Les grandes figures historiques du Japon

Tsuda Umeko, une pionnière dans l’éducation des femmes au Japon

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Tsuda Umeko a joué un rôle majeur dans l’éducation des femmes durant l’ère Meiji (1868-1912), alors que la société nippone était encore essentiellement patriarcale. C’est notamment grâce à elle qu’une institution nationale éducative pour femmes, qui deviendra plus tard l’Université Tsuda, verra le jour.

La première Japonaise à étudier à l’étranger

Fille de Tsuda Sen, agronome, Tsuda Umeko est née à Edo (aujourd’hui Tokyo) en 1864. Très jeune, en 1871, elle se rend aux États-Unis, dans le cadre de la mission Iwakura, devenant ainsi la première femme japonaise à aller étudier à l’étranger. Alors âgée de 6 ans seulement, son père a sans aucun doute joué un rôle important dans son départ. Tsuda Sen était un ami de longue date de Kuroda Kiyotaka, directeur du Bureau de colonisation de l’île de Hokkaidô. Il croyait fermement en l’importance de l’éducation des femmes et avait soumis une pétition au gouvernement pour autoriser ces dernières à aller étudier à l’étranger. C’est lui qui recommandera sa fille pour ce séjour au-delà des frontières. Il avait lui-même étudié aux États-Unis à la fin de l’époque d’Edo (1603-1868), et était convaincu que le Japon devait se tourner vers l’Amérique pour rattraper son retard avec l’Occident. Il est probable qu’il ait transmis sa vision des choses à sa fille.

Tsuda Umeko s’installe à Washington, D.C. chez le secrétaire de la légation japonaise, Charles Lanman et sa femme Adeline, où elle fait sa scolarité. Sa ténacité paiera puisqu’elle devient bilingue en anglais et étudie avec brio d’autres matières de base. Pendant son séjour aux États-Unis, Tsuda Umeko se convertit au christianisme. Elle se fait même baptiser. Mais bien que souhaitant entrer à l’université, après dix ans à l’étranger, sa situation financière ne lui laisse d’autre choix que de rentrer au Japon.

Les trois étudiantes japonais qui partirent étudier aux États-Unis dans le cadre de la mission Iwakura, photographiées lors de l'Exposition universelle de 1876 tenue à Philadelphie. De gauche à droite : Tsuda Umeko, Yamakawa Sutematsu et Nagai Shigeko. (Avec l’aimable autorisation de du Collège Tsuda) © Jiji
Les trois étudiantes japonais qui partirent étudier aux États-Unis dans le cadre de la mission Iwakura, photographiées lors de l’Exposition universelle de 1876 tenue à Philadelphie. De gauche à droite : Tsuda Umeko, Yamakawa Sutematsu et Nagai Shigeko. (Jiji. Avec l’aimable autorisation de du Collège Tsuda) 

Durant son séjour à Washington D.C., Tsuda Umeko a fait la connaissance de Mori Arinori, une rencontre décisive puisque ce dernier deviendra plus tard le premier ministre de l’Éducation de l’histoire du Japon. Elle sera sans aucun doute influencée par son idéologie de la nécessité d’étendre l’éducation pour les femmes japonaises, indispensable selon lui pour la modernisation du pays. Elle recevra son soutien à la fois directement et indirectement lorsqu’elle enseignera après son retour sur l’Archipel.

Une célibataire dédiée à sa carrière

Bien que parfaitement bilingue en anglais, Tsuda Umeko avait du mal à trouver un travail, un travail qui serait à la hauteur de ses compétences. Au mieux, on lui proposait un poste en tant que professeure d’anglais à temps partiel dans une école de filles, puis en tant que tutrice pour les filles d’Itô Hirobumi, qu’elle a sans doute rencontré lors de la mission Iwakura. Il deviendra plus tard le premier Premier ministre de l’histoire du Japon.

Son implication dans le monde de la politique, c’est à lui qu’elle la devait. À cette époque, il était tout à fait commun que des hommes politiques aient par exemple recours aux services de geishas, tout autant de pratiques avilissantes que Tsuda Umeko exécrait au plus haut point. Elle ne faisait plus confiance aux hommes, ce qui est probablement l’une des raisons pour lesquelles elle restera célibataire toute sa vie.

Elle finit par être convaincue que le fait qu’elle n’ait pas pu étudier à l’université l’avait empêchée d’avancer dans sa carrière. Ôyama Sutematsu (née Yamakawa) et Uryû Shigeko (née Nagai), deux étudiantes qui comme elle avaient fait partie de la mission Iwakura (voir photo ci-dessus), eurent la chance de s’inscrire à l’université aux États-Unis. Tsuda Umeko les enviait. Ses deux comparses de mission tissèrent avec elle des liens d’amitié très forts à leur retour au pays.

Totefois, ironie du sort, elles prirent toutes trois des chemins extrêmement différents. Sutematsu a épousé le chef militaire Ôyama Iwao et est devenue femme au foyer, et Shigeko le commandant de la marine Uryû Sotokichi et a continué de travailler pour élever ses enfants. Seule Tsuda Umeko restera célibataire et consacrera sa vie à sa carrière professionnelle. Ces modèles de vie sont encore particulièrement présents chez les femmes qui ont fait des études aujourd’hui.

Retour en Amérique

Comprenant qu’elle ne pourrait pas trouver un emploi à la mesure de ses capacités, Tsuda Umeko décida de retourner aux États-Unis, seule cette fois-ci, pour réaliser son rêve : étudier à l’université. La Peeresses’ School (aujourd’hui Gakushûin), qui l’employait alors, accepta de convertir son salaire de l’époque pour financer ses études à l’étranger. De plus, elle se vit octroyer une bourse partielle au Collège Bryn Mawr de Philadelphie. Au Japon, si l’éducation supérieure n’est pas encore mixte, le Collège Bryn Mawr faisait partie du groupe des « Sept Sœurs », les universités d’élite pour femmes de l’époque. Là-bas, elle reçut une éducation stricte et obtint avec succès son diplôme. Pour les besoins de ses études, elle habitait dans le dortoir de l’université.

Tsuda Umeko se spécialisa dans l’éducation et l’apprentissage de l’anglais, mais elle suivit également les traces de son père en étudiant la biologie. Elle avait même coécrit des papiers avec l’aide de son conseiller, le Dr. Thomas H. Morgan, universitaire éminent qui recevra plus tard le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1933. Si elle avait poursuivi ses études, Tsuda Umeko aurait eu une vie très différente. Mais elle choisit de retourner au Japon.

Suite > Fonder une université pour femmes : les obstacles

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