
Le périple d'un photographe au sein de la société hyper-vieillissante du Japon
Inori Orchestra : l’artisanat du bois au service d’objets commémoratifs innovants
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Transmettre l’artisanat du bois
Si Kikuchi Naoto aime autant le bois, c’est grâce à son oncle, ancien charpentier au sanctuaire Shizuoka Sengen et à ce qu’il lui a appris. Au début des années 1800, le shogunat Tokugawa a rassemblé les meilleurs charpentiers venus des quatre coins du pays pour construire des bâtiments qui se dressent encore aujourd’hui et qui font partie de l’architecture de ce sanctuaire. Les descendants de ces charpentiers miya-daiku, spécialisés dans la construction et la réparation d’édifices de sanctuaires et de temples, qui sont restés, se sont mis à utiliser les techniques de jointure pour assembler ce qui deviendra plus tard le sashimono de Suruga : des meubles, des butsudan et d’autres objets réalisés sans avoir à utiliser un seul clou.
Aujourd’hui, même ces objets sont de plus en plus fabriqués par des fournisseurs étrangers, qui pratiquent des prix plus abordables. « En lançant Inori Orchestra, l’un de mes objectifs a été de donner à des ébénistes et menuisiers locaux des opportunités de perfectionner leur savoir-faire (…) Yasuda Masahiro est l’un de ces artisans aguerris, à qui je suis allé rendre visite à son atelier » explique Kikuchi Naoto. « Les commandes que je reçois pour la gamme de produits Inori sont plutôt exigeantes » admet-il. « Il arrive même que les exigences soient telles que je me pose vraiment des questions. Mais bien sûr, je suis impatient de relever le défi qui s’offre à moi. En surmontant les obstacles techniques, je peux élargir mes compétences, et m’ouvrir de nouvelles portes. Et le président Kikuchi me dit ce que les clients souhaitent, ce qui me permet de toujours rester attentif et vigilant. »
Pour le président d’Inblooms, la clef est de déléguer l’assemblage de ses produits qu’il aime tant à ceux qui partagent vraiment son enthousiasme, une description qui correspond bien à Yasuda Masahiro.
Yasuda met un point d’honneur à « lire » et à « écouter » chaque morceau de bois qui passe entre ses mains.
Les produits Inori passent entre les mains de nombreux artisans pour y être polis avec le plus grand soin.
Yasuda Masahiro espère que la relève sera assurée par la nouvelle génération.
La genèse d’Inori Orchestra
Après avoir obtenu un diplôme d’arpenteur-géomètre à Nagoya, Kikuchi Naoto a travaillé pour une entreprise de construction, où il a été chargé de la conception et de la construction de cimetières de jardins. Cette expérience l’a amené à réfléchir à des approches plus modernes de l’inhumation et de la commémoration des défunts. Il est ensuite retourné à Shizuoka, où il est devenu vendeur pour Volkswagen. Après quatre années dans l’entreprise, il est devenu le meilleur concessionnaire du constructeur allemand, son préféré au Japon.
À peu près à la même époque, une entreprise suisse qui fabriquait des « diamants commémoratifs » à partir des cendres de la personne défunte a ouvert à Shizuoka. Impressionné par cette idée novatrice, Kikuchi Naoto s’est dit qu’il pouvait trouver une solution au nombre insuffisant de cimetières au Japon. Il a donc créé sa propre entreprise, et de là est née la gamme de pendentifs Ash in Jewelry entre autres accessoires, écrin des cendres de la personne défunte. Cette gamme a connu un grand succès.
Un bracelet avec une capsule abritant les cendres de la personne chère.
Aujourd’hui, 18 ans plus tard, le président d’Inblooms travaille avec une petite équipe en qui il a toute confiance, toujours impliqué personnellement dans tout ce qui a trait au développement des produits, à la photographie, à la conception et à l’emballage. « Beaucoup de clients nous envoient des lettres de remerciements » confie-t-il. « C’est grâce à eux que nous sommes arrivés là où nous sommes aujourd’hui. Quand je regarde autour de moi, je vois de nombreuses autres entreprises qui proposent des produits qui ressemblent à notre gamme Inori Orchestra. Cela signifie que le nouveau genre d’objets commémoratifs que nous avons développé s’est fait une place sur le marché. »
« J’ai pour ambition de devenir l’Apple de l’industrie du butsudan, une source constante d’innovation. Un jour peut-être, avant que je ne quitte ce monde, les formes de nos produits deviendront aussi universelles que des cintres pour pendre des vêtements, et les gens se diront « Mais qui est le concepteur de cet objet ? ».
L’urne miniature Yurikago, pour le repos des cendres de nourrissons. Elle évoque un nouveau-né couché dans un yurikago, ou berceau.
L’urne en verre Art Glass est fabriquée par des souffleurs de verre.
Résonnance d’un ossuaire d’âmes et de lumière
Fasciné par le travail des souffleurs de verre, le président d’Inblooms a lancé une ligne d’urnes fabriquées avec cette technique. Kimiya Kôshi, prêtre en chef au temple bouddhiste Ryôun-ji de la ville de Hamamatsu (Shizuoka) qui abrite la plus grande version au monde du Sutra du cœur, écrit par la calligraphe Kanazawa Shôko, affectionne particulièrement ces magnifiques urnes. J’ai décidé moi aussi de me rendre au temple.
Le prêtre principal du Ryôun-ji, Kimiya Kôshi, assis devant le Sutra du cœur, par la calligraphe Kanazawa Shôko, atteinte du syndrome de Down.
À l’autre bout de la salle se trouve un ossuaire composé de 266 urnes en verre illuminées, le nombre de personnages du Sutra du cœur. J’ai été stupéfié lorsque j’ai vu un visiteur rester très longtemps devant une urne. Il était arrivé à la tombée de la nuit.
Les urnes qui baignent de lumière ressemblent à des étoiles dans le ciel du soir.
Une femme a longtemps prié devant l’ossuaire, du crépuscule jusqu’à la tombée de la nuit.
Ces statues Tenshi Jizô ont été fabriquées pour prier pour la fin de la pandémie de Covid-19.
Par nos prières et nos offrandes, nous dirigeons nos pensées vers des êtres chers qui ne sont plus parmi nous. Mais nous ressentons leur présence et nous résonnons avec eux à l’unisson. Comme le soleil et la lune, la lumière rayonne de l’un et est reflétée par l’autre. De la même façon, dans une prière silencieuse, une main rencontre l’autre.
(Photo de titre : Inori Ouchi est un butsudan en bois naturel qui s’intègre parfaitement dans un environnement moderne. Toutes les photos © Ônishi Naruaki)