Les athlètes paralympiques : des hommes et des femmes exemplaires

Kakehata Eiko : la souriante professionnelle du tir en rotation au goalball

Sport Tokyo 2020

Yoshii Taeko [Profil]

Le goalball est un sport collectif pratiqué par des athlètes mal-voyants et non-voyants. Il consiste à envoyer un ballon sonore dans les buts du camp adverse pour marquer autant de points que possible. Les joueurs portent un bandeau qui leur couvre complètement les yeux afin que le degré de leur handicap n’ait aucune influence sur leurs performances. En 2012, l’équipe féminine japonaise de goalball a réussi à décrocher la médaille d’or aux Jeux paralympiques de Londres. Kakehata Eiko, qui a participé à cet exploit, compte bien le renouveler à l’occasion des Jeux paralympiques de Tokyo 2020. Dans l’article qui suit, elle explique aussi comment grâce au sport, elle a réussi, à transformer son handicap en atout et à vivre pleinement.

Kakehata Eiko KAKEHATA Eiko

Joueuse de goalball. Née en 1993 à Yokohama. Fille du célèbre lanceur de baseball Kakehata Mitsunori. Atteinte d’une forme d’albinisme oculo-cutané qui se traduit par une dépigmentation de la peau et une forte réduction de l’acuité visuelle. Elle a commencé à jouer au goalball à l’âge de 16 ans. Membre de l’équipe féminine japonaise qui a remporté la médaille d’or de goalball aux Jeux paralympiques de Londres, en 2012.

Une para-athlète qui a le sens de la compétition dans le sang

Lorsqu’on rencontre Kakehata Eiko dans la vie courante, on est surtout frappé par le ton légèrement perché de sa voix et par son rire plein de charme. Un contraste saisissant avec la farouche jeune femme que l’on voit évoluer sur les terrains de sport en tant qu’ailier gauche de l’équipe nationale féminine de goalball du Japon. Kakehata Eiko est en effet réputée pour la puissance de ses tirs capables de déjouer les meilleures défenses.

Lors des Jeux paralympiques d’Asie organisés en Indonésie en 2018, Kakehata Eiko a donné la mesure de son talent en tant qu’attaquante en marquant trois points consécutifs lors de la finale de goalball, face à la Chine (actuellement numéro deux mondial). À cette occasion, elle a utilisé sa botte secrète, le tir effectué en rotation qui consiste à tourner sur soi-même avant de lancer la balle. Ce faisant, elle a permis au Japon de battre l’équipe chinoise sur un score de 5 à 3 et de remporter la médaille d’or.

Kakehata Eiko est bien entendu satisfaite de ce résultat mais elle tient à garder les pieds sur terre. Elle dit avec le plus grand sérieux qu’elle s’efforce avant tout d’améliorer son jeu, en particulier en ce qui concerne le contrôle de la balle. « Si nous voulons avoir des chances de battre les meilleures équipes du monde, il va falloir que je peaufine encore mes tirs. »

La prudence de la jeune femme s’explique par les résultats décevants obtenus lors de compétitions récentes à l’étranger. En mai 2019, elle a fait partie d’une sélection japonaise qui a terminé deuxième d’une session d’entrainement et de compétition organisée en Turquie. Et au mois de juin, son équipe n’a fini que quatrième d’un événement similaire en Suède où elle a été battue par la Russie et le Brésil. Le Japon a procédé à divers changements dans la composition de l’équipe peu après, mais Kakehata Eiko ne fait pas pour autant preuve d’un excès d’optimisme. Après tout, elle est la fille de Kakehata Mitsunori, une star du baseball qui a joué pendant douze ans dans le championnat national japonais. Et à ce titre, elle a le sens de la compétition dans le sang.

Dans la vie courante, Kakehata Eiko est toujours souriante bien qu’elle souffre d’une forme d’albinisme oculo-cutané caractérisée par une dépigmentation de la peau et une réduction de l’acuité visuelle. Mais les choses sont différentes quand elle joue au goalball.

Les spécificités du goalball

En 2012, Kakehata Eiko a remporté une première médaille d’or aux Jeux paralympiques de Londres avec l’équipe féminine de goalball du Japon et elle n’a pas l’intention d’en rester là. À l’époque, elle avait tout juste 18 ans et elle n’était qu’une simple remplaçante avec à peine deux ans d’expérience. Elle a donc du mal à se considérer comme pleinement partie prenante de cet exploit historique. « Je n’ai pas eu l’impression de contribuer en quoi que ce soit à la victoire de l’équipe. Je n’ai même pas eu le temps de m’habituer à l’ambiance des Jeux. Je me suis retrouvée sur le podium et quand on a hissé le drapeau japonais, au moment de la cérémonie de remise des médailles, je n’ai rien compris à ce qui se passait. » Voilà pourquoi elle a l’intention de s’investir pleinement dans les Jeux paralympiques de Tokyo 2020.

