Les grandes figures historiques du Japon

Tange Kenzô, architecte monumental du Japon moderne

Architecture

Tange Kenzô, l’un des plus célèbres architectes du Japon de l’après-guerre, est connu pour de grands ouvrages comme le Parc du Mémorial de la Paix de Hiroshima et le Gymnase olympique de Yoyogi. Ses aménagements urbains ont été salués dans le monde entier, et nombre de ses disciples ont suivi ses traces et accédé à leur tour à la renommée internationale. Il est décédé en 2005, mais son héritage est toujours vivant.

Une image quelque peu égratignée

Nous avons parlé jusqu’ici de la façon dont Tange s’est taillé une renommée nationale et internationale due principalement à son travail sur le territoire japonais. Toutefois, après Expo ’70, ses créations n’ont plus suscité le même genre d’applaudissements. S’il s’était jusque-là attaqué à des projets publics d’envergure nationale au Japon, après la crise pétrolière de 1973 (qui a porté un coup sévère à l’économie japonaise), on lui a reproché d’être devenu « commercial ». Et les plans qu’il a dressés pour des palais destinés aux monarchies du Moyen-Orient et pour le Bâtiment du Gouvernement métropolitain de Tokyo lui ont valu des accusations d'« autoritarisme ».

Achevées en 1991, les tours jumelles du Bâtiment du Gouvernement métropolitain de Tokyo, à Shinjuku, incarnent l'image de Tokyo en tant que ville internationale. Tange a conçu cet édifice monumental en collaboration avec Shun'ichi, gouverneur de Tokyo de 1979 à 1995. (Pixta)
Achevées en 1991, les tours jumelles du Bâtiment du Gouvernement métropolitain de Tokyo, à Shinjuku, incarnent l’image de Tokyo en tant que ville internationale. Tange a conçu cet édifice monumental en collaboration avec Suzuki Shun’ichi, gouverneur de Tokyo de 1979 à 1995. (Pixta)

Après la crise pétrolière, on est en droit de dire que Singapour a supplanté l’Europe en tant qu’idéal de Tange. Très favorable au capitalisme financier épousé par cette cité-État sous la direction de Lee Kuan Yew, il y a conçu et construit un grand nombre de gratte-ciel. Il a aussi voulu prendre pour modèle le concept singapourien de zone économique spéciale pour l’aménagement du quartier d’Odaiba, dans la baie de Tokyo.

Le FCG Building, achevé en 1996, est le siège de Fuji Television Network. Il fait partie des ouvrages conçus par Tange dans le cadre du projet d'aménagement du front de mer de Tokyo dans lequel il s'est engagé vers la fin de sa vie. Pour concevoir cet ouvrage, Tange a puisé son inspiration dans l'admiration que lui inspirait Singapour en tant que pôle financier. (Pixta)
Le FCG Building, achevé en 1996, est le siège de Fuji Television Network. Il fait partie des ouvrages conçus par Tange dans le cadre du projet d’aménagement du front de mer de Tokyo dans lequel il s’est engagé vers la fin de sa vie. Pour concevoir cet ouvrage, Tange a puisé son inspiration dans l’admiration que lui inspirait Singapour en tant que pôle financier. (Pixta)

Au cours des décennies qui vont de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la crise pétrolière de 1973, le Japon a subi et surmonté une kyrielle de crises dévastatrices et enregistré une hausse spectaculaire de son revenu national, de concert avec une amélioration de son système de protection sociale. Dans le même temps, il a œuvré en faveur de la coopération internationale et de la paix dans le monde. Dans ce contexte, Tange Kenzô est devenu mondialement célèbre pour l'œuvre qu’il a accomplie en tant que grand créateur d’espaces urbains imprégnés des idéaux du Japon d’après-guerre. Il avait la conviction que les architectes — et eux seuls — étaient en mesure de créer des villes adaptées aux modes de vie des populations modernes.

Mais la crise pétrolière a modifié l’environnement dans lequel Tange évoluait en tant qu’architecte. Confronté à de graves difficultés, le gouvernement japonais a revu à la baisse son investissement dans le genre de grands projets publics auxquels il s’était précédemment attelé. Privé de travail dans son pays, Tange s’est consacré à la création de concepts pour les villes et de plans d’édifices commandés par les chefs d’État et les membres des familles royales du Moyen-Orient. Les gens en sont venus à penser qu’il préférait les régimes despotiques à la démocratie — une méprise qui a été tragique pour lui.

Les architectes du XXIe siècle, qui font grand cas des ordinateurs, produisent des plans extravagants pour les villes, particulièrement dans les pays exportateurs de pétrole. Ces plans ont attiré l’attention un peu partout dans le monde et recueilli l’approbation des chefs d’État. Je ne pense pas être le seul à les regarder et à y voir la marque de l’influence de Tange. La question qui se pose à nous est de savoir si des plans conçus pour des ploutocrates serviront de schémas directeurs pour les villes de demain.

Tange Kenzô en quelques dates

1913 Naissance à Sakai, préfecture d’Osaka.
1935 Admission au Département d’architecture de l’Université impériale de Tokyo (aujourd’hui Université de Tokyo).
1938 Diplômé, il rejoint le cabinet d’architecture de Maekawa Kunio.
1941 Retour à l’Université de Tokyo pour y poursuivre des études supérieures d’aménagement urbain et d’architecture.
1946 Devient professeur adjoint au Départment d’architecture de l’Université de Tokyo.
1949 Gagne le premier prix d’un concours de projets d’architecture pour le Parc du Mémorial de la Paix de Hiroshima.
1952 Gagne le premier prix d’un concours de projets d’architecture pour le siège du Gouvernement métropolitain de Tokyo (situé dans le quartier de Yûrakuchô).
1963 Devient professeur au Département d’ingénierie urbaine de l’Université de Tokyo.
1964 Achèvement du Gymnase olympique de Yoyogi.
1966 Gagne le premier prix d’un concours de projets d’architecture pour la rénovation du centre-ville de Skopje (Macédoine).
1970 Achèvement du Festival Plaza de l’Exposition universelle d’Osaka.
1974 Quitte son poste de l’Université de Tokyo.
1981 Proposition de projet pour la nouvelle capitale du Nigéria.
1982 Achèvement du Palais royal à Djedda (Arabie soudaite).
1986 Gagne le premier prix d’un concours de projets d’architecture pour le Bâtiment du Gouvernement métropolitain de Tokyo.
1987 Prix Pritzker (aussi appelé le prix Nobel d’architecture) .
2005 Décès à l’âge de 91 ans.

(Photo de titre : Tange Kenzô en 1965. Jiji)

Tags

architecture personnage

Autres articles de ce dossier