Le bouddhisme des débuts : la vie de « l’éveillé »
Histoire Culture- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
La méditation comme méthode d’apaisement de la souffrance
Il y a 2 500 ans, le bouddhisme naissait en Inde, fondé par une personne connue historiquement sous le nom de Siddhartha Gautama. Né dans une famille noble du royaume de Kapilavastu, proche de ce qui est aujourd’hui connu comme la frontière entre l’Inde et le Népal, il a passé ses premières années dans le luxe et le confort. Et s’il était resté prince, Siddhartha aurait bien pu devenir roi. Mais alors qu’il n’était encore qu’un jeune homme, ses yeux se sont ouverts aux souffrances liées à l’existence humaine. Cette prise de conscience l’a poussé à abandonner son statut princier et son style de vie confortable et aisé, et à partir s’aventurer seul dans la forêt pour y mener une vie religieuse d’ascète.
Qu’est ce qui l’a poussé à sortir de cet environnement aisé pour partir vivre une vie faite d’incertitude et d’inconfort ?
Durant l’adolescence, Siddharta avait fini par réaliser qu’il y avait des gens heureux et malheureux dans la société. Bien que les circonstances des uns et des autres soient uniques, nous avons un point commun : nous sommes tous inévitablement touchés par la vieillesse, la maladie, et la mort. Nous sommes ainsi tous malheureux de manière égale. Le fait de vivre implique en soi de devoir souffrir, et cette peine ne peut être apaisée ou soignée par les richesses ou par le rang social. Pour quelqu’un qui a compris cette vérité, le privilège d’être né prince n’avait donc plus aucun sens. La seule voie restante à Siddhartha était de dédier sa vie à trouver une façon d’échapper à cette souffrance inhérente à la vie afin de parvenir à atteindre un état de tranquillité et de paix.
Dans la forêt, éloigné de toute civilisation, le jeune homme a étudié auprès de religieux qui s’étaient eux aussi mis à l’écart de la société pour pratiquer la méditation et l’ascétisme. Il a mis son corps à l’épreuve en s’infligeant des tourments physiques et en se soumettant à la faim, espérant surmonter la douleur afin d’obtenir des pouvoirs surhumains qui lui permettraient d’échapper à la souffrance. Mais après six ans d’autoflagellation et d’abnégation, il n’avait toujours pas atteint son objectif. Il a donc décidé de changer son approche en abandonnant son ascétisme extrême pour se concentrer uniquement sur la méditation. Grâce à cette méthode, il est finalement parvenu à atteindre l’illumination sous le fameux arbre de la Bodhi. Après cet accomplissement, il s’est fait connaître sous le nom de Bouddha, qui signifie « l’éveillé ». Il est également connu sous le nom de Shakyamuni, en allusion à ses origines dans la tribu Shakya de l’ancienne Inde.
Un manuel pour surpasser ses émotions destructrices
Quelle est la nature de l’illumination du Bouddha ? Il est impossible pour quelqu’un de pleinement comprendre les bouleversements qui peuvent avoir lieu dans le cœur d’une autre personne. Pour cette raison, le rapport exact de l’expérience qu’a eu le Bouddha en atteignant l’illumination reste un mystère. Nous pouvons cependant avoir une compréhension approximative de ce qu’il s’est passé en lisant les sutras et les autres nombreux écrits bouddhiques, qui sont tirés des enseignements du Bouddha basés sur son expérience.
Le Bouddha enseigne que l’on ne peut se libérer de la souffrance qu’au prix de ses propres efforts. Il n’y a pas d’être surhumain qui puisse venir délivrer quelqu’un de ses maux. C’est pourquoi le Bouddha a utilisé les bienfaits de la méditation pour examiner son propre cœur et son esprit jusqu’à découvrir les racines de la souffrance. Il a alors compris que la cause fondamentale du mal-être est le fait de s’accrocher à l’illusion du sentiment de soi.
Nous nous laissons gouvernés par un égo qui n’existe pas vraiment. Centrés sur nous-mêmes, nous voyons le monde d’une manière qui sert les intérêts de cet égo imaginaire. Cette conscience « égo-centrée » est quelque chose qui se développe en nous par instinct, mais cette vision du monde est erronée. Et cette mauvaise compréhension provoque la confusion et les états d’esprit destructeurs que le bouddhisme appelle « kleshas ». Ceux-ci comprennent des émotions tels que l’anxiété, le désir, la jalousie et la peur, des états mentaux qui embrument l’esprit et mènent à des actions néfastes qui alimentent le cycle de la souffrance.
Ayant compris les origines du mal-être grâce à l’observation de soi, le Bouddha a mis au point des directives pratiques pour mettre fin à ces états d’esprit malsains et pour se libérer de l’océan des souffrances. Cette approche de l’entraînement spirituel est unique au bouddhisme.
La pratique bouddhique est constituée de deux éléments principaux. Le premier est l’étude des sutras et des autres écrits afin d’atteindre une bonne compréhension des enseignements de Bouddha. Les sutras servent de manuels à la pratique du bouddhisme. Le second est d’effectuer la pratique des leçons spirituelles apprises dans les écrits en étant guidé par des disciples plus expérimentés.
En tant que toute nouvelle méthode d’enseignement, le bouddhisme a exercé un fort attrait auprès des gens. Le Bouddha a rapidement attiré de nombreux disciples, et sans faire de distinction entre eux, leur a enseigné les méthodes qu’il avait apprises de sa propre expérience. Après sa mort à l’âge de 80 ans, ses disciples ont maintenu ses méthodes et ses enseignements en vie. Aujourd’hui encore, les bouddhistes du monde entier continuent de les suivre. Sous le commandement du Bouddha, ses disciples se sont appropriés les pratiques de méditation spirituelle qu’il avait établies pour eux. Cette communauté est rapidement devenu l’un des piliers centraux du développement du bouddhisme en tant que religion au cours des siècles suivants.
