Exploration de l’histoire japonaise

Le Japon de Toyotomi Hideyoshi : l’État mis sous contrôle

Histoire Culture

Kawai Atsushi [Profil]

Après avoir mené à bien l’unification du Japon à la fin du XVIe siècle, Toyotomi Hideyoshi a pris fermement en main les rênes de l’État, en introduisant de nouveaux impôts, en instaurant un système de classes et en engageant des effectifs importants dans ses campagnes militaires contre la Corée.

Le prosélytisme chrétien

Au début, Hideyoshi, qui suivait la même ligne que Nobunaga en matière de politique étrangère, a maintenu la protection accordée à la chrétienté. Mais après avoir établi sa tutelle sur Kyûshû en 1587, il apprit que le daimyô chrétien Ômura Sumitada avait cédé Nagasaki à la Compagnie de Jésus, que des Japonais avaient été vendus comme esclaves outre-mer et que des chrétiens avaient détruit des sanctuaires et des temples. C’est alors que Hideyoshi ordonna l’expulsion des missionnaires. Il n’en restait pas moins favorable à la poursuite des échanges commerciaux avec les Européens, si bien que la loi n’a pas été rigoureusement appliquée, et les activités des missionnaires n’ont pas tardé à reprendre. Puis, en 1596, des marins espagnols du San Felipe – qui s’était échoué sur le littoral de Tosa (actuel département de Kôchi) – témoignèrent que l’Espagne se servait de ses missionnaires pour conquérir de nouveaux territoires. L’année suivante, 26 missionnaires et fidèles chrétiens capturés sur les ordres de Hideyoshi furent exécutés à Nagasaki.

Le Monument des Vingt-Six Martyrs, dressé à Nagasaki à la mémoire des victimes exécutées en 1597. (photo : Pixta)
Le Monument des Vingt-Six Martyrs, dressé à Nagasaki à la mémoire des victimes exécutées en 1597. (photo : Pixta)

Des ambitions territoriales coûteuses en vies humaines et en argent

Nombre de daimyô et de marchands japonais avaient tissé des liens avec l’Asie du Sud-Est. Le décret contre la piraterie pris par Hideyoshi en 1588 témoignait de sa volonté de sécuriser les voies commerciales maritimes. Mais il nourrissait aussi de plus vastes desseins : conquérir la Chine, alors sur le déclin, et faire du Japon le pivot de l’ordre international en Asie. Il revendiqua la colonie portugaise de Goa, les Philippines sous contrôle espagnol et l’île connue des Japonais sous le nom de Kôzankoku (aujourd’hui Taïwan). Il demanda aussi un tribut à la Corée, en utilisant le clan Sô de l’île de Tsushima comme intermédiaire chargé de dire aux Coréens de servir de guides à ses troupes lors de leur passage en vue d’assaillir la Chine des Ming.

En 1592, quand la Corée rejeta ces demandes, Hideyoshi décida d’envahir la péninsule et envoya un corps expéditionnaire de 150 000 hommes à Busan. Alors que les troupes japonaises progressaient rapidement, la marine coréenne, conduite par l’amiral Yi Sun-sin, coupa leurs voies d’approvisionnement à l’aide de ses « bateaux-tortues », ainsi nommés pour leur cuirasse ressemblant à une carapace. Des volontaires coréens s’engagèrent dans la bataille et opposèrent une farouche résistance aux troupes japonaises. Quand les Ming envoyèrent à leur tour des renforts, la situation s’aggrava encore pour les Japonais, enferrés dans une guerre désormais sans issue. Un traité fut conclu, suivi d’une longue série de négociations.

Mais en 1597, Hideyoshi se lança dans une nouvelle campagne et envoya 140 000 soldats en Corée avec pour mission l’occupation du sud du pays. Cette fois encore ils s’embourbèrent. L’année suivante, la mort de Hideyoshi consécutive à une maladie mit un terme définitif à ces campagnes sur le continent. Les troupes japonaises se retirèrent, laissant derrière elles une Corée dévastée et décimée par la guerre, pour regagner un Japon lui aussi durement frappé par le tribut payé tant en vies humaines qu’en argent, sans parler de l’affaiblissement du pouvoir de Toyotomi Hideyoshi. Comme il avait contraint son neveu Hidetsugu, auquel il avait cédé sa place, à se suicider en 1595, il ne laissait à sa mort que Hideyori, âgé de cinq ans, comme héritier, tandis que les Cinq Grands Anciens exerçaient de facto le pouvoir.

Peinture représentant le daimyô Katô Kiyomasa en partance pour la Corée lors d’une campagne militaire. (Aflo)
Peinture représentant le daimyô Katô Kiyomasa en partance pour la Corée lors d’une campagne militaire. (Aflo)

Suite > Des changements culturels de grande ampleur

Tags

histoire culture guerre

Kawai AtsushiArticles de l'auteur

Né à Tokyo en 1965. Professeur invité à l’Université Tama. Achève son cursus doctoral en histoire à l’Université Waseda, puis mène ses travaux de recherche et d’écriture sur l’histoire tout en enseignant l’histoire japonaise dans le secondaire. Auteur de plus de 200 textes, dont les ouvrages récents Nihonshi wa gyaku kara manabe (Étudier l’histoire japonaise à rebours) et Isetsu de yomitoku Meiji ishin (Comprendre la restauration de Meiji via les théories dissidentes).

Autres articles de ce dossier