
Derrière le « kami » : qu’est-ce qu’un dieu pour les Japonais ?
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Que renferme le mot kami ?
Le mot japonais kami (qui signifie « Dieu », ainsi que « dieu », et « divinité ») a eu des sens très variés pendant une longue histoire. La foi en ce qu’on appelle le shinbutsu shūgō (syncrétisme des kami et bouddhas), voyant une même existence dans les kami (dieux japonais) et les bouddhas, a longtemps eu cours, ce qui fait que les Japonais ne font souvent pas de différence entre les deux, comme le prouve l’expression shinbutsu (un terme qui englobe le terme kami, lu ici « shin » et butsu, bouddhas).
Un Japonais qui se retrouve dans une situation désespérée appellera souvent une aide divine en disant indifféremment kami-sama ou hotoke-sama [sama est un terme honorifique pour s’adresser à quelqu’un de supérieur, et hotoke, une autre lecture du caractère butsu]. Zaô Gongen (un gongen est un bouddha ou un bodhisattva qui apparaît dans notre monde en prenant la forme d’un kami japonais) vénéré dans le Sangaku shinkō, culte ancien des montagnes, est une existence que l’on ne peut scinder entre un kami et un bouddha.
La figure imposante de Zao Gongen, trônant au sein du temple Zuihô-ji (ville de Kobugahara, préfecture de Tochigi).
À l’ère Meiji (1868-1912), l’interdiction de la propagation de la foi chrétienne fut levée, et le mot kami acquit un nouveau sens, celui du Dieu de la religion chrétienne.
Pour permettre la propagation de cette religion, il fallait d’abord avoir une version japonaise de la Bible. Celle-ci avait déjà été traduite en chinois, et le japonais utilise les caractères chinois dans son écriture. Au moment de l’adaptation en chinois, il y avait eu beaucoup de discussions sur la manière de traduire le mot « Dieu », et parmi de nombreux candidats furent retenus trois possibilités, suivant les écoles : les caractères 上帝 (le premier caractère signifie « dessus », le second « empereur »), 神 ou kami, et enfin 天主 (le premier caractère signifie « ciel », le second « maître »).
L’utilisation d’un seul terme a été envisagée pour la traduction japonaise, et le caractère kami 神 fut adopté, sans doute parce qu’il paraissait important, afin de diffuser au Japon la religion chrétienne encore rare dans le pays, d’utiliser un mot connu de tous...
C’est ainsi que le vocable kami en vint à englober l’image du Dieu omniscient et omnipotent de la religion chrétienne qui, depuis l’ère Meiji, a eu une grande influence sur la culture de l’Archipel à travers l’enseignement scolaire et des langues étrangères.
Noël et la Saint-Valentin sont ainsi bien connus des Japonais, sans aucun lien avec la foi chrétienne. 60 % des couples qui se marient aujourd’hui le font dans une cérémonie de type chrétien. Les Japonais chrétiens ne représenteraient qu’autour de 1 % de la population, mais chaque année plus de la moitié des couples se jurent leur amour devant le Dieu de la religion chrétienne.
Dans la mythologie japonaise, il arrive que les dieux se trompent et ratent ce qu’ils entreprennent. De nos jours, il y a des Japonais pour trouver ces aspects douteux. Ne serait-ce pas parce qu’ils perçoivent dans le mot kami l’image du dieu des chrétiens, omniscient et omnipotent ?
(Illsutration : © Satô Tadashi)
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temple bouddhisme histoire sanctuaire divinité shinto religion mythologie dieu