Exploration de l’histoire japonaise

Oda Nobunaga, le seigneur qui rêvait d’unifier le Japon

Histoire Culture

Dans les remous d’une période charnière, le passage de la période Sengoku et de ses affrontements à une société stable et apaisée s’est joué autour de trois personnages : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu. La vie de ces grands hommes est décryptée pour nous par trois célèbres historiens qui mettront également en lumière les particularités de la société japonaise de l’époque. Ce premier volet sera consacré à Oda Nobunaga, le seigneur qui, après avoir conquis un territoire immense en un temps record, rêvait d’unifier le Japon.

Naissance d’un seigneur en temps de guerre

En 1534, année de naissance d’Oda Nobunaga, le Japon est plongé dans la période Sengoku (fin XVe – fin XVIe), celle des provinces en guerre. À l’est, après la guerre civile qui a éclaté en 1455 et duré trente ans, les conflits perdurent. À l’ouest, la guerre d’Ônin, déclenchée en 1467 autour de la succession du shogun Ashikaga Yoshimasa et de questions d’héritage du bras droit du shogun, dégénère en bataille rangée entre deux clans, à Kyoto.

La guerre d’Ônin dure onze années, à l’issue desquelles le pouvoir du shogunat est réduit à la province de Yamashiro, la partie méridionale de l’actuelle préfecture de Kyoto. Ici et là apparaissent alors des petits seigneurs qui s’arrogent des droits sur les terres : ce sont les seigneurs de guerre. Ils édictent leur propre loi, règnent sur leur territoire et leurs vassaux. Dans sa province, chacun règle les querelles, autorise les mariages, possède la mainmise sur les transactions foncières, prélève des impôts sur les paysans et interdit à la population de quitter le territoire. Ces mesures, visant à garantir la stabilité territoriale, concentrent le pouvoir entre les mains du seigneur, le daimyô.

Les seigneurs de guerre mettent en place un système de cadastre, registre de la surface des terrains déclarés par chaque vassal et des revenus qui en sont tirés. Le rendement des terres est exprimé par une unité uniformisée, le kan. Les vassaux, en échange d’un statut et de revenus assurés, sont tenus de fournir des armes et des hommes en fonction du nombre de kan dont ils bénéficient – et qui sert également à fixer l’impôt payé par le peuple.

Les seigneurs de guerre structurent par ailleurs leur réseau de vassaux en imposant la présence, chez les plus puissants, de samouraïs de bas rang. En temps de guerre, ces groupes forment les unités de combat, équipées de lances longues ou d’arquebuses. Ce système permet de constituer de puissantes armées de fantassins. Les villages participent à l’effort de guerre en fournissant des hommes pour le combat et le ravitaillement. À l’époque, il n’existe pas encore de distinction nette entre samouraïs et paysans.

Les seigneurs développent par ailleurs la riziculture et l’extraction de minerais – nombre de mines d’or et d’argent aménagées par leurs soins continueront à être exploitées à l’époque moderne. Pour faire progresser l’agriculture, les grands cours d’eau sont aménagés et l’irrigation encouragée. À Kai, dans la préfecture de Yamanashi, on peut encore voir « la digue de Shingen », construite par Takeda Shingen (1521-1573) à la confluence de deux rivières.

À gauche, le système hijiri-ushi mis au point par Takeda Shingen : cette construction en bois, placée sur les berges, permet de dévier le cours des eaux et d’irriguer efficacement, tout en empêchant les inondations (comité éducatif de la ville de Kai) À droite, la digue de Shingen
À gauche, le système seigyû mis au point par Takeda Shingen : cette construction en bois, placée sur les berges, permet de dévier le cours des eaux et d’irriguer efficacement, tout en empêchant les inondations. À droite, la digue de Shingen (Photos avec l’aimable autorisation du Comité éducatif de la ville de Kai)

Première unification de Nobunaga

Dans un tel contexte, voyons maintenant comment Oda Nobunaga, fils d’Oda Nobuhide, petit seigneur de guerre de la province d’Owari (ouest de l’actuelle préfecture d’Aichi), a pu agrandir son territoire à marche forcée afin d’unifier le Japon.

En 1560, le seigneur de la province de Suruga (centre de l’actuelle préfecture de Shizuoka), Imagawa Yoshimoto, envahit la province d’Owari, fort d’une armée de 40 000 hommes. Face à lui, Nobunaga ne dispose que de 2 000 soldats d’élite, mais il parvient à pénétrer au cœur du dispositif de Yoshimoto et le tue au combat (bataille d’Okehazama). Après cette victoire inespérée, Nobunaga noue avec son homologue de la province de Mikawa (est d’Aichi), Matsudaira Motoyasu – le futur Tokugawa Ieyasu –, une alliance qui lui permet de protéger son flanc est, avant d’entreprendre d’annexer, au nord, la province de Mino (sud de Gifu).

Dans le même temps, Môri Motonari, seigneur d’Aki (ouest de Hiroshima), Takeda Shingen, seigneur de Kai (Yamanashi), Hôjô Ujiyasu dans le Kantô et Ôtomo Sôrin à Kyûshû renforcent chacun leur pouvoir en envahissant les provinces voisines.

Le théâtre principal de la bataille d’Okehazama est aujourd’hui un parc qui abrite en son centre les statues d’Oda Nobunaga (à gauche) et d’Imagawa Yoshimoto
Le théâtre principal de la bataille d’Okehazama est aujourd’hui un parc qui abrite en son centre les statues d’Oda Nobunaga (à gauche) et d’Imagawa Yoshimoto. (Photo : Pixta)

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