Les grandes figures historiques du Japon

Shiba Ryôtarô : l’héritage littéraire du géant des fictions d’époque

Livre

Takino Yûsaku [Profil]

Cette année marque le centenaire de la naissance de l’écrivain Shiba Ryôtarô (dont nous pouvons retrouver en français deux de ses ouvrages : Le dernier shôgun et Hideyoshi, seigneur singe). La diversité de son œuvre, particulièrement dans le domaine des romans historiques, continue d’être largement lue et appréciée, en plus d’avoir connue de nombreuses adaptations à la télévision et au cinéma. Le directeur du musée mémorial Shiba Ryôtarô nous donne son point de vue sur l’héritage de cet auteur.

Uemura Yôko UEMURA Yōkō

Directeur du musée mémorial Shiba Ryôtarô. Il est le jeune frère de l’épouse de Shiba, Fukuda Midori, et connaît l’auteur depuis l’école primaire. Il est sorti diplômé de l’université Dôshisha en 1967 et a ensuite rejoint le Sankei Shimbun. Il a travaillé au bureau de la ville du journal avant de prendre la direction de celui de Kyoto, puis de servir en tant que directeur adjoint du service éditorial (entre autres attributions). En plus de son poste au musée, il est également directeur exécutif de la Shiba Ryôtarô Memorial Foundation.

Un monument de livres

Le musée mémorial Shiba Ryôtarô se niche dans un bosquet d’un quartier résidentiel situé à 10 minutes de marche de la gare Yaenosato (sur la ligne Kintetsu Nara), dans la ville de Higashi-Osaka. Le site inclut l’ancienne résidence de l’écrivain ainsi qu’un musée conçu par le célèbre architecte Andô Tadao. S’il était encore en vie, Shiba Ryôtarô (1923-1996) fêterait cette année ses 100 ans.

Le bâtiment principal du musée à Higashi-Osaka. (Avec l'aimable autorisation du musée mémorial Shiba Ryôtarô)
Le bâtiment principal du musée à Higashi-Osaka. (Avec l’aimable autorisation du musée mémorial Shiba Ryôtarô)

Le lieu propose un catalogue commémoratif dont l’un des passages est signé par le directeur du musée, Uemura Yôkô, qui présente l’établissement : « Le musée est niché au cœur de la nature, parmi les camphriers, les châtaigniers du Japon et les plantes à fleurs telles que les jacinthes et les colzas, recréant ainsi l’atmosphère d’une de ces forêts mixtes japonaises que Shiba Ryôtarô appréciait tant. »

« Conçu par Andô Tadao, le bâtiment principal, doté d’une longue façade en verre légèrement courbée et contenant en son sein de gigantesques rangées d’étagères pleines de livres, offre un espace idéal pour étudier l’auteur et ses œuvres. »

« À peine le portail principal du musée franchi, nous découvrons l’ancienne résidence de Shiba. Un chemin passe par le bureau de l’écrivain, qui donne sur un petit jardin baigné de lumière. La pièce où il écrivait peut être observée à travers les larges fenêtres, permettant aux visiteurs de contempler son environnement de travail ainsi que ses effets personnels, dont ses outils préférés : son stylo-plume et sa loupe. »

« Au-delà de sa résidence, à l’extrémité boisée des terrains, se dresse le bâtiment courbé du musée. Cette structure vitrée de trois étages dispose d’un plafond voûté et d’une imposante bibliothèque s’étirant le long d’un mur. De 11 mètres de hauteur, les étagères géantes abritent environ 20 000 volumes. Le reste de la bibliothèque personnelle de Shiba, soit une stupéfiante collection de 60 000 ouvrages, est conservé dans sa maison d’origine. »

Les livres de l'auteur tapissent le mur du musée. (Avec l'aimable autorisation du musée mémorial Shiba Ryôtarô)
Les livres de l’auteur tapissent le mur du musée. (Avec l’aimable autorisation du musée mémorial Shiba Ryôtarô)

