Les 24 divisions de l’année solaire au Japon
« Rittô » : le début de l’hiver
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La période solaire connue sous le nom de rittô (le début de l’hiver) commence approximativement le 7 novembre dans le calendrier moderne. Les matins et les nuits sont plus froids, et le soleil se couche nettement plus tôt.
L’expression kogarashi, ou « vents qui fanent les arbres », employée pour désigner les forts vents saisonniers du nord, est tout à fait pertinente. L’Agence météorologique japonaise identifie officiellement le premier vent du nord soufflant entre la mi-octobre et la fin novembre à 8 mètres par seconde(28,8 km/h) comme le kogarashi ichigô (premier kogarashi de l’hiver).
Les régions montagneuses du nord du Japon connaissent leurs premières chutes de neige. À mesure que les cimes blanchissent, les gens commencent à se préparer pour de bon à l’hiver. Jusqu’à la fin novembre et en début décembre, les jours froids alternent occasionnellement avec des journées chaudes, connues en japonais sous le nom de koharu biyori, analogues à ce qu’on appelle l’été indien.
Cet article se penche sur les événements et les phénomènes naturels qui jalonnent la période allant en gros du 7 au 20 novembre.
Shichi-go-san
Le shichi-go-san (« sept, cinq, trois » en japonais) est une tradition importante, qui veut que les familles (souvent sur leur trente et un) emmènent les enfants de trois, cinq ou sept ans dans un sanctuaire ou un temple pour remercier les divinités et prier pour qu’ils grandissent en bonne santé. Jadis, le shichi-go-san avait lieu le 15 novembre, mais aujourd’hui il dure jusqu’à la fin du mois. En règle générale, on emmène les filles à l’âge de trois et de sept ans, et les garçons à l’âge de cinq ans, mais les coutumes varient selon les régions. Les familles s’adonnant au rituel se voient offrir par les sanctuaires et les temples des confiseries rouges et blanches appelées chitose ame (« confiseries de mille ans ») en guise de prière pour une vie longue et saine. (Voir notre article : « Shichi-go-san », la célébration d’automne en l’honneur des enfants)
Tori no ichi
Le tori no ichi, ou « marché du coq » est une fête célébrée en novembre dans les sanctuaires et les temples en association avec les oiseaux, chaque jour du coq défini par l’ancien calendrier zodiacal chinois. Ces jours sont appelés respectivement premier coq, deuxième coq et troisième coq (les années où le mois de novembre en compte trois).
Les sanctuaires et les temples vendent des râteaux richement décorés, connus sous le nom de kumade, des objets porte-bonheur censés « ratisser » la réussite en affaires. Le sanctuaire Ôtori, à Tokyo, héberge l’un des marchés du coq les plus animés, où les visiteurs peuvent négocier le prix de leur kumade. Le vendeur crie et bat trois fois des mains à plusieurs reprises quand les deux parties se sont mises d’accord sur un prix. Les kumade sont décorés de divers colifichets symbolisant la chance, notamment les Sept divinités du bonheur, des maillets et des imitations de koban, les pièces de monnaie ovales en or utilisées à l’époque d’Edo (1603-1868).
La sortie du Beaujolais nouveau (troisième jeudi de novembre à minuit)
Le Beaujolais nouveau, un vin rouge de fermentation récente produit dans la région du Beaujolais, est mis sur le marché à cette date. En raison du décalage horaire, il est mis en vente eu Japon sept heures plus tôt qu’en France. Le Beaujolais nouveau est célèbre au Japon depuis son envolée concomitante à la bulle économique de la fin des années 1980. À la fin de la décennie suivante, cet essor a été suivi d’une montée en flèche du vin rouge, qui a consacré la popularité de la variété dans l’Archipel. (Voir également notre article : Le vin français retrouve la tête du classement au Japon)
Les hakusai (choux chinois)
Le rittô est une saison où les Japonais ont envie de manger du nabe (potée). Le hakusai, connu sous le nom de chou chinois ou chou napa, est un légume asiatique réputé, originaire de Chine. On pense qu’il a été introduit au Japon par des soldats de retour de la Première guerre sino-japonaise (1894-1895) et de la guerre russo-japonaise (1904-1905). Sa saveur douce en fait un aliment idéal une fois bouilli et servi sous forme de shabu shabu, de yosenabe ou autres potées, vinaigré ou dans toutes sortes d’autres plats. (Voir notre article : « Nabe », le plat idéal pour les saisons froides)
Les champignons enoki
Bien des variétés de champignons font office de kigo, ou mots de saison pour l’automne, mais le terme enoki peut désigner l’automne ou l’hiver. Les variétés sauvages deviennent de saison à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. Les enoki vendus dans le commerce sont blancs, parce qu’ils sont cultivés hors de la lumière du soleil, mais les variétés sauvages ont un grand chapeau brun et un pied de courte taille. Ces dernières années, des variétés issues de croisements ont fait leur apparition sur les étalages des boutiques. (Voir notre article : Les champignons dans la cuisine japonaise : des saveurs multiples)
Le fugu (poisson-globe)
Le fugu, également connu sous le nom de poisson-globe ou poisson-ballon, est un mets délicat connu pour être vénéneux s’il n’est pas préparé comme il convient. La saison des fugu commence en novembre, quand ils s’approchent du rivage pour pondre. Les archéologues ont trouvé des ossements de poisson-globe dans des poteries de l’âge de pierre, ce qui confirme que les Japonais consomment ce poisson depuis au moins 20 000 ans. À l’époque de la première et de la seconde tentative d’invasion de la péninsule coréenne par Toyotomi Hideyoshi (1592-93 et 1597-98), de nombreux soldats sont morts empoisonnés après avoir mangé du fugu dans la région de l’actuelle Shimonoseki, préfecture de Yamaguchi (sud-ouest), ce qui a incité Hideyoshi à interdire la consommation de ce poisson sur tout le territoire japonais. Des siècles plus tard, quand le Premier ministre japonais Itô Hirobumi s’est rendu à Yamaguchi, la mer était si agitée que le seul poisson qu’on a pu lui servir était du fugu, si bien que l’interdiction fut levée, mais uniquement dans cette préfecture.
De nos jours, une autorisation officielle délivrée par les autorités est requise pour cuisiner le fugu. Les fournisseurs doivent disposer de conteneurs hermétiques pour y déposer le foie, les ovaires et les autres organes vénéneux, dont ils doivent se débarrasser en conformité avec les réglements préfectoraux. Le fugu cru est appelé tessa (« sashimi fusil de chasse ») et la potée de fugu tecchiri ou fugu nabe (« potée fusil de chasse ») en raison du risque associé à ces plats. Mais à Shimonoseki, le poisson porte un autre nom : fuku, qui veut dire « bonne fortune ».
La chair du fugu est douce mais dénuée de saveur. On peut la manger crue, ainsi que la peau (kawasashi). On le sert aussi en potée, ou frit, et le shirako, la laitance du poisson mâle, est lui aussi très apprécié. On peut faire frire les nageaoires, ou hire, jusqu’à ce qu’elles soient croustillantes et les ajouter à du saké chaud pour concocter une boisson (hirezake) ayant une forte saveur fumée. (Voir également notre article : Le fugu, un poisson mortel que les Japonais apprécient)
(Article supervisé par Inoue Shôei, chercheuse sur le calendrier et auteure, prêtresse shintô, professeure invitée à l’université Tôhoku Fukushi. Photo de titre : camélia d’automne. Pixta)