« Totto-chan, la petite fille à la fenêtre » : une suite au best-seller de Kuroyanagi Tetsuko

Livre

Dans son livre Totto-chan, la petite fille à la fenêtre (édité en français aux Presses de la Renaissance), Kuroyanagi Tetsuko, personnalité emblématique du paysage audiovisuel japonais, raconte son enfance. Et depuis sa parution en 1981, le livre en a fait du chemin : il s’est vendu à plus 25 millions d’exemplaires dans le monde ! Et il a même récemment obtenu sa place dans le Guiness des Records. L’auteure a publié une suite.

Maintenant âgée de 90 ans, Kuroyanagi Tetsuko avait 12 ans à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

42 ans après l’original

Le roman Totto-chan, la petite fille à la fenêtre (« Madogiwa no Totto-chan »), traduit en français par Olivier Magnani et édité aux Presses de la Renaissance, a été publié en 1981. Largement autobiographique, cet ouvrage avait alors été décrit comme « le premier best-seller écrit par une femme », une description qui semble aujourd’hui absurdement obsolète. Le livre a très vite été traduit dans d’autres langues. À ce jour, l’histoire de la petite Totto-chan s’est vendue à plus de 25 millions d’exemplaires dans le monde, ce qui lui a même valu une entrée dans le livre Guiness des Records pour l’autobiographie individuelle qui a cumulé le plus grand nombre de tirages dans le monde.

J’ai reçu une copie du livre par mon père, lorsque j’étais en école primaire. J’ai été tout de suite fasciné par l’histoire de l’expulsion de Totto-chan de son école, lorsqu’elle était en première année, et par ses mille et une aventures dans sa nouvelle école, Tomoe Gakuen.

J’ai adoré l’épisode où elle a déchiré ses vêtements en grimpant sous les barbelés tous les jours, mais aussi l’épisode sur la cuisson du riz dans un cuiseur en plein air lors d’une excursion scolaire, celui où elle tombe dans les toilettes, sans oublier celui où elle grimpe dans les arbres. Le personnage principal, Totto-chan, nourrissait mon imagination ; je l’aimais beaucoup. Elle n’était pas timide, ça non. Rien ne la touchait, et elle débordait de curiosité.

Vers la fin du livre, on comprend que la guerre est imminente. Le concierge que Totto-chan aimait tant doit partir à l’armée, les enfants organisent un goûter où le seul encas disponible est du calamar séché, et sa boîte à repas devient de plus en plus maigre.

Évacuée dans le nord-est du pays

La suite du premier roman
La suite du premier roman

Kuroyanagi Tetsuko a récemment publié une suite aux mésaventures de la petite fille qu’elle était. Quand on lui a demandé la raison d’une telle décision, l’auteure s’est contentée de répondre : « Je veux écrire sur la guerre tant que je m’en souviens encore. »

Le lecteur peut ainsi se replonger là où ses mille et une péripéties s’étaient arrêtées dans le premier opus.

Dans la suite de son best-seller, Tetsuko explique ce qui est arrivé à Totto-chan dans les années suivantes. Elle décrit Tokyo pendant la guerre, elle décrit les années qu’elle a passées dans la préfecture d’Aomori (nord-est) lorsqu’elle a dû évacuer la capitale jusqu’au moment où elle commence à travailler pour la NHK après la guerre, avec tout l’humour et l’enthousiasme qui lui sont propres.

Alors que la nourriture vient à manquer, elle raconte comment le contenu de sa boîte à bentô à l’école devenait de plus en plus léger, jusqu’à se réduire à 15 graines de soja, dont elle ne fait généralement qu’une bouchée. Elle décrit également le ciel rougeoyant pendant les bombardements aériens.

Elle n’a pas oublié les difficultés qu’elle a eues avec le dialecte, du charabia pour elle, à son arrivée à Aomori, dialogue qu’elle a très vite appris par la suite. Sa mère préparait des boulettes de riz pour les soldats en permission, une activité qui se transformera peu à peu en un commerce florissant.

