Yamashita Rin : peindre des icônes à travers un voyage artistique et religieux

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Née en 1857, au cours des dernières années du shogunat, Yamashita Rin a été attirée par l’Église orthodoxe russe après s’être installée à Tokyo pour poursuivre des études artistiques. Elle a voyagé jusqu’à Saint-Pétersbourg pour étudier l’art religieux, se forgeant par la suite une carrière de peintre. Des centaines de ses peintures d’icônes sont aujourd’hui conservées dans des églises à travers tout le Japon.

Asai Macate ASAI Macate

Auteure de romans historiques. Née dans la préfecture d’Osaka en 1959. Elle a remporté le prix Naoki en 2014 pour « Poème d’amour » (Renka), un roman sur la poétesse Nakajima Utako, connue pour avoir été la professeure d’une autre grande figure de la poésie, Higuchi Ichiyô. Parmi ses autres œuvres publiées : Kurara, sur la vie de Katsushika Ôi, la fille du peintre Hokusai aux multiples talents artistiques. (Photo avec l’aimable autorisation de Bungei Shunjû).

L’anonymat des icônes

Yamashita a gagné sa vie grâce à l’art, sans jamais se marier.

« Pendant l’ère Meiji, le Japon a établi un système étatique avec l’empereur à son sommet, poursuit Asai, et les ménages ordinaires étaient aussi basés sur le patriarcat, les autorités mettant l’accent sur l’image de la “bonne épouse et mère avisée”. Mais Rin avait choisi très tôt de poursuivre une vie d’artiste. Elle ne voulait rien faire d’autre que de peindre des tableaux. Il est remarquable que sa famille d’Ibaraki lui ait permis de choisir ce style de vie. Cela donne une idée de qui étaient son frère aîné et sa mère. »

« C’était une femme avec une vision très moderne d’elle-même, et je pense qu’elle a choisi de se faire baptiser en raison de sa fascination pour la culture occidentale, dont faisait partie l’Église orthodoxe. Puis elle est partie étudier à l’étranger avec un désir sincère d’approfondir ses connaissances artistiques. En revanche, les peintures d’icônes étaient essentiellement anonymes, et les artistes devaient effacer leur individualité. Au fur et à mesure que j’écrivais mon roman, toutes sortes de questions me sont venues : quand sa foi s’est-elle manifestée pour la première fois ? Et quand est-elle vraiment devenue peintre d’icônes ? »

Un tableau perdu, puis retrouvé

La cathédrale de la Sainte Résurrection (Nikolaidô) à Kanda, Tokyo (© Pixta).
La cathédrale de la Sainte Résurrection (Nikolaidô) à Kanda, Tokyo. (Pixta)

La cathédrale de la Sainte Résurrection (Nikolaidô) qui apparaît dans le roman Et puis de Natsume Sôseki et les poèmes de Yosano Akiko, a été détruite lors du séisme du Kantô de 1923. Les quatre peintures d’icônes créées par Yamashita Rin qui se trouvaient dans l’édifice ont apparemment brûlé au cours de l’incendie provoqué par le tremblement de terre. En 1929, la cathédrale a été reconstruite, en reproduisant autant que possible l’architecture originale de style byzantin.

Il reste cependant plusieurs centaines de tableaux de Yamashita Rin dans diverses églises, comme l’église orthodoxe de Hakodate à Hokkaidô. Bien qu’ils n’aient pas été signées par l’artiste, des années de recherches menées par des spécialistes ont permis d’établir qu’ils étaient bien les siens. Yamashita Rin représentait Jésus-Christ et la Vierge Marie avec des traits du visage quelque peu japonais, conférant une sensation générale de chaleur à ses sujets.

La Résurrection, par Yamashita Rin, œuvre présentée à Nicolas II de Russie (alors prince héritier) lors de sa visite au Japon en 1891.
La Résurrection, par Yamashita Rin, œuvre présentée à Nicolas II de Russie (alors prince héritier) lors de sa visite au Japon en 1891.

Il y a aussi une œuvre de Yamashita Rin qui est conservée en Russie. En 1891, le futur empereur Nicolas II de Russie, alors prince héritier, s’est vu présenter un tableau de La Résurrection lors d’une visite au Japon. Après la révolution russe, l'œuvre a disparu pendant de nombreuses années, mais après la Seconde Guerre mondiale, elle a été retrouvée dans le musée de l’Ermitage, qui avait gardé dans ses archives des objets laissés par Nicolas II. Bien avant cela, pendant son séjour à Saint-Pétersbourg, Yamashita Rin avait visité le musée pour faire des copies d'œuvres d’art occidentales. Il est émouvant de penser que sa peinture est aujourd’hui conservée dans un lieu qu’elle aimait et admirait tant.

Atteinte par la cataracte, Yamashita est retournée à Kasama à l’âge de 62 ans. Elle n’a ensuite plus produit d'œuvres, consacrant son temps à son potager et buvant deux (environ 360 ml) de saké chaque jour jusqu’à sa mort, à l’âge de 82 ans.

(Texte d’Itakura Kimie, de Nippon.com. Photo de titre : une partie de La Résurrection de Yamashita Rin [1891], actuellement au Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)

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