimités. Mononoke reprend ce style visuel, qui le distingue des autres animes, tout en veillant à ne pas rendre les images trop tape-à-l’œil », explique le réalisateur.
Les textures inspirées du papier washi ajoutent une autre couche d’unicité à l’esthétique du film. Du véritable papier japonais a été utilisé comme filtre d’écran, mais la palette de couleurs diffère subtilement de celle des ukiyo-e traditionnels. Le cadre somptueux des ôoku, par exemple, présente des teintes plus saturées que celles de la série télévisée, créant un visuel éclatant qui semble particulièrement plaire aux spectateurs étrangers.
L’essence de Mononoke
Les changements survenus dans la société au cours des 17 années qui séparent la série télévisée du film se reflètent également dans le ton de l’œuvre.
« La série télévisée a été créée à une époque où l’avenir semblait encore prometteur. Nous voulions explorer des histoires sombres. Aujourd’hui, nous vivons dans une époque incertaine, avec une abondance de récits inquiétants sur les réseaux sociaux. Il n’y a plus besoin d’ajouter de la noirceur dans le domaine du divertissement. C’est la principale raison pour laquelle la série a évolué », explique Nakamura.
Cependant, certaines choses restent inchangées. « L’élément central, c’est la présence du vendeur de remèdes. Ensuite, il y a les récits basés sur les tourments émotionnels, ancrés dans une réalité palpable. Il est crucial que le spectateur ressente quelque chose lorsque le vendeur de remèdes exorcise un mononoke avec son épée. Même si c’est de la fiction, je voulais offrir une histoire dont les émotions soient réelles. »
Tout comme la série télévisée, le film regorge d’une incroyable richesse visuelle et sonore.
« De nos jours, le public a souvent tendance à chercher des divertissements faciles à consommer. Il est pourtant parfois préférable de regarder quelque chose qui pousse à la réflexion. J’ai voulu raconter une histoire captivante et rythmée, tout en prenant le temps de développer des événements complexes », ajoute-t-il.
Une trilogie en perspective
À la surprise générale, Mononoke, le film : Un fantôme sous la pluie n’est que le premier volet d’une trilogie. Le deuxième film, intitulé Hinezumi (« Le Rat de Feu »), est prévu pour mars 2025.
« Chacun des protagonistes du film joue un rôle clé dans l’histoire à venir », révèle Nakamura. « Les récits de nombreux personnages secondaires prendront vie dans les prochains volets. »
L’aventure du nouveau vendeur de remèdes ne fait que commencer.
Bande-annonce
Le site officiel (en japonais) : https://www.mononoke-movie.com/
(Photo de titre : © Twin Engine)