La divinité Inari, les statues de renard et les pouvoirs surnaturels d’Abe no Seimei
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Les sanctuaires consacrés à Inari, depuis les petits que l’on trouve dans les ruelles voisines des rues commerçantes, jusqu’au très célèbre Fushimi Inari de Kyoto, avec ses milliers de portiques rouges, sont les plus courants au Japon.
La divinité Inari, omniprésente dans le Japon
Tandis que la croyance en la divinité Hachiman s’est diffusée principalement au sein de la classe guerrière, à travers tout le pays, la divinité Inari s’est attiré le plus de fidèles au sein du peuple.
Inari a plus tard été identifiée à Ukanomitama dont le nom apparaît comme divinité des céréales dans les deux illustres recueils Kojiki (Chronique des faits anciens) et Nihon Shoki (Chronique du Japon), mais c’est à l’origine une divinité née du folklore.
Le sanctuaire principal de la divinité Inari est le célèbre Fushimi Inari de Kyoto, avec ses milliers de portiques torii. Selon une histoire venue du début de l’époque de Nara (710-794), Hata no Irogu, issu d’un clan de toraijin (terme qui désigne des personnes venues du reste de l’Asie au Japon dans les temps anciens), plaça un mochi (pâte de riz gluant) sur la pointe de sa flèche et tira en direction de sa cible. En l’atteignant, le mochi se métamorphosa en cygne blanc qui prit son envol. L’oiseau alla se poser sur le sommet d’une montagne et se changea en un plant de riz. Le mont prit le nom de Inenari (« pousse de riz », qui se déforma au fil du temps pour devenir « Inari »), et le clan de Hata no Irogu y édifia un petit sanctuaire, l’ancêtre de l’actuel Fushimi Inari.
Au début de la période Heian dans l’ancienne Kyoto, le moins Kûkai a fait ériger le temple Tô-ji, où l’on vénère Inari comme divinité locale. La propagation de l’enseignement de Kûkai à travers le Japon conduisit à celle de l’ouverture de sanctuaires Inari dans tout le pays.
Comme le montre l’étymologie inenari, c’est une divinité que l’on priait pour avoir une bonne récolte de riz et de céréales. Avec la propagation de cette croyance dans les villes, un nombre croissant de pèlerins vinrent la révérer pour obtenir la prospérité de leur commerce. Pendant l’époque d’Edo (1603-1868), on dit que partout dans Edo on voyait des sanctuaires qui lui étaient consacrés. De nos jours encore, on observe souvent dans les quartiers commerçants des hokora (mini-sanctuaires) où des offrandes sont déposées.
Au Japon, sitôt que l’on parle de sanctuaires Inari, on se représente une statue de renard. Dans certaines représentations, il peut avoir à la gueule un bijou rond (appelée hôju), ou la clef d’un grenier à riz.
Mais comme nous l’avons vu, la déesse Inari était associée dans le folklore ancien à un oiseau blanc, et il n’y était pas question de renard. Comment l’expliquer ?
En réalité, la raison de cette association n’est pas claire. Il existe une théorie : le renard serait le premier animal sauvage à descendre de la montagne au tout début du printemps, il aurait alors été considéré comme un animal guidant la divinité de la rizière. Il y a aussi d’autres hypothèses : sa queue fournie ferait tout simplement penser à un épi de riz, ou encore il éliminerait les moineaux qui nuisent aux récoltes.
Abe no Seimei, une figure à la force étrange
Parce qu’ils vivent dans la souffrance et les tourments, les hommes ont toujours voulu savoir ce que l’avenir leur réservait. Abe no Seimei (921-1005), chaman de l’époque de Heian, a été déifié comme un surhomme déployant une force étrange et répondant aux souhaits des gens.
Il y a dans la pensée chinoise ancienne la cosmologie Wuxing. Elle associait le Yin-Yang, qui estime que tout ce qui existe dans le monde est constitué de deux « souffles » yin et yang, et la cosmogonie de la circulation des cinq éléments (bois, feu, terre, métal et eau) et les changements qu’ils apportent.
La cosmologie Wuxing a eu une influence importante sur la civilisation japonaise, dans laquelle elle a connu une développement original, l’onmyô-dô, qui l’associe à des pratiques de divination proprement japonaises. Cette cosmologie ésotérique était profondément liée au quotidien des Japonais, avant tout à l’époque Heian. On appelait onmyôji celui qui jugeait des augures sur la base du yin et du yang en fonction des astres et de la terre et décidait du calendrier. Parmi ces onmyôji, Seimei est celui qui a eu le plus de succès, et qui est même devenu un véritable héros.
Abe no Seimei observait le ciel et décidait si les auspices étaient favorables ou non. Il occupait le poste de tenmon missô (conseiller confidentiel de l’empereur en matière d’astrologie), qu’il remplissait lorsqu’il se produisait des événements extraordinaires. Il avait la confiance de la noblesse, dont les membres le consultaient lorsqu’il leur arrivait des choses qu’ils ne s’expliquaient pas, et qui pouvaient avoir à faire avec la divination.
Il utilisait aussi les shikigami, sorte d’esprit des démons oni, et leur confiait des tâches du quotidien. On raconte qu’il déployait sa puissance de divination dans toutes sortes d’occasions, par exemple en tuant une grenouille sans la toucher directement devant des moines jaloux de sa renommée.
Le sanctuaire Seimei a été érigé à Kyoto par l’empereur Ichijô peu après la mort d’Abe no Seimei pour en faire son éloge, et l’emblème du lieu est un pentagramme. Dans ce lieu sacré se trouvent des statues de shikigami et un puits dont Seimei aurait fait jaillir l’eau. Encore aujourd’hui, il attire des curieux et des passionnés du personnage d’Abe no Seimei.
La renarde blanche Kuzunoha
Selon une légende, Abe no Seimei serait le fils d’une renarde blanche du nom de Kuzunoha, qui aurait pris forme humaine et se serait marié avec Abe no Yasuna. C’est sans doute dans cette mère renarde qu’on voyait l’origine de ses pouvoirs particuliers.
Kuzunoha est vénérée dans le sanctuaire qui porte son nom, situé dans la ville d’Izumi (préfecture d’Osaka). Nombreux sont ceux qui viennent y prier pour la fertilité et un accouchement réussi, en comptant sur les pouvoirs surnaturels de la mère d’Abe no Seimei.
Depuis l’époque Heian jusqu’à nos jours, la vie d’Abe no Seimei a été racontée et décrite dans des légendes, des jôruri, des pièces de kabuki, des romans, des mangas et des films.
Comment expliquer cette foi encore vivace pour cette figure si ancienne ? Probablement parce que malgré les progrès de la science, l’être humain continue de tourner son regard vers le ciel à la recherche de réponses...
(Photo de titre : © Satô Tadashi)
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