Exploration de l’histoire japonaise

Le Japon de Toyotomi Hideyoshi : l’État mis sous contrôle

Histoire Culture

Après avoir mené à bien l’unification du Japon à la fin du XVIe siècle, Toyotomi Hideyoshi a pris fermement en main les rênes de l’État, en introduisant de nouveaux impôts, en instaurant un système de classes et en engageant des effectifs importants dans ses campagnes militaires contre la Corée.

Accomplir le rêve de Nobunaga : unifier le Japon

En juin 1582, Oda Nobunaga, qui semblait sur le point d’unifier le Japon, fut trahi par son assistant Akechi Mitsuhide et contraint de se donner la mort au temple de Honnô-ji, près de Kyoto. Un autre de ses vassaux, qui allait entrer dans l’histoire sous le nom de Toyotomi Hideyoshi, attaqua Mitsuhide, le vainquit et mena finalement à son terme la tâche de Nobunaga.

Connu tout d’abord sous le nom de famille Hashiba, Hideyoshi serait le fils d’un ashigaru, ou fantassin. Il est né en 1537 dans la province d’Owari (actuelle préfecture d’Aichi), que contrôlait Nobunaga. Ses prouesses au service de ce seigneur de la guerre lui valurent de devenir l’un de ses assistants. À l’époque de la mort de Nobunaga, Hideyoshi venait de remporter une victoire contre les forces de Môri Motonari, dans l’ouest du Japon, à l’issue d’une bataille au cours de laquelle il avait détourné un cours d’eau pour inonder le château de Takamatsu. Il s’empressa de signer un armistice avant que Môri et ses hommes n’apprennent la mort de Nobunaga, puis fonça vers l’est pour affronter Mitsuhide, qu’il défit lors de la bataille de Yamazaki, près de Kyoto, juste 11 jours après la trahison de Honnô-ji. En 1583, il vainquit Shibata Katsuie, un autre assistant d’Oda, et construisit le château d’Osaka dans l’idée que cela servirait son projet de se faire reconnaître comme le successeur de Nobunaga.

Statue d’un guerrier à Nagahama, département de Shiga, commémorant la bataille de Shizugatake, qui se solda par la victoire de Hideyoshi sur Shibata Katsuie. (© Photo Library)
Statue d’un guerrier à Nagahama, préfecture de Shiga, commémorant la bataille de Shizugatake, qui se solda par la victoire de Hideyoshi sur Shibata Katsuie. (© Photo Library)

En 1585, Hideyoshi, qui avait vaincu le seigneur Chôsokabe Motochika et pris le contrôle de Shikoku, fut nommé kanpaku (régent). L’année suivante, l’empereur Go-Yôzei lui octroya le nom de clan Toyotomi. Une fois solidement établi avec le soutien de la cour impériale, il publia un décret interdisant les combats entre daimyô (seigneurs féodaux). En 1587, quand le clan Shimazu de Satsuma refusa de s’y soumettre, il le vainquit et prit le contrôle de Kyûshû. En 1590, il défit le clan Hôjô à Odawara, dans la région du Kantô, et étendit son emprise sur le nord-est du pays (la région du Tôhoku). Huit ans après la chute de Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi était parvenu à unifier le Japon.

Un régime dictatorial

L’économie reposait essentiellement sur le revenu de deux millions de koku (unité de mesure équivalant à environ 180 litres de riz) que le gouvernement Hideyoshi tirait des territoires sous son contrôle direct. Les ressources minières importantes qu’il avait acquises, telles que le site de production d’argent Iwami Ginzan, constituaient une source supplémentaire de revenus, et les riches marchands des villes nouvellement conquises, comme Kyoto et Osaka, apportaient eux aussi un soutien, notamment financier.

Politiquement parlant, le gouvernement était une dictature, même si Hideyoshi prenait conseil auprès de son frère cadet Hidenaga et du maître du thé Sen no Rikyû. Quand il transmit le titre de kanpaku à son neveu Hidetsugu, Hideyoshi s’attribua celui de taikô, ou régent à la retraite, tout en continuant d’exercer de facto le pouvoir. C’est seulement vers la fin de sa vie qu’il mit sur pied le conseil des Cinq Grands Anciens, constitué de puissants daimyô dotés d’un pouvoir décisionnel dans toutes les affaires d’État.

À partir de 1582, Hideyoshi a mené des enquêtes à des fins fiscales sur les territoires qu’il avait conquis et contrôlait directement, ou sur ceux aux mains de daimyô qui étaient ses vassaux. Jusque-là, ces enquêtes cadastrales, ou kenchi, s’appuyaient sur les rapports que les fermiers et les vassaux eux-mêmes fournissaient aux seigneurs sur leurs terres et leurs récoltes. Hideyoshi, qui n’acceptait pas cette façon de procéder, envoyait de tous côtés des hommes à lui effectuer sur les zones concernées des rapports détaillés, où figurait notamment un classement des champs et des terrains avoisinant les maisons d’habitation. Le calcul du rendement global à prévoir en koku se fondait sur la note – il y en avait quatre – attribuée aux champs dans ce classement. Auparavant, il était courant que plusieurs personnes se partagent les droits sur une parcelle, mais Hideyoshi a créé un registre foncier où étaient inscrits les noms des fermiers qui cultivaient réellement les parcelles. Cette formule, qui garantissait leurs droits de cultiver la terre, les assujettissait aussi à un impôt payé en riz et les contraignait à fournir des porteurs à l’armée en temps de guerre. Chaque village a été doté d’un registre foncier et le village est devenu l’unité d’imposition en riz. Au titre de ce pesant système fiscal, les autorités s’attribuaient les deux tiers de la récolte, ne laissant qu’un tiers au propriétaire de la terre.

La stratification des classes sociales

En 1591, une fois le pays tout entier sous son contrôle, Hideyoshi a exigé des daimyô qu’ils fournissent des registres fonciers et des cartes de leurs domaines. Ces documents ont servi de base pour le calcul des taux d’imposition en koku et celui des niveaux proportionnels de service dû à l’armée. Ce dispositif est resté en vigueur sous le shogunat d’Edo.

La célèbre « chasse aux sabres », ou katanagari, a été déclenchée par Hideyoshi en 1588, quand les paysans se sont vu interdire la possession d’armes telles que sabres, arcs, lances et armes à feu. Il était courant à l’époque qu’ils possèdent leurs propres armes, dont ils se servaient pour défendre leurs villages ou quand ils étaient mobilisés au service des daimyô. L’objectif de Hideyoshi était en fait de se prémunir contre les insurrections armées en cantonnant ces gens à leur métier d’agriculteurs.

Un décret de 1591 a interdit aux samuraïs de bas rang d’aller vivre en ville ou de se faire paysans, et aux paysans de s’engager dans une activité marchande ou artisanale. L’année suivante, un autre décret a instauré un recensement national de la population et des ménages selon les classes. Par l’effet cumulatif des enquêtes foncières, de la chasse aux sabres et de ces décrets, un système de classes a été solidement établi dans lequel il était désormais impossible de changer d’occupation. D’un côté les samuraïs, les marchands et les artisans vivaient dans les villes fortifiées et autres lieux de résidence, de l’autre les villages hébergeaient une population exclusivement paysanne. (La réglementation instaurant la séparation entre les samuraïs et les paysans est connue sous le nom de heinô bunri.)

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