Les athlètes paralympiques : des hommes et des femmes exemplaires

Kawamura Ryô, ou les ambitions de l’équipe du Japon de cécifoot

Sport Société

Yoshii Taeko [Profil]

Le cécifoot est une version du football adaptée pour les handicapés visuels. Les adeptes de ce sport collectif, appelé aussi football à 5 déficients visuels (foot à 5DV), doivent non seulement faire preuve d’un maximum de rapidité et d’agilité mais aussi être capables d’interpréter les sons afin de repérer l’emplacement du ballon et des autres joueurs sur le terrain. Dans les lignes qui suivent, Kawamura Ryô, le capitaine de l’équipe du Japon de cécifoot, explique comment il s’efforce de l’amener à son meilleur niveau en vue des Jeux paralympiques de Tokyo de 2020.

Kawamura Ryô KAWAMURA Ryō

Né en 1989, dans la préfecture d’Osaka. Travaille pour AXA Life Insurance Co. Ltd. Il commence à avoir des troubles de la vision dès l’âge de cinq ans à cause d’une uvéite (une inflammation de la partie intermédiaire pigmentaire de l’œil). Il pratique l’athlétisme pendant qu’il est au collège et au lycée. Il s’oriente ensuite vers le cécifoot, peu après son entrée à l’Université technique de Tsukuba (NTUT). En 2013, les médecins déclarent qu’il était atteint d’une cécité complète. La même année, il fait ses débuts dans l’équipe du Japon de cécifoot à l’occasion de la Normalization Cup de la ville de Saitama où il a été l’auteur du premier but marqué par des Japonais contre le Brésil. Capitaine de l’équipe du Japon de cécifoot depuis 2016.

La capacité de percevoir les sons en trois dimensions

Kawamura Ryô a une façon de s’exprimer si précise et directe, le visage de face, qu’on a du mal à croire qu’il est complètement aveugle. D’autant qu’il donne l’impression de déchiffrer sur le champ la signification des sons et des voix qu’il entend. Une étonnante capacité qu’il a acquise en jouant au cécifoot. « Je suis capable de repérer l’emplacement d’une personne en trois dimensions », affirme-t-il.

Un sport adapté aux déficients visuels

Voyons d’abord plus précisément en quoi consiste le cécifoot. C’est un sport qui ressemble à bien des égards au football. Il met en effet aux prises deux équipes dont chacune s’efforce d’envoyer avec les pieds le ballon dans le but adverse tout en protégeant le sien. Celle qui marque le plus de buts remporte le match. Mais il s’en distingue aussi à plusieurs égards. Les dimensions de l’espace de jeu sont plus réduites (20 mètres de large sur 40 mètres de long), de même que celles des buts (3,66 mètres de large sur 2,14 mètres de long). Dans le sens de la longueur, le terrain est bordé par des barrières verticales latérales de 1,3 mètre de hauteur, le plus souvent gonflables, de façon à assurer la fluidité et la continuité du jeu.

Les matchs sont également plus courts avec deux mi-temps d’une durée de 20 minutes chacune. Le cécifoot se joue avec un ballon spécifique rempli de grelots qui émettent un son facilement repérable. Les deux équipes sont l’une et l’autre composées de quatre joueurs déficients visuels et d’un gardien de but voyant ou malvoyant. Elles comprennent aussi chacune un guide placé derrière le but adverse avec pour mission d’indiquer aux attaquants l’emplacement de la cage ainsi qu’un entraineur donnant des instructions à ses hommes depuis la touche. Les quatre joueurs de champ portent un masque oculaire ou des lunettes occultant la vision pour éviter que ceux qui ont encore une certaine perception de la lumière ne soient avantagés.

Détrôner le Brésil

Jusqu’à présent, le Japon n’a jamais réussi à se qualifier pour les épreuves de foot à 5DV des Jeux paralympiques. En 2016, son équipe nationale de cécifoot est passée à côté des Jeux paralympiques de Rio à cause d’une décevante quatrième place aux championnats asiatiques de 2015. Mais aussitôt après, elle a été entièrement remaniée avec notamment le talentueux Kawamura Ryô en tant que capitaine. Et depuis, elle fait l’objet d’une certaine attente dans la perspective des Jeux paralympiques de 2020. En effet, elle a été automatiquement sélectionnée du seul fait le Japon est le pays hôte de la XXXIIe Olympiade.

