Anpanman, la Justice et Moi : la philosophie du plus grand héros des enfants japonais
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Certes, de nombreux héros ont vu le jour au Japon, mais existe-t-il un Japonais qui n’ait jamais entendu parler d’Anpanman? Dès que l’on voit la tête de ce personnage, à tout âge, on ne peut s’empêcher de penser au générique du dessin animé : « Voyons, n’ayez pas peur, je suis là pour vous ! »
En vieillissant, j’ai pris mes distances avec Anpanman. Jusqu’à la naissance de mes enfants.
J’ai trois enfants de moins de dix ans et ma maison est jonchée de livres d’images Anpanman, de jouets Anpanman, de DVD Anpanman, de peluches Anpanman et de vêtements Anpanman... Chez moi, il y a tant d’objets à son effigie.
Certains parents déplorent que « le premier mot à sortir de sa bouche ait été anpan ». Ils s’attendaient à entendre « maman » ou « papa », mais Anpanman a été le plus fort. Sidérant.
Au Japon, impossible d’élever des enfants sans Anpanman
Il y a cinquante ans, en 1973, paraissait le premier livre d’images de la série. Son nom était alors écrit en hiragana et son visage n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Mais, les fondements eux n’ont pas changé : cape au vent, Anpanman vole dans les airs, il aide ceux qui ont faim en leur donnant un peu de sa tête à manger(anpan est le nom d’un pain sucré fourré à la pâte de haricots rouges), il combat ses ennemis.
Depuis, plus de 80 millions d’exemplaires ont été vendus et le dessin animé « Allez ! Anpanman » (Sore ike ! Anpanman) est diffusé depuis plus de 30 ans. Des films d’animation sont également régulièrement projetés sur grand écran. Au Japon, il n’est pas exagéré de dire qu’il est « impossible d’élever des enfants sans Anpanman ».
En 2022, plus de dix ans après le décès de Yanase Takashi et trente ans après le début de la série, les écrits du créateur ont été réédités.
Quel est son message, sa philosophie, quel est son vécu, avec Anpanman que voulait-il dire aux enfants?
Les adultes ont tendance à éduquer les enfants au rythme de leur propre nostalgie. Ils finissent par abreuver leur enfant d’innocence, un océan de candeur où le mignon règne en maître. Mais n’est-ce pas parfois au détriment de la jeunesse?
Quand je lis Yanase, je m’y retrouve, il sait exprimer ce que je cherche à transmettre à mes enfants. Car, je m’efforce de traiter les tout petits comme en individus (plus encore que je ne le fais même avec des adultes). Je me dis parfois qu’on cherche parfois trop à les cantonner à leur condition « d’enfant ».
Yanase a mis beaucoup de lui-même dans son œuvre. Dans Anpanman il nous parle du bien et du mal, il nous raconte comment rendre les gens heureux et il nous dit de ne pas avoir peur de partir à l’aventure.
Ce livre nous permet de voir l’univers familier d’Anpanman d’un œil neuf.
Un générique gravé dans les mémoires.
Yanase a écrit les paroles de ce générique « Anpanman’s March », que tant de Japonais connaissent par cœur.
La mélodie est facile à retenir, les enfants la trouvent aussi amusante que le visuel est adorable, mais lorsqu’on écoute bien les paroles, on tombe sur des phrases du type : « Pourquoi venir au monde? Que faire de cette vie ? »
Cette question à laquelle même les adultes ne sauraient répondre, Yanase la pose à des enfants de deux ou trois ans. Dans son livre, il dit à plusieurs reprises qu’il ne faut pas infantiliser les tout petits mais chercher plutôt à les faire réfléchir.
En 2023, dix ans après la mort de Yanase, les enfants vivent dans un monde de plus en plus violent et exigeant.
Lorsqu’ils allument la télévision, ils voient des bâtiments détruits par des bombes, entendent des interviews de mères en pleurs qui tiennent leur enfant mort dans leurs bras. Dans les jeux vidéo et les dessins animés, la mort est toujours plus banalisée, le bruit et la lumière fusent.
Alors à quoi pensent les enfants, que peuvent-ils comprendre de la société dans laquelle ils sont plongés ? Yanase écrit :
« Sans tuerie, ni bastonnade, Anpanman peut paraître mièvre et manquer de piquant. Mais la surexcitation n’est pas nécessairement une bonne chose. L’excès peut même avoir un effet anesthésiant et les lecteurs peuvent se blaser. (...)
Anpanman n’a pas peur d’être blessé, il se lance dans ses aventures en gardant le sourire. Par contre, ce n’est jamais lui qui provoque ses adversaires. Il est même souvent gentil avec Baikinman, son ennemi juré. »
Quand il part à l’aventure, c’est toujours avec « l’amour et le courage pour amis ». C’est un message fort qui accompagne les enfants et les prépare à vivre dans un monde aussi dur, cruel parfois qu’amusant.
Anpanman n’est pas un conte de fées mièvre fait pour ravir les enfants.
« Pourquoi venons-nous au monde? Que faire de cette vie ? »
Cette question, Yanase continue de nous la poser avec son Anpanman qui vole, libre comme l’air.
Quand devant les dessins animés, je vois mes enfants reprendre en choeur « Anpaanchi ! », (le fulguropoing d’Anpanman), j’ai très envie de leur dire : « Restez encore un peu dans ce monde », ne soyez pas pressés de rejoindre celui des adultes.