
L’art peut-il résoudre les questions sociales ?
Exploiter l’art brut au nom de la protection sociale : le projet d’envergure de Hibino Katsuhiko
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Le processus est plus important que l’objet créé
À côté de leurs cours obligatoires, DOOR propose des enseignements optionnels dans le cadre desquels les étudiants se rendent dans des établissements de soins, des musées et des zones rurales afin d’entrer en contact directement avec des lieux et des personnes et de mettre en pratique l’approche « Art et Protection sociale” ». En outre, les étudiants visitent des orphelinats, créent et exposent pour communiquer sur leurs activités, ou séjournent dans des villages éloignés et créent des œuvres basées sur les impressions sensorielles qu’ils y acquièrent. Dans tous les cas de figure, le processus de création est plus important que l’objet créé, et l’accent est mis sur les expressions génératrice de « faits ».
La salle sensorielle du Stade national, conçue par la Fédération japonaise de football (JFA) et DOOR pour permettre aux enfants souffrant d’hypersensibilité sensorielle et à leurs familles de regarder les matchs de football en toute tranquillité. Cette salle a été installée à l’occasion de la finale de la Coupe de l’Empereur. (Avec l’autorisation de DOOR, Université des Arts de Tokyo)
Hibino nous a raconté la fois où il a regardé des peintures au musée d’art contemporain de Kumamoto, dont il est également directeur, avec Shiratori Kenji, un amateur d’art aveugle.
« Nous voyons une peinture comme une œuvre d’art, mais M. Shiratori, pour qui elle est invisible, la conçoit comme un “événement” avec plusieurs personnes qui discutent devant elle. Son appréciation porte sur l’espace artistique lui-même et non sur l’objet. En discutant avec lui, j’ai compris que la peinture n’est qu’un moyen et que le travail de l’artiste est de créer quelque chose qui provoque une réaction chez le spectateur. »
« Après-demain, la Fleur d’ipomée »
En tant que président de l’Université des Arts, Hibino ne voit pas l’institution universitaire uniquement en dispensateur d’un enseignement professionnel de haut niveau. Il préfère la voir comme un lieu où les étudiants et lui-même savent générer un environnement où naît un « art brut ». Cette attitude recoupe celle de Keith Haring, icône du pop art, avec lequel Hibino s’est lié d’amitié lorsqu’il était basé à New York dans les années 1980.
Né la même année que Hibino, Haring est décédé du sida à l’âge de 31 ans. Il est connu pour avoir organisé des ateliers avec des enfants dans différentes parties du monde et créé des œuvres d’art dans des orphelinats et d’autres lieux, dans le but de créer une société exempte de discrimination et de préjugés.
Hibino organise également des événements dans différents endroits qui exploitent l’art comme point de départ pour le changement social, comme la série d’ateliers HIBINO HOSPITAL basée sur le concept du traitement médical par l’art, et le projet Assatte Asagao (Day After Tomorrow Morning Glory, ou « Après-demain, la Fleur d’ipomée »).
« Le projet Assatte Asagao, qui a débuté en 2003 avec les habitants du hameau d’Azamihira, dans la préfecture de Niigata, consiste à récolter les graines après avoir fait pousser les fleurs et d’incorporer les “sentiments” qui germent à ce moment-là dans les graines, avec les informations génétiques qu’elles contiennent. Les graines sont ensuite transmises aux étudiants de DOOR de l’année suivante ou aux participants d’un autre projet artistique. Ce qui est recherché ici, c’est quelque chose qui ressemble à de l’art mais qui n’en est pas. Il s’agit d’une tentative d’élargir les possibilités d’un nouvel art, de créer un jour “après demain” qui ressemble à demain… mais qui n’est pas demain. »
Un bâtiment scolaire abandonné à Azamihira, dans la ville de Tokamachi, qui a servi de cadre au projet Assatte Asagao. De nombreux élèves de DOOR ont participé à ce projet. (Avec l’aimable autorisation de Hibino Special)
Former des personnes pour ouvrir la porte suivante
Au cours des 140 années qui se sont écoulées depuis sa fondation, l’Université des Arts de Tokyo, seule université nationale qui propose un cursus complet en Arts du Japon, a formé de nombreux artistes. Cependant, Hibino ressent un sentiment de crise : « Si nous nous contentons de former une poignée d’artistes, nous ne sommes qu’un simple monument. »
« Je crois que les artistes ne peuvent réaliser leur potentiel que s’ils s’intéressent à différentes minorités et sont stimulés par diverses communautés, libérant leur imagination des idées préconçues et des stéréotypes. De fait, l’élargissement de l’éventail et des possibilités d’expression artistique possède une dimension commune avec la protection sociale. En tant qu’université d’art, nous souhaitons relever le défi de créer un lieu dans la société contemporaine où chacun puisse ressentir le ‘pouvoir de vivre’ que véhicule l’art et qui transcende la connaissance humaine. »
(Photos d’interview : Kawamoto Seiya)
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