Un écrivain au lectorat varié

Le musée mémorial Shiba Ryôtarô accueille annuellement plus de 26 000 visiteurs depuis son ouverture en 2001. Une baisse significative du nombre de visiteurs a eu lieu pendant la pandémie de Covid-19, mais Uemura note que la fréquentation est aujourd’hui remontée à environ 80 % de son niveau d’avant la crise sanitaire. Il souligne que les visiteurs étrangers représentent une part importante des ventes de billets. « Au début, la plupart d’entre eux étaient attirés par l’architecture d’Andô Tadao », explique-t-il. « Puis avec la publication des traductions des œuvres de Shiba en Amérique du Nord, en Europe, en Chine, à Taïwan et en Corée du Sud, nous avons vu affluer davantage de lecteurs étrangers venus en apprendre plus sur lui. »

Le musée propose actuellement une exposition spéciale dans sa galerie souterraine, jusqu’à mi-février 2024, pour célébrer le centenaire de sa naissance. Cet événement retrace le parcours de l’écrivain, de sa carrière dans l’armée à son travail dans la presse puis en tant qu’auteur de romans. Dans le cadre de ces célébrations, Uemura a animé une conférence mettant en lumière la carrière de l’écrivain.

Uemura Yôkô, directeur du musée mémorial Shiba Ryôtarô, s'exprime au sein de l'amphithéâtre du bâtiment. (© Takino Yûsaku)
Uemura Yôkô, directeur du musée mémorial Shiba Ryôtarô, s’exprime au sein de l’amphithéâtre du bâtiment. (© Takino Yûsaku)

De la guerre au monde du journalisme

Shiba étudiait le mongol à l’Université des études étrangères d’Osaka (aujourd’hui École des études étrangères de l’Université d’Osaka) quand, en 1943, il a été mobilisé pour la Seconde Guerre mondiale par le gouvernement japonais. Il a tout d’abord servi dans la division blindée de la Mandchourie, accédant au rang de sous-lieutenant, avant d’être affecté à la préfecture de Tochigi en 1945, en prévision de l’invasion du Japon par les alliés. Il y restera jusqu’à la fin du conflit. Après avoir quitté l’armée, il rejoint le bureau de Kyoto du Sankei Shimbun et dirige le club de presse des journalistes couvrant les affaires religieuses, qui, à cette époque, était situé au sein du célèbre complexe de temple de l’école Jôdo Shinshû, le Hongan-ji.

Uemura souligne que le service militaire de Shiba est ce qui l’a motivé à devenir journaliste. « Il tentait de comprendre ce qui avait pu conduire le Japon à succomber à la folie de la guerre », déclare-t-il. Ses recherches journalistiques sur la religion l’ont également incité à enquêter sur le rôle du bouddhisme et des autres croyances dans l’évolution de l’histoire japonaise. Uemura désigne toutefois le thème central des réflexions variées de Shiba en ces termes : « En tant qu’écrivain, il cherchait à profondément pénétrer le cœur du Japon en tant que nation et des Japonais en tant que peuple. »

Uemura dit que Shiba avait tout juste 20 ans quand il a débuté sa carrière dans le journal Sankei Shimbun. Il a ensuite décidé de passer dix années de sa vie à travailler en tant que reporter. Ce n’est qu’après avoir peu à peu compris les choses de la vie à travers toutes ses expériences qu’il s’est décidé à œuvrer à son premier roman. En tant que journaliste, il a également contribué à la parution religieuse Buddhist Magazine, depuis renommée Daijô (et publiée par le temple Nishi Hongan-ji), écrivant de courtes histoires sous son vrai nom, Fukuda Teiichi. « Dans ses premiers travaux, note Uemura, nous pouvons voir le style distinctif de Shiba prendre forme. »

Suite > Un dévouement à l’écriture

Tags

littérature écrivain musée livre personnalité

Takino YûsakuArticles de l'auteur

Critique littéraire. Né dans la préfecture d'Osaka. Diplômé de droit à l'université Keiô, il travaille pendant 30 ans pour les magazines d'une grande maison d'édition, en tant qu'éditeur des feuilletons écrits par des romanciers à succès comme Matsumoto Seichō. Il a aussi beaucoup écrit sur le monde de la politique et de la diplomatie.

Autres articles de ce dossier