Hommage à Sakamoto Ryûichi : les confessions d’un artiste éclectique sur sa musique

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Takino Yûsaku [Profil]

Un ouvrage sur Sakamoto Ryûichi vient d’être réédité au Japon après la disparition récente du grand compositeur japonais. Le livre rassemble de précieuses interviews et procure de nombreux éclairages sur son approche de la musique en portant un regard introspectif sur son éducation et sa carrière.

YMO : un décalage par rapport à son idéal ?

YMO a fait des tournées dans le monde entier en suscitant un fort engouement à l’étranger comme au Japon. Ce succès a été un tournant dans la vie de Sakamoto, comme l’explique l’ouvrage.

Sakamoto admirait le talent de Hosono et Takahashi, mais il avoue s’être senti en décalage voire en contradiction avec la musique classique qui avait été son univers depuis son enfance. N’était-il pas en désaccord avec son idéal de musicalité ? En 1983, YMO sort une musique purement pop, Kimi ni mune kyun (« Mon cœur bat pour toi »), qui a été le single le plus vendu du groupe. À propos de cette période, Sakamoto déclare toutefois :

« Je n’avais plus rien à partager avec les autres membres. Il n’y avait plus de raison de continuer. C’est ainsi que je le ressentais. À ce stade, mon intention était de mettre fin à tout ça. De “finir en beauté”, pour ainsi dire. »

Un changement après un voyage au Groenland

La carrière en solo de Sakamoto, commencée après la période de « dispersion » de YMO (plutôt que de parler de « séparation »), était sans aucun doute plus représentative de son véritable talent. Le point fort de la deuxième moitié du livre est la multitude de pages consacrées à des souvenirs fascinants d’interactions inédites avec Ôshima Nagisa, le réalisateur de Furyo, et avec Bernardo Bertolucci, qui avait réalisé Le Dernier Empereur, deux films pour lesquels il avait composé les bandes sonores.

Au moment de l’interview, Sakamoto vivait déjà principalement à New York depuis 19 ans. Après la Guerre du Golfe de 1991 et les attentats du 11 septembre 2001, l’artiste avait commencé à emprunter un nouveau chemin avec sa musique, et sa préoccupation pour les problèmes environnementaux avait grandi. Il a été profondément marqué par un voyage au Groenland en 2008 : « Il me semble que le style de ma musique a considérablement changé après ce voyage ». Il décrit sa position après cette rencontre avec la puissance de la nature, loin du monde créé par l’homme, en ces termes :

« Je souhaite arranger délicatement les sons tels qu’ils sont, et les observer attentivement, sans interférence, manipulation ou organisation, aussi loin que possible. C’est l’étape actuelle du développement de ma nouvelle musique. »

(Photo de titre : © Éditions Shinchôsha)

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Takino YûsakuArticles de l'auteur

Critique littéraire. Né dans la préfecture d'Osaka. Diplômé de droit à l'université Keiô, il travaille pendant 30 ans pour les magazines d'une grande maison d'édition, en tant qu'éditeur des feuilletons écrits par des romanciers à succès comme Matsumoto Seichō. Il a aussi beaucoup écrit sur le monde de la politique et de la diplomatie.

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