Exploration de l’histoire japonaise

La bataille de Sekigahara, le conflit qui changea le cours de l’histoire du Japon

Histoire

21 octobre 1600 : la bataille de Sekigahara a été un moment clef de l’histoire du Japon, marquant l’avènement du shogunat des Tokugawa, qui gouvernera pendant plus de 250 ans. Tokugawa Ieyasu et l’armée de l’Est ont remporté une bataille acharnée au cours de laquelle, chose plutôt inhabituelle, ce sont ceux qui n’ont pas combattu qui ont changé la donne.

Quand Naomasa prend les armes

Dans la nuit du 20 octobre, bravant l’obscurité et la pluie, Mitsunari conduit l’armée de l’Ouest hors du château d’Ôgaki. Aucune torche n’est allumée, la gueule des chevaux est muselée ; tout est fait pour éviter le moindre bruit. Les troupes font un détour pour que l’armée de l’Est ne remarque pas le mouvement des soldats alors qu’ils font route vers Sekigahara. Ieyasu ne tarde pas à apprendre, vers deux heures du matin, qu’ils ont quitté les lieux.

Il ordonne à l’armée de l’Est d’avancer, faisant fi de la pluie et de la boue jusqu’au champ de bataille fatidique.

Ii Naomasa, de l’armée de l’Est, mène la première action de la bataille. Fidèle à Ieyasu depuis 1575, il n’avait que peu d’expérience, mais s’était élevé grâce à ses nombreux succès au front.

Masanori devait agir en premier, Naomasa a donc désobéi aux ordres. D’autres seigneurs de la première ligne avaient également été des fidèles du clan Toyotomi, et dans ce groupe d’avant-garde, seul Naomasa était un vassal du clan Tokugawa.

Les armées de l’Est et de l’Ouest avaient formé leurs bataillons entre six et sept heures du matin. La pluie avait cessé, mais un épais brouillard recouvrait toujours la zone. Alors que les deux camps s’affrontaient, une cinquantaine de guerriers à cheval essayèrent de frayer à travers les troupes de Masanori à la tête de l’armée de l’Est : il s’agissait de Naomasa et ses hommes.

Lorsqu’on lui dit qu’il ne peut pas passer, il clame qu’il se trouve en compagnie de Matsudaira Tadayoshi, le quatrième fils d’Ieyasu, ajoutant que c’était sa première bataille, et donc qu’il voulait lui montrer à quoi ressemblait le front. Les guerriers continuent leur chemin, bien décidés à croiser le fer avec les 17 000 soldats de Ukita Hideie, l’armée opposée de l’Ouest.

Bien que Naomasa lui ait volé la vedette, Masanori ne s’est pas plaint après la bataille. Naomasa avait amené avec lui 3 000 hommes, mais il en laissa la plus grande partie derrière lui, ne retenant que les 50 soldats à cheval pour ce qu’il prétendait être du « repérage ». Masanori a peut-être pensé que, dans l’épais brouillard, Naomasa avait accidentellement rencontré l’ennemi et qu’il avait donc été contraint de combattre. Ces dernières années, certains chercheurs ont émis des doutes sur le fait que Naomasa et Tadayoshi aient réellement été les premiers à lever les armes à Sekigahara, mais dans ce cas, je suivrai l’opinion communément admise.

Ieyasu aurait été heureux que son fils et vassal du clan Tokugawa aient eux-mêmes déclenché la bataille.

Coup de théâtre et changement de camp

La bataille avait commencé mais en raison des manœuvres politiques d’Ieyasu, un grand nombre de soldats de l’armée de l’Ouest décidèrent de ne pas participer aux événements et de rester en marge, si bien que seulement moins de 40 000 hommes environ prirent les armes.

16 000 hommes de l’armée de Môri, entre autres, choisirent ainsi de se poster en tant qu’observateurs, sur les flancs du mont Nangû. Même si Môri Terumoto était le commandant général de l’armée de l’Ouest, il se trouvait au château d’Osaka le jour de la bataille, laissant à son fils adoptif Hidemoto la direction des troupes.

Hidemoto voulait se battre, mais Kikkawa Hiroie, le cousin de Terumoto, membre de l’avant-garde de l’armée, lui, s’y refusait, même si on le lui demandait. Lorsqu’il reçut des messages de la part de Mitsunari demandant à l’armée de se joindre à la bataille, Hidemoto ne put que prétexter que les troupes n’avaient pas encore fini leur repas, même s’il s’agit probablement d’une invention plus tardive.

