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Le film « Fukushima 50 » : les héros qui ont protégé le Japon du pire scénario

Cinéma Catastrophe

Takino Yûsaku [Profil]

Aujourd’hui encore, des travaux herculéens de démembrement se poursuivent à la centrale de Fukushima Daiichi, frappée par le gigantesque tsunami. Que s’est-il vraiment passé à l’intérieur de la centrale ? Le film Fukushima 50 nous plonge dans ce drame à travers les hommes qui ont pu éviter que ce désastre ne soit encore bien pire. Un critique japonais nous en parle.

« L’équipe de la mort » face au tsunami

Revenons à la séquence des incidents répertoriés dans le livre.

La centrale Fukushima Daiichi se compose de 6 réacteurs, ou tranches, numérotés de 1 à 6.

Ce jour-là, seuls les réacteurs 1 à 3 étaient en service.

Immédiatement après le séisme, les réacteurs entrent automatiquement en phase « scram », c’est-à-dire en arrêt d’urgence, comme le vérifie le chef de la salle de contrôle des réacteurs 1 et 2.

Lors de l’entrée en phase d’arrêt d’urgence d’un réacteur nucléaire, la procédure de sécurité prévoit 3 étapes : Arrêt ; Refroidissement ; Confinement.

La première étape a été conduite sans difficulté. La seconde, « Refroidissement », consiste à refroidir les barres de combustible dans la cuve sous pression du réacteur. La dernière phase « Confinement », désigne le confinement des matières radioactives à l’intérieur de façon à éviter toute fuite vers l’environnement extérieur.

Ces phases requièrent une alimentation électrique. En cas de panne de courant, des générateurs de secours sont en place. Voilà pourquoi tout le monde « croit » que l’énergie nucléaire peut être contrôlée.

Le premier tremblement de terre coupe le courant dans toute la centrale, déclenchant la mise en route automatique des opérations d’urgence. C’est l’arrivée du tsunami qui change toute la donne.

Très vite, l’alerte au tsunami majeur est émise par l’Agence météorologique du Japon. L’ordre d’évacuation du personnel est donné, y compris dans la salle de gestion de situation d’urgence. Le tsunami frappe la côte vers 15 h 30. Les édifices qui abritent les réacteurs se trouvent à 10 mètres au-dessus du niveau de la mer. Mais les protections anti-tsunami sont installées pour des vagues de 6 mètres maximum. Au-dessus, rien n’est prévu.

Comme le dit Kadota Ryûshô dans son livre :

« Tout laisse à penser que c’est là qu’apparaît la légèreté avec laquelle Tepco envisageait le risque de catastrophe naturelle. À ce niveau nous pourrions même parler d’orgueil. »

Les générateurs diésel de secours, ainsi que les tableaux de distribution électrique se trouvaient au sous-sol du bâtiment des turbines, à 10 mètres sous le niveau de la mer. Tout a immédiatement été noyé par le courant boueux.

Résultat : plus aucune alimentation électrique n’était disponible. Et cela signifiait : impossibilité de réfrigérer les barres de combustibles, la vapeur qui monte en pression et en température, jusqu’à explosion de la chaudière. D’importantes quantités de matières radioactives qui s’échappent dans l’environnement.

Alors même que l’étendue des dégâts à l’intérieur est inconnue, la cellule de crise donne l’ordre de rétablir l’alimentation électrique coûte que coûte, et de pomper l’eau de la cuve pressurisée sous le réacteur.

©2020 Comité de production « Fukushima 50 »
Dans la salle des commandes d’urgence, au 3e étage du bâtiment anti-secousse, le directeur de la centrale de Fukushima Daiichi, Yoshida Masao (interprété par Watanabe Ken), est celui qui prend le contrôle des opérations ©2020 Comité de production « Fukushima 50 »

Dans le livre de Kadota, Yoshida Masao déclare :

« Mes hommes étaient comme les yeux bandés dans le cockpit d’un avion sans plus aucune pression d’huile ni rien du tout. Et l’ordre, c’était : Atterrissez ! Mais vous faites comment pour poser l’avion ? Parce que nous savions qu’il n’y avait plus de jus, mais ne savions même pas pourquoi les volets n’avaient plus de jus. La seule chose de sûre, c’était que pour refroidir le combustible, il fallait balancer de l’eau là-dedans. Et nous restions les yeux fixés sur le réacteur, en nous demandant comment nous allions pouvoir rétablir le courant. »

L’essentiel du livre de Kadota relate la bataille à mort des employés de la centrale pour gérer la situation en état d’urgence. Alors que la situation empire de seconde en seconde, quelles ont été leurs pensées, quelles décisions ont-ils prises, quels actes ont-ils accomplis ? Les témoignages des personnes sur place à ce moment-là, et le talent de l’auteur, fait revivre la situation en relief.

L’alimentation n’était toujours pas rétablie. Il ne restait qu’une seule solution : y aller à la main. Pour refroidir les barres, faire venir un camion-pompe des pompiers et arroser. Pour éviter l’explosion du cœur, il fallait faire baisser la pression dans la chambre pressurisée du réacteur. Cela s’appelle : « ventiler », et concrètement, cela veut dire relâcher des matières radioactives dans l’atmosphère.

C’était la mesure de dernier recours, mais la condition préalable était de faire évacuer les populations des environs. Il n’était plus question d’hésiter. Il y avait risque patent d’explosion. Et comme il n’y avait plus de courant, il fallait ouvrir le volet à la main.

L’« équipe de la mort » entre dans le bâtiment du réacteur, plongé dans le noir puisqu’il n’y avait plus de lumière. La radioactivité atteint des niveaux tels que le temps de travail est extrêmement limité. Ce sont tous des spécialistes, ils savent exactement à quoi ils s’exposent, mais au-delà de l’angoisse, il y a un travail et quelqu’un doit le faire.

À vrai dire, la radioactivité était déjà telle qu’il était impensable de laisser un humain d’entrer... Le chapitre qui décrit la situation rend parfaitement la tension de ces hommes en train de travailler. Le film aussi.

Suite > Et si la situation avait été bien pire ?

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Takino YûsakuArticles de l'auteur

Critique littéraire. Né dans la préfecture d'Osaka. Diplômé de droit à l'université Keiô, il travaille pendant 30 ans pour les magazines d'une grande maison d'édition, en tant qu'éditeur des feuilletons écrits par des romanciers à succès comme Matsumoto Seichō. Il a aussi beaucoup écrit sur le monde de la politique et de la diplomatie.

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