Maintenir le Sangha
Le Bouddha a crée cette religion de manière à ce que la communauté évolue selon des règles strictes, ce qui est peut-être l’une des raisons principales pour lesquelles ses enseignements ont survécu sans interruption pendant 25 siècles. Il a rassemblé ses disciples dans une seule communauté sous sa direction, appelée « Sangha ». Ce groupe était dirigé selon des règles strictes appelées Vinaya Pitaka (qui font partie des trois ensembles d’écrits bouddhiques les plus importants). Après sa mort, ses disciples ont continué à garder ces régulations et à maintenir le Sangha comme communauté autonome d’individus régie par la Loi du Bouddha. Dès l’origine, le Sangha a formé la fondation du bouddhisme. Ceci comporte de nombreux avantages.
1/ Préserver la relation entre le maître et le disciple
Le Vinaya Pitaka établit des relations claires entre les enseignants et les disciples dans le Sangha. Ceci permet de transmettre les enseignements de Bouddha, sous forme de sutras et d’autres écrits, avec fidélité à travers les âges, mais également de faciliter la transmission des techniques de méditation et d’autres pratiques bouddhiques, qui peuvent être apprises face à face de maître à élève de génération en génération. Ceci a contribué à faire de la Sangha un organisme éducatif extrêmement rationnel.
2/ L’assistance mutuelle comme forme de sécurité sociale
La fondation d’un système d’assistance mutuelle au sein du Sangha a permis de transformer les relations classiques entre un enseignant et ses disciples en un système d’assistance mutuelle dans la vie de tous les jours. Ainsi, les religieux qui ont décidé de s’éloigner de la vie du monde séculaire pour se dévouer aux pratiques bouddhiques bénéficient d’une protection mais également d’une sorte d’assurance contre la maladie, les blessures, et les effets du vieillissement. Le Sangha est donc devenu un système de soutien mutuel et d’assistance en lequel ses membres pouvaient avoir confiance.
3/ Maintenir la communauté grâce à l’aumône
Le Sangha des moines bouddhistes est une communauté régie par la Loi de Bouddha, dont les membres suivent une vie humble et sans reproche, guidés par un code de conduite strict. Cet exemple d’intégrité lui a permis de gagner le respect du monde extérieur séculaire. Les gens voyaient dans les disciples du Bouddha des individus vivant dans une discipline stricte, et beaucoup avaient donc envie de les soutenir en leur offrant l’aumône. Ces donations du peuple ont permis de maintenir le Sangha jusqu’à nos jours.
4/ Être indépendant des autorités extérieures
En fonctionnant comme une organisation avec ses propres lois et règles, le Sangha a réussi à obtenir un certain degré d’autonomie. Ceci a été un important facteur de minimisation des risques d’interférence avec des pouvoirs extérieurs, et de maintien d’un environnement approprié à la méditation et à la réflexion. Le Sangha a fonctionné à travers l’histoire comme une communauté autonome, indépendante des autorités séculaires.
Bien sûr, ces quatre caractéristiques n’ont pas été parfaitement maintenues sans interruption pendant 2 500 ans. Au cours de l’histoire, de nombreux évènements sont venus empêcher le bon maintien de ces principes de bases. Mais le fait que ces quatre éléments soient présents depuis l’origine du bouddhisme en tant que principes fondateurs de la religion est très significatif. Même si le Sangha n’a parfois pas su maintenir son cap, il a été relativement facile de remettre la communauté sur le droit chemin, puisqu’elle avait ses bases essentielles auxquelles revenir.
Le bouddhisme japonais, radicalement différent de celui des débuts
Les caractéristiques du bouddhisme des débuts peuvent être résumées en deux points essentiels. Premièrement, le but de la vie religieuse est la méditation. Le bouddhisme ne compte pas sur un sauveur extérieur. Les disciples usent de leur propre pouvoir d’observation pour faire preuve d’introspection, analyser leur être intérieur et s’améliorer par eux-mêmes. L’entraînement journalier par la méditation est leur méthode principale pour atteindre cet objectif.
Secondement, l’existence du Sangha en tant que communauté offre un environnement aux disciples pour se concentrer sur le chemin vers l’illumination. Le Sangha a été établi avec l’objectif de permettre aux disciples de se dévouer à la pratique religieuse tout en restant dépendant de la société séculaire environnante pour ses besoins quotidiens. La communauté est dirigée de manière rationnelle d’après un code de discipline écrit dans le Vinaya Pitaka.
Ces deux caractéristiques différencient le bouddhisme des autres religions, mais dans sa forme japonaise, elles ont été véritablement atrophiées. On peut même dire sans exagérer qu’elles ont disparues. C’est un point crucial de la compréhension de la forme japonaise de cette religion. Si elle a perdu ces éléments typiques du bouddhisme des débuts, quelles sont les autres caractéristiques qu’elle a développées à la place ? Dans cette série d’articles, nous allons observer comment cette religion a été reçue au Japon après être arrivée de Chine.
La place du bouddhisme dans l’Archipel a beaucoup évolué à travers les siècles. À certaines périodes, cette religion a entretenu des liens étroits avec les dirigeants et les pouvoirs du moment. À d’autres époques, elle a souffert de répressions terribles, voire de bannissement. Portons ensemble un regard sur l’histoire longue et mouvementée du bouddhisme et examinons le chemin unique de la religion fondée par Shakyamuni au Japon au cours des quinze derniers siècles.
(Photo de titre : une peinture murale représentant la vie du Bouddha au temple Mulagandhakuti Vihara, à Sarnath, près de Varanasi, dans l’État indien de l’Uttar Pradesh. Aflo)