Exploration de l’histoire japonaise

L’élaboration de la première constitution du Japon : droits du peuple et inspirations occidentales

Histoire

Après avoir renversé le shogunat, le nouveau gouvernement de Meiji est vite confronté à la question des droits du peuple, au défi de l’instauration d’une assemblée nationale et d’une constitution. Dans cet article, nous allons décrire les différentes étapes et les manœuvres politiques qui, en deux décennies, ont accompagné l’élaboration de la constitution japonaise et permis qu’elle voie le jour en 1889.

Le système français versus le régime impérial

Le Mouvement pour la liberté et les droits du peuple connaît alors un pic d’activité sans précédent, afin de mener à bien leur constitution, ils multiplient les propositions qu’ils relayent au public par le biais de la presse.

Or ces projets de constitution n’émanent pas d’instances publiques, ils viennent d’organisations privées telles que la Kôjunsha (dont l’intellectuel Fukuzawa Yukichi fait partie), la Risshisha, ou sont même portés par de simples personnalités comme Ueki Emori ou Chiba Takusaburô.

Influencé par le modèle français, le projet de constitution de Ueki est particulièrement radical. Il prône l’instauration d’un système monocaméral et incorpore le droit à la résistance ou à la révolution au cas où les dirigeants ou le gouvernement sont en faute. La plupart des autres projets de constitution d’initiative privée préfèrent le modèle britannique, sa monarchie constitutionnelle et ses deux organes législatifs.

Entre-temps, le Genrôin a aussi travaillé de son côté au projet officiel. Cette mouture portée par le gouvernement est achevée en 1880, mais elle sera mise de côté car Iwakura, les conservateurs et la cour impériale s’y opposent. À l’époque, le pouvoir est entre les mains des membres du gouvernement qui estiment qu’il est trop tôt pour que le Japon se dote d’une constitution et que le régime impérial direct est plus adapté. Pourtant sur ce point Itô partage les idées de son rival Ôkuma, ils défendent tous deux le modèle de la monarchie constitutionnelle et d’un système bicaméral.

Maintenir le pouvoir de l’empereur : la version allemande

Le gouvernement s’était engagé à instaurer une assemblée nationale avant la fin 1890 et à promulguer une constitution qui servirait de base à l’ensemble du système constitutionnel. Itô se rend en Europe en 1882. Son voyage, qui dure plus d’un an, l’emmène dans de nombreux pays, en Allemagne, en Autriche, en Grande-Bretagne, en Russie, en France et en Italie. Il rencontre et converse avec des universitaires comme Rudolf von Gneist, Albert Mosse ou Lorenz von Stein, il s’entretient également avec le dirigeant allemand Otto von Bismarck et Lord Granville, homme d’État britannique .

Il comprend alors qu’une constitution de type prusso-allemande garantissant un pouvoir impérial fort conviendrait mieux au Japon.

À son retour au Japon en 1884, Itô crée le Bureau d’enquête sur les institutions. Cet organisme a pour mission d’étudier et de former les textes législatifs ainsi que les organes politiques nécessaires à l’établissement d’un gouvernement constitutionnel. Itô en prend la tête et s’entoure de collaborateurs comme Inoue Kowashi, Itô Miyoji et Kaneko Kentarô. Ils travaillent ensemble à la question de la nomination des fonctionnaires, de l’organisation du système administratif régional et du cabinet, ainsi qu’au problème de la loi sur la pairie.

Cette dernière loi permet de modifier les conditions d’accès à la pairie. Anciennement réservée aux daimyô (seigneurs) et aux kuge (aristocratie de cour), peuvent maintenant y prétendre les hauts fonctionnaires du gouvernement ou toute personne ayant contribué à la Restauration de Meiji. Itô est en train de jeter les bases à la constitution d’une Chambre des pairs à côté de la Chambre des représentants qui serait elle, élue par le peuple.

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