Quoi de neuf en cuisine ? Les Japonais et leur amour pour le gibier

Gastronomie Livre

Izumi Nobumichi [Profil]

Au Japon, le gibier (canard, cerf, ours ou sanglier entres autres) connaît une certaine vogue. Voici un livre clé pour découvrir comment la cuisine japonaise s’est emparée du gibier, avec des plats sains et savoureux. Dans ces pages on découvre également les enjeux sociétaux qui sous-tendent ce nouvel engouement. Les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche doivent faire face aux dommages causés par la faune sauvage, pensée comme nuisible.

La lutte contre les nuisibles se révèle être un atout 

Mais le relatif succès du gibier tient aussi de l’accroissement du problème des nuisibles. Selon le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, les dommages causés aux récoltes par les cerfs, sangliers, singes ou autres corbeaux ont représenté en 2022 pas moins de 15,6 milliards de yens (environ 100 millions d’euros). Près de 5 000 hectares de forêt par an sont touchés sur tout le territoire. Et les cormorans font des ravages chez les populations de poissons appelés ayu

En réaction, on voit maintenant fleurir sur les étals et dans les assiettes la viande de ces animaux. Ces prises sont consommées au lieu d’être gaspillées. L’auteur explique : « Autant mettre cette viande à la vente, cela permet de redynamiser les économies locales et de faire des bénéfices. Si elle s’avère de bonne qualité et qu’elle acquiert une bonne réputation, cela permettra de redorer l’image de la région. On voit émerger l’idée que la faune sauvage n’est pas nuisible, qu’il faut y regarder de plus près et que c’est potentiellement une ressource. »

Des habitués en train de griller du canard sauvage chassé puis congelé par M. et Mme Hattori. Photo prise le 10 avril 2024 au restaurant « Yamadori ».
Des habitués en train de griller du canard sauvage chassé puis congelé par M. et Mme Hattori. Photo prise le 10 avril 2024 au restaurant « Yamadori ».

Pour l’auteur, le succès du gibier est plus qu’un effet de mode. En effet, la lutte contre les nuisibles reste nécessaire et « les mesures d’extermination doivent être maintenues ». En 1975, le Japon comptait 500 000 détenteurs de permis de chasser, mais en 2019 ce chiffre a diminué de moitié pour passer à 210 000. De plus, le Japon vieillit, 60 % de la population a plus de 60 ans.

Selon les données du ministère de l’Environnement, 720 000 cerfs (dont 150 000 issus de la chasse) et 590 000 sangliers (dont 100 000 chassés) ont été capturés en 2022. Pourtant, à peine 10 % de ces prises sont consommées, une grande majorité a purement et simplement été éliminée.

Chasser la faune sauvage, c’est prendre des vies qui sont autant de cadeaux de la nature. Pour respecter les objectifs de développement durable des Nations unies, il faudrait que le gibier ne serve pas seulement à alimenter l’industrie de l’alimentaire notamment destinée aux animaux domestiques. Citons l’exemple de l’entreprise de maroquinerie « Les Chasseresses » (Karijo no Kai) que dirige « Gibier Fujiko » (de son vrai nom Fukuoka Fujiko ), une chasseuse certifiée qui tanne les peaux de sangliers et de cerfs en faire des sacs ou des portefeuilles.

Un nouvel horizon se dessine. Une nouvelle page est en train de se tourner dans l’histoire du gibier au Japon. Qui sait, les nombreux touristes à venir sur l’Archipel depuis la fin de la pandémie vont peut-être, eux aussi, aimer goûter aux charmes nombreux du gibier à la japonaise.

« Je veux manger une patte d’ours ! » (Tsukinowa-guma no te o tabetai !)

Par Kitao Toro
Editions Yamakei

(Photos de l’article © Izumi Nobumichi)

Tags

cuisine gastronomie livre animal

Izumi NobumichiArticles de l'auteur

Journaliste. Né à Tokyo en 1952. Il a fait ses études à l’université de Waseda avant d’entrer au journal Nihon Keizai Shimbun (Nikkei) où il est devenu chef des bureaux de Manille et Pékin, directeur général principal, et chef adjoint du comité de rédaction. Il fait partie du comité consultatif de Nippon.com.

Autres articles de ce dossier