Les grandes figures historiques du Japon

Kurosawa Akira, le maître des maîtres du cinéma : une ode à la justice et à l’amour

Cinéma Culture

Kurosawa Akira, qui a attiré l’attention de la communauté internationale sur le cinéma japonais dans les années 1950, conserve depuis lors une influence notable sur le septième art. Dans l’article qui suit, un grand critique montre à quel point la justice, l’amour et le désir de paix imprègnent l’œuvre de cette légende du cinéma.

Kurosawa, ou un amour débordant pour l’humanité

Contaminé par l’enthousiasme de son frère aîné Heigo, Kurosawa a été grandement influencé par la littérature russe, et notamment par Fiodor Dostoïevski. Son film L’Idiot, sorti en 1951, était une adaptation du roman de Dostoïevski. (Voir notre article : Comment les Japonais lisent-ils les œuvres de Dostoïevski ?)

Kurosawa a déclaré : « Même si sous sommes bons, c’est un genre de bonté qui ne nous empêche pas de tourner le dos quand nous assistons à une grande tragédie. Dostoïevski ne tournait pas le dos. Il regardait et compatissait. En ce sens, je pense que sa nature n’était pas celle d’un être humain, mais d’un dieu. »

Le philosophe Umehara Takeshi, qui a été le premier à voir en Kurosawa un auteur inspiré par l’amour, a dit ceci : « Il débordait d’un amour pour l’humanité plus grand que celui de tous les écrivains. Plus que tous les héros des œuvres littéraires d’après la guerre, les personnages de ces films s’évertuent à mettre leur amour en pratique ».

Dans Vivre (1952), l’un des grands classiques de Kurosawa, le héros Watanabe Kanji, chef d’un bureau de la mairie, apprend qu’il a un cancer et qu’il lui reste peu de temps à vivre. Il souhaite construire une petite aire de jeu pour les enfants et se bat contre les obstacles qu’il rencontre sur son lieu de travail.

Dans Vivre, Shimura Takashi joue le rôle du chef du bureau de la mairie. (© Kyôdô)
Dans Vivre, Shimura Takashi joue le rôle du chef du bureau de la mairie. (© Kyôdô)

Les sept samouraïs (1954), très apprécié du public, raconte l’histoire d’un groupe de samouraïs qui assure la protection d’un village et de ses cultivateurs contre une horde de bandits.

Mifune Toshirô (tout à gauche) et Shimura Takashi (tout à droite) dans les Sept Samouraïs. (© Kyôdô)
Mifune Toshirô (tout à gauche) et Shimura Takashi (tout à droite) dans les Sept Samouraïs. (© Kyôdô)

Barberousse (1965) a de hautes aspirations. Il a pour protagonistes le docteur auquel il doit son titre, qui ne se préoccupe que de la santé de ses patients indigents, et un jeune médecin, qui choisit de travailler à ses côtés plutôt que d’accepter la position prestigieuse que lui offre le shogunat.

« Je pense qu’en tant qu’artiste je n’ai fait que répéter la même chose », a dit Kurosawa. « Je me suis tout simplement interrogé sur les raisons qui empêchent les gens de mener une vie plus proche des autres, plus agréable, plus bienveillante. »

Dans les films de Kurosawa, l’amour est présent sous bien des formes, et leur grand attrait réside dans le dynamisme de la cinématographie. Sa méthode, peaufinée au fil des ans, consistait à utiliser plusieurs caméras pour filmer chaque scène en une seule prise. Après de minutieuses répétitions, il filmait sans s’accorder la moindre pause, de façon à ne pas interrompre la montée de l’émotion. Il ne voyait pas d’autres façons de parvenir au même niveau de réalisme et d’impact.

Le monde unifié grâce au cinéma

« Le cinéma joue un rôle crucial dans l’instauration d’une compréhension mutuelle qui transcende les frontières entre les nations », dit Kurosawa. Il le considérait comme le meilleur instrument pour tisser des liens et renforcer la paix, à mesure que la mondialisation lui conférait une place de plus en plus importante.

Kurosawa Akira en 1985 (© Jiji)
Kurosawa Akira en 1985 (© Jiji)

Rêves est un chef-d’œuvre tardif de Kurosawa. Dans un monde souillé par la radioactivité et la pollution, il traite du besoin de coexistence avec la nature. Une séquence du film devait s’appeler « Subarashii yume » (Rêve merveilleux), mais elle prenait trop de place et en fin de compte a donc été coupée.

Cette séquence, telle qu’elle a été ébauchée, s’ouvre sur un présentateur de télévision en train de crier « La paix est là ! La paix dont nous nous languissons est arrivée ! » Les dirigeants de toutes les nations signent un traité mondial de paix. Les armes nucléaires sont empilées au milieu d’une grande place urbaine. Les chars d’assaut, les avions de combat et les pièces d’artillerie sont eux aussi mis en tas, autour desquels les habitants de nombreux pays dansent en cercles. Des cris de joie s’élèvent. Un ballon dirigeable apparaît dans le ciel et les filles jettent des pétales de fleurs. Les acclamations vont crescendo.

Dans ses notes Kurosawa a écrit :

Rêvons.
Les rêves les plus beaux, les plus grands les plus merveilleux.
Le monde unifié. Le globe unifié.
Est-ce un rêve ?
Même si ce n’est qu’un rêve, il est bon de l’avoir.

Pour Kurosawa, le cinéma se devait non seulement d’être la forme la plus haute d’expression artistique, mais encore de contribuer à unifier le monde.

Les 30 films de Kurosawa Akira

Année Titre Âge
1943 La Légende du grand judo 33
1944 Le plus beau 34
1945 La Nouvelle Légende du grand judo 35
Les Hommes qui marchèrent sur la queue du tigre
1946 Ceux qui bâtissent l’avenir 36
1947 Un merveilleux dimanche 37
1948 L’Ange ivre 38
1949 Le Duel silencieux 39
Chien enragé
1950 Scandale 40
Rashômon
1951 L’Idiot 41
1952 Vivre 42
1954 Les Sept Samouraïs 44
1955 Vivre dans la peur 45
1957 Le château de l’araignée 47
Les Bas-Fonds
1958 La Forteresse cachée 48
1960 Les salauds dorment en paix 50
1961 Le Garde du corps 51
1962 Sanjuro 52
1963 Entre le ciel et l’enfer 53
1965 Barberousse 55
1970 Dodes’kaden 60
1975 Dersou Ouzala 65
1980 Kagemusha, l’Ombre du guerrier 70
1985 Ran 75
1990 Rêves 80
1991 Rhapsodie en août 81
1993 Madadayo 83

(Photo de titre : Ronald Grant Archive/Mary Evans/Kyodo Images)

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