Le goalball est un sport collectif réservé à des personnes mal-voyantes et non-voyantes équipées d’un bandeau placé sur les yeux afin d’empêcher celles qui ont une vison même très minime de pouvoir se repérer visuellement. Les joueurs évoluent sur un terrain de 9 mètres de large sur 18 mètres de long, l’équivalent d’un terrain de volleyball. L’objectif est d’envoyer dans les buts (9 mètres de large, 1,30 mètre de haut, 50 centimètres de profondeur) du camp adverse un ballon de 76 centimètres de circonférence, pesant 1,25 kilo, qui émet des sons en raison des grenailles de fer qu’il contient. Un match comporte deux mi-temps de douze minutes chacune.

Chaque équipe est composée de trois joueurs, un centre et deux ailiers en alternance attaquants et défenseurs, qui s’orientent sur le terrain en faisant appel uniquement à l’ouïe et au toucher. Ils disposent notamment de repères tactiles constitués par du fil fixé au sol par du ruban adhésif qui matérialise les grandes lignes du terrain et les différentes zones qu’elles délimitent. Chaque camp est divisé en trois parties égales. La première, la zone d’équipe, est la plus proche des buts et elle mesure trois mètres de longueur. Elle est suivie par une zone de tir qui fait elle aussi trois mètres de long. La troisième partie, considérée comme neutre, occupe les trois derniers mètres séparant la zone de tir de la ligne centrale.

Quand un joueur effectue une attaque, il lance la balle au ras du sol en direction des buts du camp adverse. Il a le choix entre plusieurs techniques. La plus puissante est le tir en rotation. Le tir en ligne, dans l’axe du terrain, permet quant à lui de limiter la distance parcourue par la balle. Le tir dit « écrasé » a le mérite de réduire le son émis par la balle et de rendre son repérage plus difficile. Il existe aussi un tir croisé, plus facile à réaliser que le tir en ligne. En vertu du règlement, le ballon doit obligatoirement effectuer un premier rebond dans les six premiers mètres du camp du joueur et un second dans l’une des deux zones neutres situées de part et d’autre de la ligne médiane. Dans le camp adverse, les joueurs répondent souvent aux attaques par un plongeon et ils agissent de façon coordonnée, en se plaçant en position de double rideau pour protéger leurs buts le plus efficacement possible.

Les limites d’une tactique basée sur la défense

L’équipe féminine de goalball du Japon est très réputée pour les qualités de sa défense. Lors des Jeux paralympiques de Londres, elle a réussi à tenir tête à sa redoutable adversaire chinoise avec un score de 1 à 0 qui lui a valu la médaille d’or. Mais quatre ans plus tard aux Jeux de Rio, il en est allé tout autrement, face à la Turquie (actuellement numéro un mondial) et aux États Unis (quatrième mondial). La défense japonaise a été mise à mal par des salves de tirs et de balles rasantes rapides qui ont relégué l’équipe nippone à une décevante cinquième place.

Pendant les Jeux paralympiques de 2016, Kakehata Eiko a été impressionnée par Sevda Altunoluk, l’étoile montante du goalball féminin turc, et par ses tirs « terriblement destructeurs ». L’équipe du Brésil (numéro trois mondial) a elle aussi donné du fil à retordre aux joueuses japonaises, en particulier par leur façon d’attaquer. « Elles prenaient leur élan, tournaient sur elles-mêmes et lançaient la balle à partir de leur entrejambe. Et nous n’avons pas réussi à trouver le moyen de contrer leurs tirs. »

Suite > Une nouvelle stratégie plus complexe et plus efficace

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Yoshii TaekoArticles de l'auteur

Journaliste sportive. Né dans la préfecture de Miyagi. Après avoir travaillé 13 ans au sein du quotidien Asahi Shimbun, elle se lance dans une carrière free-lance en 1991. La même année, elle remporte le prix « Mizuno sports writer » pour son livre Kaerazaru kisetsu Nakajima Satoru F1 gonenme no shinjitsu (« Une saison irréversible, la cinquième année de vérité pour le champion de F1 Nakajima Satoru »). Les thèmes qu’elle développe concerne les capacités cachées de l’être humain. Parmi ses écrits : Hi no maru joshi bare nippon naze tsuyoi no ka (« Pourquoi l’équipe de ballet du Japon est-elle si redoutable ? », édité chez Bungei Shunju, 2013), ou Tensai wo tsukuru oyatachi no rule (« Comment les parents fabriquent-ils des génies ? », édité chez Bungei Shunju, 2016).

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