Exploration de l’histoire japonaise

Oda Nobunaga, le seigneur qui rêvait d’unifier le Japon

Histoire Culture

Dans les remous d’une période charnière, le passage de la période Sengoku et de ses affrontements à une société stable et apaisée s’est joué autour de trois personnages : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu. La vie de ces grands hommes est décryptée pour nous par trois célèbres historiens qui mettront également en lumière les particularités de la société japonaise de l’époque. Ce premier volet sera consacré à Oda Nobunaga, le seigneur qui, après avoir conquis un territoire immense en un temps record, rêvait d’unifier le Japon.

Arrivée des Européens et des missionnaires chrétiens

Ôtomo Sôrin, en particulier, accorde sa protection au jésuite François Xavier, qu’il autorise à répandre la bonne parole dans sa province. C’est ainsi que de nombreux missionnaires s’installent les uns après les autres dans tout Kyûshû, où ils font croître la communauté chrétienne. En pleine période des grandes découvertes, l’Europe – en particulier à travers les marchands et hommes d’Église espagnols et portugais – se tourne vers le monde entier à la recherche de nouveaux débouchés et de nouvelles terres à évangéliser. Après avoir débarqué en Chine et en Asie du sud-est au XVIe siècle, les Portugais accostent à Tanegashima, au Japon, en 1543. Les armes à feu font alors leur entrée au Japon.

(Voir notre article : François Xavier et son prosélytisme à l’origine du christianisme au Japon)

Si les seigneurs de Kyûshû acceptent les missionnaires chrétiens, c’est parce qu’ils constituent une fenêtre ouverte sur les échanges commerciaux avec l’étranger, ce qui leur permet de se fournir en armes et autres biens précieux. Les navires portugais ne mouillaient pas dans les ports qui n’acceptaient pas les missionnaires. L’implication sociale des religieux, qui construisent écoles et hôpitaux, explique l’augmentation rapide du nombre de Chrétiens. Des attraits gastronomiques entrent également en ligne de compte, avec la découverte des gâteaux à base de sucre et d’œufs, comme le castella, et de la viande de bœuf. Des pratiques critiquées par les cadres bouddhistes en place, le bouddhisme interdisant la consommation de viande.

Un paravent Nanban dépeignant les échanges avec les étrangers à l’époque
Un paravent Nanban dépeignant les échanges avec les étrangers à l’époque (Paylessimages/Pixta)

Des alliances et des luttes

En 1567, après avoir annexé la province de Mino, Nobunaga s’installe au château de Gifu et libéralise le commerce dans la ville seigneuriale de Kanô. Les corporations et leur monopole sont démantelés, laissant désormais les commerçants libres d’exercer leur activité comme bon leur semble, et les impôts sont allégés. De plus, les routes menant au château sont aménagées et les postes de douane supprimés. La ville seigneuriale connaît alors un puissant élan économique.

À la même époque, Nobunaga commence à utiliser un sceau portant les mots tenkafubu, « unification des provinces ». Il affiche ainsi sa volonté d’unifier le Japon par les armes.

Sceau « tenkafubu » (Musée d’histoire de la préfecture de Hyôgo)
Sceau « tenkafubu » (Musée d’histoire de la préfecture de Hyôgo)

En 1568, il se rallie au shogun Ashikaga Yoshiaki, prend d’assaut Kyoto avec une importante armée et y restaure le shogunat de Muromachi, sous lequel il renforce son pouvoir. Dans le même temps, afin de contrer le pouvoir des factions bouddhiques, notamment des temples Hongan-ji d’Ishiyama et Enryaku-ji du mont Hiei, il accorde sa protection aux Chrétiens. Il invite d’ailleurs des missionnaires, comme Luís Fróis, à lui enseigner de nombreuses connaissances venues de l’Occident.

Cependant, le shogun Ashikaga Yoshiaki, en raison de différends avec Nobunaga, rallie divers seigneurs provinciaux contre lui. Nobunaga les renverse l’un après l’autre, avec l’appui, entre autres, de Hashiba Hideyoshi (le futur Toyotomi Hideyoshi) ou Akechi Mitsuhide, des hommes de basse condition mais de grande qualité qu’il a su choisir. Après avoir détruit le temple Enryaku-ji par le feu, il se débarrasse des seigneurs Azai Nagamasa et Asakura Yoshikage, coupant ainsi la voie au temple Hongan-ji d’Ishiyama. En 1573, Takeda Shingen lance depuis Kai une vaste attaque contre Nobunaga, mais, malade, il meurt en cours de route. Après de multiples dangers, Nobunaga chasse Yoshiaki de Kyoto et met finalement un terme au shogunat de Muromachi.

Les armes à feu changent le dénouement des batailles

L’arquebuse, apportée à Tanegashima par des étrangers en 1543, est désormais produite en masse, notamment à Kunitomo dans la province d’Ômi et à Sakai dans celle d’Izumi. Sa portée est d’à peine cent mètres et sa cadence de tir reste faible, ce qui en fait une armée peu adaptée au combat. Nobunaga va néanmoins changer la donne.

En 1575, avec Tokugawa Ieyasu, il combat contre Takeda Katsuyori, seigneur de la province de Kai et successeur de Takeda Shingen. Son armée, bien que réputée la plus forte de toutes, est défaite par Nobunaga et ses 3 000 arquebuses (d’autres hypothèses avancent un chiffre différent). C’est la bataille de Nagashino, au cours de laquelle Nobunaga a fait d’une arme peu efficace en soi un redoutable engin de guerre : un alignement massif d’arquebuses qui font feu à l’unisson. Il s’agit d’une immense avancée stratégique, qui donnera un rôle prépondérant à l’arme à feu dans les batailles subséquentes.

La « fête des bannières de la bataille de Nagashino », organisée tous les ans au mois de mai sur le site des combats en l’honneur des âmes des victimes des deux camps (office du tourisme de la ville de Shinshiro)
La « fête des bannières de la bataille de Nagashino », organisée tous les ans au mois de mai sur le site des combats en l’honneur des âmes des victimes des deux camps. (Photo avec l’aimable autorisation de l’Office du tourisme de la ville de Shinshiro)

Suite > L’assassinat de Nobunaga

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