Les grandes figures historiques du Japon

Shibusawa Eiichi, « le père du capitalisme japonais » et profond humaniste

Économie Histoire

Au cours de sa vie, Shibusawa Eiichi, entrepreneur et dirigeant du monde des affaires de l’ère Meiji, a fondé plus de 500 banques et entreprises commerciales et contribué à leur gestion, ce qui lui a valu la réputation de « père du capitalisme japonais ». Mais il pensait aussi que l’éthique et l’activité économique étaient inséparables et que l’intérêt général devait passer avant le profit. Mettant cette doctrine en pratique, il s’est impliqué dans quelque 600 organismes d’aide sociale. Le Musée mémorial Shibusawa Eiichi de Tokyo retrace l’histoire de cet influent industriel et philanthrope.

Priorité à l’intérêt général

Shibusawa est né le 13 février 1840 ; il était le fils aîné d’une riche famille du village de Chiaraijima, qui fait maintenant partie de Fukaya, dans la préfecture de Saitama. Il s’est familiarisé très tôt avec le monde des affaires à travers l’aide qu’il apportait à la production et au commerce familial d’indigo. À l’âge de sept ans, il s’est lancé dans l’étude de l’histoire et des classiques chinois sous la houlette de son cousin Odaka Junchû, qui allait par la suite prendre la direction de la Filature de soie de Tomioka, une usine pionnière dont Shibusawa a contribué à sa création. Âgé d’une vingtaine d’années, il fit un voyage à Edo, aujourd’hui Tokyo, entre deux saisons agricoles, et suivit l’enseignement de diverses écoles, dont celle du grand érudit confucianiste Kaiho Gyoson, et le Genbukan, une influente académie d’escrime dirigée par Chiba Michisaburô.

Ces éléments exposés permettent d'en savoir plus sur la jeunesse de Shibusawa.
Ces éléments exposés permettent d'en savoir plus sur la jeunesse de Shibusawa.

Dans sa jeunesse, Shibusawa a été fortement marqué par les principes xénophobes incarnés par le slogan sonnô jôi (révérer l’empereur, expulser les barbares) et, via Odaka, il était en lien avec des groupes extrémistes qui conspiraient en vue de prendre le château de Takasaki et de brûler Yokohama. Bien qu’aucun de ces projets n’ait été mis à exécution, Shibusawa, inquiet pour sa sécurité, s’enfuit à Kyoto. Alors qu’il se trouvait dans l’ancienne capitale, il entra, par le biais d’un lien familial, au service de Hitotsubashi (Tokugawa) Yoshinobu (1837-1913), qui allait devenir l’ultime dirigeant du shogunat Tokugawa. C’est alors qu’il occupait cette position que Shibusawa commença à se forger sa réputation de penseur économique avisé.

Angle du musée dédié à la période de la vie de Shibusawa consacrée au service du shogun.
Angle du musée dédié à la période de la vie de Shibusawa consacrée au service du shogun.

En 1867, Shibusawa voyagea en Europe en tant que membre de la délégation shogunale menée par Tokugawa Akitake, le frère cadet de Yoshinobu, à la Foire internationale de Paris. Plutôt que de rentrer au Japon immédiatement après l’exposition, il passa un an et demi à parcourir le continent européen, et eut ainsi l’occasion d’observer directement les systèmes sociaux et économiques de plusieurs grandes puissances occidentales.

Photos de Shibusawa en France vêtu du costume traditionnel japonais et habillé à l’occidentale.
Photos de Shibusawa en France vêtu du costume traditionnel japonais et habillé à l’occidentale.

À son retour, Shibusawa, qui était toujours au service du shogun, suivit le clan Tokugawa lors de son transfert au domaine de Shizuoka au début de l’ère Meiji (1868-1912). Mettant à profit ce qu’il avait appris pendant ses voyages outre-mer, il fonda Shôhô Kaisho, l’une des premières sociétés par actions du Japon. Son sens des affaires attira très vite l’attention du gouvernement, qui lui demanda de rejoindre le ministère des Finances. Il occupa par la suite d’autres postes haut placés de la fonction publique, où il contribua à jeter les bases juridiques et administratives du modèle d’entreprise et du système financier du Japon moderne.

Le musée présente une abondante documentation sur la contribution de Shibusawa à la construction de l’État japonais moderne.
Le musée présente une abondante documentation sur la contribution de Shibusawa à la construction de l’État japonais moderne.

Shibusawa quitta la fonction publique en 1873, pour investir son énergie et son savoir-faire professionnel dans les entreprises du secteur privé. Au cours de sa vie, il a fondé quelque 500 sociétés et participé à leur gestion, en grande partie dans le secteur financier. L’un de ses legs les plus durables est la fondation de la Première banque nationale, précurseur du géant financier qu’est la Banque Mizuho.

Le secteur « Contributions à la construction de l’économie japonaise » met en lumière les prouesses de Shibusawa dans le secteur privé.
Le secteur « Contributions à la construction de l’économie japonaise » met en lumière les prouesses de Shibusawa dans le secteur privé.

Entrepreneur accompli, Shibusawa était par ailleurs convaincu que l’éthique et le commerce étaient inséparables, et ses contributions à l’amélioration du bien-être social sont incommensurables. Il s’est impliqué dans quelque 600 organisations et activités charitables, avec un intérêt tout particulier pour l’éducation et l’aide sociale, et jusqu’à sa mort, survenue en 1931 à l’âge de 91 ans, il est resté un inébranlable philanthrope.

Comptes rendus dans la presse de la mort et des funérailles de Sibusawa en 1931.
Comptes rendus dans la presse de la mort et des funérailles de Sibusawa en 1931.

Suite > Une inflexible détermination

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