Les grandes figures historiques du Japon

Mishima Yukio, martyr de la culture japonaise au-delà des époques

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L’année 2020 marquait le cinquantième anniversaire de la mort de Mishima Yukio, après un suicide rituel qui est resté dans les mémoires. Ses œuvres caractérisées par un sens du beau unique continuent à attirer aujourd’hui un grand nombre de lecteurs dans le monde entier. Nous présentons ici la vie de cet écrivain, ses tourments et ses œuvres les plus représentatives.

Un suicide le jour où il avait remis son dernier manuscrit à son éditeur

Mishima s’efforce ensuite de se trouver une existence hors du champ de la littérature, jouant notamment le rôle principal dans un film de yakuzas de Masumura Yasuzô, Karakkaze yarô (1960), ou posant pour un livre de photos sensuelles, Barakei (« Tué par les roses », 1963), de Hosoe Eikoh. Ces deux œuvres connaissent le succès et il devient le favori des médias.

Mais cela signifiait s’adapter à la société d’après-guerre qui n’avait pas compris La Maison de Kyôko. Plus il se rendait populaire auprès des médias, plus il se reniait. Pour échapper à cela, il ne voyait qu’une seule solution : publier une œuvre qui exprimerait sa nouvelle vision de l’histoire, à une échelle encore plus grande. Il le fit avec La Mer de la fertilité, une tétralogie publiée de 1965 à 1971.

Mishima Yukio en train de dégainer le sabre suivant les règles de l'iaidô, le 3 juillet 1970. (Jiji Press)
Mishima Yukio en train de dégainer le sabre suivant les règles de l’iaidô, le 3 juillet 1970. (Jiji Press)

La Mer de la fertilité se compose de quatre romans qui voient le héros de l’époque Meiji se réincarner pendant l’ère Taishô et l’ére Shôwa. Le premier s’ouvre sur une cérémonie commémorative pour les soldats morts pendant la Guerre russo-japonaise. Ce spectacle de désolation, qui imprègne l’ambiance de la tétralogie, démontre que le nihilisme prégnant dans le Japon de l’après-guerre était déjà en gestation à l’ère Meiji. Les réincarnations successives sont une recherche de la vie qui résiste à ce nihilisme, et le dernier volume aurait dû décrire un éveil heureux.

C’était la conclusion conçue dans la vision de départ, mais le quatrième volume est un renversement qui montre que tous les récits des réincarnations ne sont en réalité qu’une illusion. Mishima remit à son éditeur le manuscrit final de ce volume le 25 novembre 1970 et se suicida le même jour, stupéfiant ainsi le monde. La vraie nature de ce suicide demeure une énigme. Une chose est sûre, c’est que que Mishima a dépeint de manière convaincante dans la conclusion de La Mer de la fertilité le nihilisme vers lequel se dirigeait son époque.

Pour ma part, j’interprète son suicide rituel comme un acte destiné à nous encourager à chercher un futur dépassant ce nihilisme.

(Photo de titre : le portrait de Mishima Yukio pris en 1970. Jiji Press)

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