Films à l’affiche

Le film « Fukushima 50 » : les héros qui ont protégé le Japon du pire scénario

Cinéma Catastrophe

Takino Yûsaku [Profil]

Aujourd’hui encore, des travaux herculéens de démembrement se poursuivent à la centrale de Fukushima Daiichi, frappée par le gigantesque tsunami. Que s’est-il vraiment passé à l’intérieur de la centrale ? Le film Fukushima 50 nous plonge dans ce drame à travers les hommes qui ont pu éviter que ce désastre ne soit encore bien pire. Un critique japonais nous en parle.

Et si la situation avait été bien pire ?

Les choses empirent encore. Le 12 mars, à 15 h 36, le bâtiment du réacteur n°1 explose. Puis, le 14 mars à 11 h 01, celui du réacteur n°3.

On s’attend alors à l’explosion de l’unité n°2.

« La pression atteignait 750 kilopascals, soit quasiment le double des normes de construction. Il pouvait se passer n’importe quoi n’importe quand. »

La situation avait atteint un niveau de danger maximum. Si l’enceinte de confinement explosait, cela libèrerait des quantités colossales de matières radioactives, et rendrait impossible tout projet de restauration. Une situation de vie ou de mort.

Finalement, M. Yoshida ordonna l’évacuation du site, ne gardant que le minimum de personnes, 69, dans la salle antisismique. C’est ce dernier carré que les médias étrangers ont appelé « les 50 de Fukushima ».

Dans le livre de Kadota, le tragique de la situation sur le site est mis en parallèle avec les tergiversations de l’équipe du Premier ministre et de l’encadrement de Tepco.

À l’époque, le Premier ministre était Kan Naoto, chef du Parti Démocrate. Kan Naoto a été vertement critiqué pour avoir interrompu les tentatives de reprendre en main la situation sur le site en débarquant sur place en hélicoptère peu de temps après l’accident, ce qui a retardé les opérations de rétablissement de la situation. En outre, il a marqué les esprits par des hauts cris poussés lors de réunions de crise d’une commission ad-hoc au siège de Tepco, où il a crié, devant les techniciens : « Il est hors de question que vous quittiez le site ! Vous faites le job, je me fous que vous y laissiez la vie ! », brodant ensuite sur les petites choses qu’il aurait lui-même accomplies. Ces échanges sont très détaillés dans le film.

À gauche : « Celui qui a vu le gouffre de la mort – Yoshida Masao et la centrale Fukushima Daiichi » (Shi no fuchi wo mita otoko – Yoshida Masao to Fukushima Daiichi genpatsu). À droite : l'affiche du film Fukushima 50, réalisé par Wakamatsu  Setsurô et distribué par Shochiku/Kadokawa.
À gauche : « Celui qui a vu le gouffre de la mort – Yoshida Masao et la centrale Fukushima Daiichi » (Shi no fuchi wo mita otoko – Yoshida Masao to Fukushima Daiichi genpatsu). À droite : l’affiche du film Fukushima 50, réalisé par Wakamatsu Setsurô et distribué par Shochiku/Kadokawa.

L’auteur du livre a interviewé Kan Naoto, et les propos du Premier ministre sont très fidèlement expliqués. Pourquoi le Premier ministre a-t-il fait ces sorties qui passèrent très mal dans l’opinion ? Il faut l’écouter avec attention, car le film n’est pas très précis sur les motivations de ces propos.

Mais un frisson vous parcourt l’épine dorsale quand vous lisez le témoignage de M. Madarame Haruki, alors président de la Commission de sécurité nucléaire, qui répond, après avoir pris connaissance du témoignage de M. Yoshida : Le directeur du site, M. Yoshida Masao, est décédé en juillet 2013. Kadota Ryûshô l’a interviewé avant sa mort et celui-ci lui a déclaré que l’explosion de la cuve sous pression du réacteur n°2 aurait libéré une telle radioactivité que plus personne n’aurait pu l’approcher, ce qui aurait détruit par cascade les 10 réacteurs des deux centrales Fukushima Daiichi et Daini, ce qui aurait provoqué des dégâts de l’ordre de « 10 fois Tchernobyl », même en hypothèse basse. (Voir notre article écrit par Kadota Ryûshô : Fukushima : l’homme qui a sauvé le Japon est mort)

« Les répercussions auraient pu être bien pires que ce qu’imaginait M. Yoshida. Il aurait fallu diviser le Japon en trois zones : une zone totalement irradiée et inhabitable, et deux zones à l’extérieur, en fait Hokkaidô et l’ouest du Japon. Oui, on est passé très près de de voir diviser le Japon en trois zones. »

Dans son livre, Kadota Ryûshô conclut ainsi :

« Les dommages infligés à la préfecture de Fukushima ont certes été dévastateurs, mais il est probable que les actions menées sur le site ont évité des sacrifices encore pires. »

Bande annonce (avec sous-titres en anglais)

(Photo de titre : un groupe d’employés de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, appelés « Fukushima 50 » par certains médias étrangers. ©2020 Comité de production « Fukushima 50 »)

Tags

film Fukushima catastrophe cinéma

Takino YûsakuArticles de l'auteur

Critique littéraire. Né dans la préfecture d'Osaka. Diplômé de droit à l'université Keiô, il travaille pendant 30 ans pour les magazines d'une grande maison d'édition, en tant qu'éditeur des feuilletons écrits par des romanciers à succès comme Matsumoto Seichō. Il a aussi beaucoup écrit sur le monde de la politique et de la diplomatie.

Autres articles de ce dossier