D’autres daimyô des environs, témoins de l’inertie de l’armée de Môri, choisirent eux aussi de rester immobiles. Ainsi, environ 30 000 soldats ne participèrent pas au combat. Hiroie était déjà en communication secrète avec Ieyasu. Lorsqu’il apprend que Mitsunari lève une armée avec Terumoto pour chef, il tente de persuader son cousin de ne pas accepter, mais Terumoto finit par rejoindre l’armée de l’Ouest à Osaka.

Hiroie entretenait de bonnes relations avec Kuroda Nagamasa, qui lui servait d’intermédiaire pour faire savoir à Ieyasu qu’il s’agissait en fait d’un stratagème élaboré par l’un des vassaux de Môri, et que Terumoto n’avait donc rien à voir dans cette affaire. Ieyasu le crut. Plus tard, Hiroie continuera de communiquer en secret avec Ieyasu, tout en agissant en tant que membre de l’armée de l’Ouest. La veille de la bataille de Sekigahara, il aurait révélé tout cela à Hidemoto ainsi qu’aux principaux vassaux de Môri.

Sans demander la permission à Terumoto, Hiroie envoie des otages à Ieyasu et reçoit une promesse scellée dans le sang selon laquelle si la loyauté du clan Môri était claire, il pourrait conserver son territoire. La non-participation de Hiroie sur le champ de bataille faisait office de preuve de cette loyauté.

Malgré la participation de seulement la moitié des troupes, l’armée de l’Ouest livre un combat sans merci, si bien que les deux camps se retrouvent acculés pendant les premières heures. Ieyasu devait être anxieux de l’issue du combat. Si les soldats observateurs du clan Môri, entre autres, s’étaient jetés dans la mêlée à ce stade, il n’aurait eu aucune chance.

Kobayakawa Hideaki, un autre membre des forces de l’armée de l’Ouest, avait pris des engagements vis-à-vis d’Ieyasu, notamment qu’il changerait de camp. Cependant, ne joignant pas le geste à la parole, Ieyasu craint d’avoir été piégé et ordonne à des soldats munis d’armes à platine à mèche de tirer en direction de la montagne Matsuoyama où étaient stationnées les troupes de Hideaki, afin de « questionner » ce dernier sur ses desseins.

Portrait de Kobayakawa Hideaki, par Kurihara Nobumitsu. (Avec l'aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Portrait de Kobayakawa Hideaki, par Kurihara Nobumitsu. (Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

Le geste d’Ieyasu coupe court à l’indécision de Hideaki, dont l’armée dévale la montagne afin d’attaquer son allié Ôtani Yoshitsugu, rejoint par d’autres qui avaient eux aussi changé de camp au même moment. La destruction des forces d’Ôtani entraîne le déclin de l’armée de l’Ouest.

Cependant, selon une nouvelle théorie, Hideaki aurait combattu dès le début dans le camp de l’armée de l’Est. Que cette théorie soit vraie ou fausse, une chose est sûre ; en l’espace de quelques heures seulement, l’armée de l’Est remporte la bataille de Sekigahara. Le clan des Tokugawa allait désormais régner pendant plus de 250 ans.

De nombreuses armes à platine à mèche ont été utilisées lors de la bataille de Sekigahara. D’éminents commandants ont été victimes de leurs balles. Cette photo montre une arme à platine à mèche restaurée de 2,3 mètres de long, trouvée dans une maison de Sekigahara en avril 2001. (© Jiji)
De nombreuses armes à platine à mèche ont été utilisées lors de la bataille de Sekigahara. D’éminents commandants ont été victimes de leurs balles. Cette photo montre une arme à platine à mèche restaurée de 2,3 mètres de long, trouvée dans une maison de Sekigahara en avril 2001. (Jiji)

(Photo de titre : un paravent montrant une scène de la bataille de Sekigahara. Il s’agit de la partie droite d’une paire de paravent datant de l’époque d’Edo. Il représente dans son ensemble le champ de bataille vu depuis le sud, au début du combat. Avec l’autorisation du Musée d’art Watanabe, dans la préfecture de Tottori)

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