Les grandes figures historiques du Japon

Kitasato Shibasaburô : un pionnier en matière de prévention et de traitement des maladies infectieuses

Science

Jusqu’au tout début du XXe siècle, l’humanité était pratiquement désarmée face aux maladies infectieuses. C’est alors que le microbiologiste japonais Kitasato Shibasaburô a découvert en l’espace de quelques années l’agent pathogène du tétanos, le bacille de la peste et d’autres bactéries potentiellement mortelles. Ce faisant, il a ouvert la voie à des formes de traitements et de thérapies révolutionnaires.

Un savant passionné par la recherche médicale et l’enseignement

Tout au long de sa vie Kitasato Shibasaburô s’est par ailleurs investi dans la création et la gestion d’institutions de recherches et d’enseignement. Dès 1892, soit deux ans avant de découvrir le bacille de la peste, il a fondé un Centre de recherches sur les maladies infectieuses avec l’aide de personnages illustres de son temps. En particulier le grand penseur et écrivain Fukuzawa Yukichi (1835–1901), Nagayo Sensai (1836-1902) créateur du bureau des Affaires médicales (devenu par la suite ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales), et l’industriel Morimura Ichizaemon (1839–1919). Kitasato Shibasaburô est resté à la tête de cet établissement quand celui-ci est passé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Le Centre de recherches sur les maladies infectieuses est alors devenu un des trois grands laboratoires de recherches sur les maladies infectieuses du monde au même titre que l’Institut Pasteur de Paris et le Rockefeller Institute de New York.

Toutefois en 1914, Kitasato Shibasaburô a démissionné de ses fonctions lorsque le ministère de l’Intérieur a rattaché sans le consulter son Centre de recherches sur les maladies infectieuses au ministère de l’Éducation pour en faire un département de l’Université impériale de Tokyo (actuelle Université de Tokyo). Tous ses collaborateurs lui ont emboité le pas et le grand bactériologiste japonais a fondé avec ses propres deniers un nouveau centre de recherches privé qui porte son nom.

Dès lors le Centre de recherches Kitasato et le Centre de recherches sur les maladies infectieuses de l’Université de Tokyo se sont trouvés engagés dans une sorte de compétition qui au lieu d’avoir un effet négatif comme on pouvait le craindre a au contraire contribué à faire progresser la recherche médicale au Japon.

Loin de se reposer sur ses lauriers, Kitasato Shibasaburô a continué sans relâche à prendre de nouvelles initiatives. En 1916, il a fondé l’Association des médecins du Japon et quatre ans plus tard, la Faculté de médecine de l’Université Keiô dont il est devenu le doyen. En 1921, il a mis sur pied la firme Akasen Kenonki K.K (devenur par la suite Terumo Co.) spécialisée dans la fabrication de matériel médical de qualité, notamment les thermomètres. En 1923, il a créé la Société savante sur la tuberculose. Et la liste est loin d’être close…

Les limites de la bactériologie

En 1918, le monde a été confronté à une épidémie gravissime, celle de la « grippe espagnole » qui a fait des dizaines de millions de victimes. Au Japon, le Centre de recherches privé Kitasato et le Centre de recherches sur les maladies infectieuses de l’Université ont rivalisé de zèle pour trouver des traitements et un vaccin. Mais en vain, car à l’époque, on ignorait encore l’existence des virus. Le médecin bactériologiste allemand Richard Pfeiffer (1858-1945) du laboratoire de Koch, à Berlin, et Kitasato Shibasaburô à Tokyo ont émis tous les deux l’hypothèse que l’agent pathogène de la grippe espagnole était une bactérie appelée haemophilus influenzae (ou « bactérie de Pfeiffer »). Et ils ont tenté de l’utiliser pour mettre au point un vaccin. Le Centre de recherches sur les maladies infectieuses de l’Université de Tokyo s’est quant à lui montré plus prudent en estimant que l’agent pathogène en question devait être « filtrant », c’est-à-dire assez petit pour traverser les filtres à bactéries de type Berkefeld, mis au point à la fin du XIXe siècle. (Voir notre article : La pandémie de grippe espagnole au Japon sous le regard de la poétesse Yosano Akiko)

L’invention du microscope électronique et les débuts de la virologie

A l’époque, les microbiologistes de l’époque n’avaient encore exploré que le monde des bactéries et ils ignoraient pratiquement tout de celui des virus. Kitasato Shibasaburô et Richard Pfeiffer se sont efforcés de développer un vaccin à partir de la bactérie qu’ils considéraient comme responsable de la grippe espagnole et leurs recherches n’ont pas abouti. Il a fallu attendre 1933 et l’invention du microscope électronique par deux Allemands, le physicien Ernst Ruska (1906-1988) et l’ingénieur Max Knoll (1897-1969), pour que les chercheurs soient en mesure de confirmer l’existence de micro-organismes plus petits que les bactéries, à savoir les virus. Kitasato Shibasaburô n’a malheureusement pas pu bénéficier de cette découverte puisqu’il est mort en 1931. Ce n’est qu’après la disparition de ce grand savant japonais qui a consacré toute sa vie à la bactériologie et tant contribué aux progrès de la science et de la médecine que la virologie est devenue une nouvelle branche très importante de la microbiologie.

En dépit de quelques tâtonnements à la fin de sa vie, Kitasato Shibasaburô a indéniablement joué un rôle considérable dans de nombreuses avancées de la recherche médicale. Les premières graines qu’il a semées il y a plus d’un siècle avec ses découvertes sur les bactéries ont donné des résultats particulièrement extraordinaires. Et le Centre de recherches Kitasato fondé par ce pionnier de la bactériologie et de la modernisation du Japon continue par ailleurs à former des chercheurs et des médecins de tout premier plan.

(Photo de titre avec l’aimable autorisation de la bibliothèque de la Diète nationale japonaise)

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