Lorsqu’elle effectuait des recherches à la NHK en tant qu’étudiante, Tetsuko n’a eu que peu d’occasions d’enregistrer des émissions à la radio, parce qu’elle était bien connue pour n’en faire qu’à sa tête. Mais c’est par sa voix qu’elle s’est distinguée. Un rôle dans Yanbô, Ninbô et Tanbô, un feuilleton radio, et sa carrière était lancée.

En lisant l'œuvre, j’avais encore une image bien précise de Totto-chan, si bien que j’ai eu du mal à croire que cela faisait déjà 42 ans que la première partie était sortie. J’ai eu l’impression de grandir en même temps que l’auteure, que je connais bien, avec sa détermination, ses airs de garçon manqué, son sens prononcé de la morale et tout son comportement naturel. Si elle est généreuse et attentionnée avec ses amis, elle peut tout aussi bien sembler parfois un peu loufoque et ne pas avoir sa langue dans sa poche.

Son talk-show à la télévision, Tetsuko no heya (La chambre de Tetsuko) lui a valu une apparition dans le livre Guiness des Records, en tant que talk-show diffusé le plus longtemps par le même animateur. Sur le petit écran, elle ressemble en tout point à la petite Totto-chan décrite dans le roman.

Partager la souffrance des enfants dans le monde

Son souhait de laisser une trace de son expérience pendant la guerre est profondément lié à la vie de Totto-chan.

Dans le prologue, Tetsuko explique : « Dans mon émission Tetsuko no heya, j’ai écouté les témoignages de célébrités, qui décrivent ce qu’elles ont vécu pendant le conflit. Si elles ne partagent pas leur histoires maintenant, elles tomberont dans l’oubli, à jamais. »

Les souvenirs de guerre de l’acteur Ikebe Ryô (1918-2010) et des chanteurs Minami Haruo (1923-2001) ou encore Awaya Noriko (1907-1999) sont empreints de mélancolie.

Depuis 1984, en tant qu’ambassadrice de bonne volonté de l’Unicef, Tetsuko s’est rendue dans des pays déchirés par la guerre, tels que la Somalie, le Mozambique ou encore dans les Balkans. Elle a donc une conscience toute particulière des effets de la guerre.

Kuroyanagi Tetsuyko entourée d’enfants originaires de la République du Congo en 2004. (Photo avec l’aimable autorisation de Tanuma Takeyoshi)
Kuroyanagi Tetsuyko entourée d’enfants originaires de la République du Congo en 2004. (Photo avec l’aimable autorisation de Tanuma Takeyoshi)

Depuis que j’ai été nommée ambassadrice de bonne volonté à l’Unicef, j’ai eu à cœur de parler tout autour de moi de la souffrance des enfants dans de nombreux pays. Lorsque j’ai tenu un orphelin mourant dans mes bras en Afrique, j’ai senti qu’il valait toujours mieux que ces enfants meurent dans mes bras que seuls.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine ne semble guère prendre fin, et les violences font de nombreuses victimes à Gaza et en Israël. Même si le Japon n’y est pas lui-même impliqué, il y a toujours un conflit quelque part dans le monde, il y a toujours des gens qui souffrent.

Dans le roman, Totto-chan a toujours l’air heureuse. De la même façon, le sourire rayonnant de Tetsuko ne laisse jamais indifférent. Même si la fillette a grandi pour devenir LA Kuroyanagi Tetsuko que l’on voit à la télévision, elle a toujours su comment faire sourire les gens. Totto-chan espérait, peut-être plus que quiconque, que tout le monde pourrait être heureux et détestait, peut-être plus que quiconque, voir quelqu’un dans la détresse.

J’espère que le message du nouveau livre de Totto-chan résonnera dans le cœur de tous, dans le monde entier.

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