Le bouddhisme au Japon

Le bouddhisme des débuts : la vie de « l’éveillé »

Histoire Culture

Il y a 2 500 ans de cela, le bouddhisme naissait en Inde, avant de faire son arrivée en Chine et au Japon au VIe siècle. Mais la version de cette religion qui a pris racine dans l’Archipel diffère grandement des enseignements originaux du Bouddha historique, Siddhartha Gautama. Comment et pourquoi la religion a-t-elle changé à travers les siècles ? Le premier article de cette série qui suit les développements du bouddhisme au Japon est une introduction aux principes de base de la religion tels qu’enseignés en Inde il y a bien longtemps.

Maintenir le Sangha

Le Bouddha a crée cette religion de manière à ce que la communauté évolue selon des règles strictes, ce qui est peut-être l’une des raisons principales pour lesquelles ses enseignements ont survécu sans interruption pendant 25 siècles. Il a rassemblé ses disciples dans une seule communauté sous sa direction, appelée « Sangha ». Ce groupe était dirigé selon des règles strictes appelées Vinaya Pitaka (qui font partie des trois ensembles d’écrits bouddhiques les plus importants). Après sa mort, ses disciples ont continué à garder ces régulations et à maintenir le Sangha comme communauté autonome d’individus régie par la Loi du Bouddha. Dès l’origine, le Sangha a formé la fondation du bouddhisme. Ceci comporte de nombreux avantages.

1/ Préserver la relation entre le maître et le disciple

Le Vinaya Pitaka établit des relations claires entre les enseignants et les disciples dans le Sangha. Ceci permet de transmettre les enseignements de Bouddha, sous forme de sutras et d’autres écrits, avec fidélité à travers les âges, mais également de faciliter la transmission des techniques de méditation et d’autres pratiques bouddhiques, qui peuvent être apprises face à face de maître à élève de génération en génération. Ceci a contribué à faire de la Sangha un organisme éducatif extrêmement rationnel.

2/ L’assistance mutuelle comme forme de sécurité sociale

La fondation d’un système d’assistance mutuelle au sein du Sangha a permis de transformer les relations classiques entre un enseignant et ses disciples en un système d’assistance mutuelle dans la vie de tous les jours. Ainsi, les religieux qui ont décidé de s’éloigner de la vie du monde séculaire pour se dévouer aux pratiques bouddhiques bénéficient d’une protection mais également d’une sorte d’assurance contre la maladie, les blessures, et les effets du vieillissement. Le Sangha est donc devenu un système de soutien mutuel et d’assistance en lequel ses membres pouvaient avoir confiance.

3/ Maintenir la communauté grâce à l’aumône

Le Sangha des moines bouddhistes est une communauté régie par la Loi de Bouddha, dont les membres suivent une vie humble et sans reproche, guidés par un code de conduite strict. Cet exemple d’intégrité lui a permis de gagner le respect du monde extérieur séculaire. Les gens voyaient dans les disciples du Bouddha des individus vivant dans une discipline stricte, et beaucoup avaient donc envie de les soutenir en leur offrant l’aumône. Ces donations du peuple ont permis de maintenir le Sangha jusqu’à nos jours.

4/ Être indépendant des autorités extérieures

En fonctionnant comme une organisation avec ses propres lois et règles, le Sangha a réussi à obtenir un certain degré d’autonomie. Ceci a été un important facteur de minimisation des risques d’interférence avec des pouvoirs extérieurs, et de maintien d’un environnement approprié à la méditation et à la réflexion. Le Sangha a fonctionné à travers l’histoire comme une communauté autonome, indépendante des autorités séculaires.

Bien sûr, ces quatre caractéristiques n’ont pas été parfaitement maintenues sans interruption pendant 2 500 ans. Au cours de l’histoire, de nombreux évènements sont venus empêcher le bon maintien de ces principes de bases. Mais le fait que ces quatre éléments soient présents depuis l’origine du bouddhisme en tant que principes fondateurs de la religion est très significatif. Même si le Sangha n’a parfois pas su maintenir son cap, il a été relativement facile de remettre la communauté sur le droit chemin, puisqu’elle avait ses bases essentielles auxquelles revenir.

Le bouddhisme japonais, radicalement différent de celui des débuts

Les caractéristiques du bouddhisme des débuts peuvent être résumées en deux points essentiels. Premièrement, le but de la vie religieuse est la méditation. Le bouddhisme ne compte pas sur un sauveur extérieur. Les disciples usent de leur propre pouvoir d’observation pour faire preuve d’introspection, analyser leur être intérieur et s’améliorer par eux-mêmes. L’entraînement journalier par la méditation est leur méthode principale pour atteindre cet objectif.

Secondement, l’existence du Sangha en tant que communauté offre un environnement aux disciples pour se concentrer sur le chemin vers l’illumination. Le Sangha a été établi avec l’objectif de permettre aux disciples de se dévouer à la pratique religieuse tout en restant dépendant de la société séculaire environnante pour ses besoins quotidiens. La communauté est dirigée de manière rationnelle d’après un code de discipline écrit dans le Vinaya Pitaka.

Ces deux caractéristiques différencient le bouddhisme des autres religions, mais dans sa forme japonaise, elles ont été véritablement atrophiées. On peut même dire sans exagérer qu’elles ont disparues. C’est un point crucial de la compréhension de la forme japonaise de cette religion. Si elle a perdu ces éléments typiques du bouddhisme des débuts, quelles sont les autres caractéristiques qu’elle a développées à la place ? Dans cette série d’articles, nous allons observer comment cette religion a été reçue au Japon après être arrivée de Chine.

La place du bouddhisme dans l’Archipel a beaucoup évolué à travers les siècles. À certaines périodes, cette religion a entretenu des liens étroits avec les dirigeants et les pouvoirs du moment. À d’autres époques, elle a souffert de répressions terribles, voire de bannissement. Portons ensemble un regard sur l’histoire longue et mouvementée du bouddhisme et examinons le chemin unique de la religion fondée par Shakyamuni au Japon au cours des quinze derniers siècles.

(Photo de titre : une peinture murale représentant la vie du Bouddha au temple Mulagandhakuti Vihara, à Sarnath, près de Varanasi, dans l’État indien de l’Uttar Pradesh. Aflo)

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