Le cécifoot est devenu officiellement une discipline olympique en 2004, à l’occasion des Jeux paralympiques d’Athènes. Depuis, le Brésil domine largement la catégorie B1 (pour les non voyants) du foot à 5DV.  Il a en effet remporté la totalité des quatre premiers titres olympiques. Rien que d’y penser, le visage de Kawamura Ryô se rembrunit.

« À dire vrai, nous sommes bien loin derrière le Brésil. Mais à mon avis, nous sommes capables de le battre une fois sur dix, bien que cela ne soit encore jamais arrivé. En ce moment, nous sommes en train de tout mettre en œuvre pour que cette première victoire ait lieu pendant les JO de Tokyo. »

De tels propos pourraient facilement passer pour une fanfaronnade. Après tout, l’équipe du Japon ne s’est jamais qualifiée pour les Jeux paralympiques et qui plus est en mars 2018, elle a terminé cinquième des six pays en compétition pour le premier Grand prix mondial de cécifoot organisé à Tokyo par la Fédération internationale des sports pour personnes aveugles (IBSA)... Kawamura Ryô n’en continue pas moins à répéter avec insistance qu’avec les Jeux paralympiques de 2020 à l’horizon, le foot à 5DV japonais est sur la bonne voie. « Nous avons pris de la bouteille et nous jouons avec une ambition insatiable de marquer des buts. »

Kawamura Ryô en train d’effectuer un tir au cours d’un match qui a opposé l’équipe du Japon à celle de la Turquie, dans le cadre du premier Grand prix mondial de cécifoot organisé du 21 au 25 mars 2018 à Tokyo, par la Fédération internationale des sports pour personnes aveugles (IBSA). (Avec l’aimable autorisation de l’Association de cécifoot du Japon –JBFA-)
Kawamura Ryô en train d’effectuer un tir au cours d’un match qui a opposé l’équipe du Japon à celle de la Turquie, dans le cadre du premier Grand prix mondial de cécifoot organisé du 21 au 25 mars 2018 à Tokyo, par la Fédération internationale des sports pour personnes aveugles (IBSA). (Avec l’aimable autorisation de l’Association de cécifoot du Japon )

Si le capitaine de l’équipe du Japon de cécifoot se montre aussi confiant, ce n’est pas sans raison. À l’occasion de la Coupe de cécifoot Carolo Cup qui s’est tenue à Charleroi en Belgique en mai 2018, le Japon a en effet battu l’Iran pour la première fois en neuf rencontres. Cette victoire est d’autant plus remarquable que la redoutable équipe iranienne participait à cette manifestation dans le cadre de sa préparation pour les championnats du monde de juin 2018 et qu’elle était en pleine forme. Les cécifootballeurs japonais l’ont également emporté face à une équipe mixte composée de joueurs allemands et belges du SC Charleroi, ce qui leur a permis de gagner la coupe. Kawamura Ryô a pour sa part marqué huit buts à lui seul et il a été récompensé par un Soulier d’or.

Suite > Un entrainement de l’esprit et de l’ouïe

Tags

Football sport JO parasport

Yoshii TaekoArticles de l'auteur

Journaliste sportive. Né dans la préfecture de Miyagi. Après avoir travaillé 13 ans au sein du quotidien Asahi Shimbun, elle se lance dans une carrière free-lance en 1991. La même année, elle remporte le prix « Mizuno sports writer » pour son livre Kaerazaru kisetsu Nakajima Satoru F1 gonenme no shinjitsu (« Une saison irréversible, la cinquième année de vérité pour le champion de F1 Nakajima Satoru »). Les thèmes qu’elle développe concerne les capacités cachées de l’être humain. Parmi ses écrits : Hi no maru joshi bare nippon naze tsuyoi no ka (« Pourquoi l’équipe de ballet du Japon est-elle si redoutable ? », édité chez Bungei Shunju, 2013), ou Tensai wo tsukuru oyatachi no rule (« Comment les parents fabriquent-ils des génies ? », édité chez Bungei Shunju, 2016).

Autres articles de ce dossier