
« Undercurrent » : la rencontre entre un réalisateur prolifique et un mangaka peu fécond
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Le manga Undercurrent de Toyoda Tetsuya a été prépublié dans le magazine Gekkan Afternoon pendant un an à partir d’octobre 2004 ; le volume entier est sorti en novembre 2005 et en était à sa 18e ré-impression en juin 2023.
Traduit et publié en France en 2009, il a fait partie de la sélection officielle du Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême. De nombreux autres pays ont suivi, et cette année, le réalisateur Imaizumi Rikiya a adapté ce chef-d'œuvre en prises de vue réelles.
Kanae (Maki Yôko) dirige un établissement de bains publics. Un jour, son mari Satoru (Nagayama Eita) disparaît. (©Tetsuya Toyoda/Kôdansha © Comité de production Undercurrent 2023)
L’héroïne, Kanae, gère avec son mari l’établissement de bains publics qu’elle a hérité de son père. Un jour, son mari Satoru disparaît lors d’un voyage avec le syndicat des professionnels de bains publics. Kanae ferme l’établissement pendant un certain temps, mais finit par rouvrir après avoir recruté un employé, Hori, qui lui a été présenté par le syndicat. Il est enthousiaste à propos de son travail, mais c’est un homme peu loquace et sombre. Kanae est finalement présentée à un détective par une amie, qui enquête sur la disparition de son mari.
Dès le début, le manga a eu la réputation auprès des lecteurs d’être composé comme un film. Imaizumi, qui n’est pas lui-même un grand lecteur de mangas ni même de romans a été immédiatement séduit.
IMAIZUMI RIKIYA C’était à la fois limpide et passionnant. Mais précisément pour cette raison, c’était difficile. Je ne savais pas trop comment l’adapter en film en prise de vue réelle. La seule chose que je savais, c’est que je voulais le faire.
Kanae retrouve une amie de l’université (Eguchi Noriko), qui lui parle d’un détective. (©Tetsuya Toyoda/Kôdansha © Comité de production Undercurrent 2023)
La première rencontre
En fait, ce n’est pas la première fois qu’une adaptation cinématographique du manga de Toyoda est envisagée. L’idée a fait surface à plusieurs reprises dans le passé, mais n’avait pas réussi à franchir l’obstacle de l’autorisation de l’auteur. Celui-ci a fait ses débuts en 2003, mais en 20 ans il n’a publié qu’une dizaine d’histoires courtes, Undercurrent étant son seul manga de quelque longueur. Très mystérieux, il n’est jamais apparu dans les médias.
À vrai dire, la proposition d’adaptation d’Imaizumi non plus ne s’est pas présentée au meilleur moment. En effet, à cette période, Toyoda travaillait sur les illustrations du recueil de nouvelles de Murakami Haruki, Première personne du singulier, et avait autre chose en tête.
Il s’est donc passé un certain temps avant que Toyoda réponde. Quand soudain, Imaizumi reçoit un message directement du mangaka pour lui proposer de se rencontrer, juste tous les deux.
Tout s’était décidé lorsque Toyoda, qui n’a pas la télévision, avait entendu par hasard la voix d’Imaizumi à la radio. Ce jour-là, le réalistateur était invité à distance pour participer à une émission, mais en raison des mauvaises conditions du Wi-Fi chez lui, il a ouvert son ordinateur dans un jardin public et s’est connecté au studio. Quand Toyoda a entendu la « voix pathétique » d’Imaizumi qui parlait sous la pluie, cela l’a immédiatement décidé à visionner l’un de ses films.
I.R. Lors de cette rencontre, Toyoda a commencé par me demander : « Vous êtes sûr que ça a un intérêt d’en faire un film ? » Et moi, je ne suis pas vraiment du genre à dire « Je vous promets de le rendre intéressant », alors j’ai répondu : « Ouais, bonne question… » Nous avons fini par parler pendant environ quatre heures en buvant le thé.
Pour que les personnages de l’histoire originale « ne sentent pas mal à l’aise »
Imaizumi est l’un des réalisateurs les plus prolifiques du cinéma japonais récent. En revanche, Toyoda est considéré comme un méditatif, très loin de l’image du mangaka à succès qui produit ses œuvres en masse avec des assistants. Quel est le point commun entre ces deux hommes, qui ont en outre 15 ans de différence d’âge ?
I.R. Je pense que nous sommes tous les deux d’avis qu’il existe certaines choses qui ne peuvent être exprimées que par certaines personnes. Je parle de celles qui ne peuvent pas exprimer des sentiments de joie, de colère, de tristesse et de bonheur de manière naturelle. Par exemple, nous pouvons décrire les soucis de quelqu’un sans avoir besoin d’en faire des tonnes et de raconter toutes les difficultés à surmonter... Aussi, nous ne considérons pas la solitude et la tristesse comme nécessairement négatives.
Kanae compte sur Hori (Iura Arata), qui lui a été présenté par le syndicat des bains publics après la disparition de son mari, pour que les bains publics restent ouverts.(©Tetsuya Toyoda/Kôdansha © Comité de production Undercurrent 2023)
Une demande de Toyoda a particulièrement impressionné Imaizumi : « Essayez de faire en sorte que les fans de l'œuvre originale et les personnages ne se sentent pas mal à l’aise. »
I.R. Je comprends qu’on soit conscient des fans de l'œuvre originale. Je pense effectivement que quand on adapte un manga en film de prises de vue réelles, le minimum est que l’auteur et ses lecteurs l’apprécient. Mais les personnages aussi ? C’était trop beau pour être vrai !
Les deux hommes ont également évoqué un hypothétique casting des personnages. Toyoda lui a appris que le personnage de Yamazaki, le détective qui recherche le mari disparu de Kanae, avait été conçu sur le modèle de Lily Franky, alors même qu’à l’époque de la prépublication du manga, en 2004, Lily Franky était loin d’être la star qu’il est devenu depuis. Il a dû être surpris de voir son modèle idéal jouer le rôle de Yamazaki pour de vrai dans le film !
Kanae est présentée au détective Yamazaki (Lily Franky), une personnalité douteuse. (©Tetsuya Toyoda/Kôdansha © Comité de production Undercurrent 2023)