
L’importance des enseignements du bouddhisme Tendai au Japon
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La logique de l’affirmation absolue
L’école Tendai a cherché à incorporer en son sein tous les innombrables enseignements qui ont émergé au cours de la longue histoire du bouddhisme depuis l’époque de Shakyamuni, le bouddha historique. Mais cette tentative de réconcilier différentes philosophies hétérogènes en un tout cohérent a naturellement produit des contradictions. Pour maintenir ces différents éléments en une seule doctrine, il était donc nécessaire d’adopter une approche positive capable d’embrasser ces contradictions.
Le fondateur de l’école Tendai était Saichô (767-822). Dans les années qui ont suivi sa mort, une sorte d’affirmation absolue du statu quo est devenue la norme au sein de l’école Tendai. Ceci a donné naissance à de nombreuses idées paradoxales. Les fidèles de Saichô ont ainsi commencé à dire que l’illumination était déjà constamment observable dans le moment présent (mais seulement si nous sommes capables de la percevoir). Les kleshas (« entraves ») illusoires de nos sens font elles-mêmes partie d’un état d’éveil, et toutes les choses de ce monde (animées ou inanimées, organiques ou inorganiques) possèdent en elles la nature du Bouddha, qui leur donne le potentiel d’atteindre l’illumination.
Cette façon de penser était assez éloignée des enseignements originaux du Bouddha, qui avait déclaré que le seul chemin vers l’illumination était de libérer nos esprits des illusions des kleshas par la méditation ou par d’autres pratiques spirituelles. La philosophie Tendai avait pour sa part une certaine affinité avec l’animisme natif du Japon, et était fondamentalement compatible avec l’approche de base du bouddhisme ésotérique, pour lequel le cosmos tout entier est infusé par une énergie mystérieuse, et où l’illumination signifie que les êtres humains deviennent conscients de leur propre unité avec cette énergie.
Pour toutes ces raisons, la logique de l’affirmation absolue qui caractérisait la pensée Tendai s’est diffusée dans tout le bouddhisme japonais, tout comme le rejet de l’upasampadā. L’idée que le monde et la réalité devrait être acceptée et embrassée tels qu’ils sont continue à dominer le bouddhisme japonais d’aujourd’hui, exerçant une influence puissante sur la façon de penser des différents membres de la société japonaise.
Les rigueurs de la discipline monastique
Le bouddhisme Tendai était un assemblage de différentes variétés de pensées bouddhistes. Il devenait donc difficile de déterminer clairement qu’elles étaient les pratiques qu’un moine devait exercer pour atteindre l’illumination. Au même moment, la tendance plutôt « ésotérique » de la secte poussait Tendai à développer la même structure de classe typique du bouddhisme ésotérique, qui enseignait qu’il y avait deux types de personnes dans le monde : les rares individus qui avaient été capables de se rapprocher du Bouddha en dépassant certains obstacles, et tous les autres, qui devaient dépendre de l’aide de ces personnes exceptionnelles pour leur propre bonheur. L’utilisation de pratiques reposant seulement sur les écrits ésotériques aurait dilué les qualités distinctives de la secte Tendai en amalgamant les différentes branches de la pensée bouddhiste. Pour faire face à cette problématique, de nouveaux types de rites, uniques à la secte Tendai, ont été inventés.
Les pratiques et les disciplines spirituelles étaient nécessaires pour clairement montrer que le pratiquant s’était rapproché du monde du Bouddha. Ainsi, les rites devaient être suffisamment exigeants pour que seules quelques personnes exceptionnelles soient capables de les accomplir. Par conséquent, seuls quelques rares fidèles étaient en mesure de remplir les conditions nécessaires pour atteindre l’état d’éveil.
L’école Tendai a par conséquent développé une grande variété de pratiques spirituelles rigoureuses. Ceux qui avaient réussi à les surmonter étaient révérés par la masse des fidèles comme des figures saintes qui avaient réussi à s’élever au niveau du Bouddha. Dans un sens, cette emphase sur les formes extrêmes de rites demandant une grande capacité physique peut sembler diamétralement opposée à la logique d’acceptation absolue du monde telle que décrite plus haut. Les doctrines enseignées par l’école expliquent que cette contradiction peut être résolue en acceptant l’existence d’une réalité de niveau plus élevée... Ainsi, toute contradiction logique apparente pouvait donc être rendue explicable par l’affirmation globale des choses telles qu’elles sont.
Comme nous avons pu le voir, Tendai était un très adaptable assemblage des enseignements des différentes écoles. C’est l’une des raisons majeures pour lesquelles ce courant s’est rapidement développé pour atteindre une position dominante dans la capitale Kyoto.
Dans les siècles qui ont suivi, une grande variété de philosophies bouddhiques, basées sur les enseignements Tendai, se sont diffusées dans tout le pays. De ce point de vue, il est juste de dire que, pour le meilleur et pour le pire, l’école Tendai a posé les fondations de presque tous les développements suivants du bouddhisme japonais. Dans le prochain article de cette série, nous observerons la manière dont les nouvelles écoles et branches ont émergé et se sont différenciées des enseignements des deux écoles ésotériques majeures.
(Photo de titre : le Konpon Chûdô, le pavillon principal du temple Enryaku-ji, sur le mont Hiei. Pixta)