Exploration de l’histoire japonaise

La révolution industrielle du Japon : rattraper les puissances occidentales

Histoire Culture

À partir de la Restauration de Meiji en 1868, le Japon a fait des progrès rapides pour s’industrialiser, en renforçant notamment ses réseaux de transport et de communication et en révolutionnant son industrie légère au tournant du siècle. Pourquoi cette modernisation et comment l’Archipel s’y est-il pris pour rattraper son retard par rapport aux grandes puissances ?

Se moderniser à tout prix pour se protéger

En 1871, le gouvernement Meiji récemment établi a cherché à conjurer l’effondrement redouté de son autorité naissante en supprimant les fiefs pour les remplacer par des préfectures subordonnées à la capitale. Auparavant, les quelque 270 domaines avaient chacun leurs forces militaires et leurs volontés politiques au sein d’un pouvoir décentralisé. Supprimer cette structure d’une traite était une forme de coup d’État. Les dirigeants de Meiji avaient décidé que leur gouvernement devait être le seul pouvoir politique du pays afin qu’il puisse accomplir la tâche urgente de construire un État moderne. Leur préoccupation la plus profonde était en effet la crainte que le Japon devienne une colonie sous le contrôle d’une des grandes puissances. Ce fut le sort d’une grande partie de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est, tandis que la Chine était contrainte de céder Hong Kong à la Grande-Bretagne en 1842 après avoir perdu la première guerre de l’opium.

En conséquence, les dirigeants japonais ont estimé que le pays devait se moderniser le plus rapidement possible, et accroître sa puissance économique pour renforcer ses forces armées et se protéger des invasions. C’est pourquoi de nombreux dirigeants japonais et des hauts responsables du gouvernement se sont lancés dans la mission Iwakura, un voyage d’observation et d’apprentissage aux États-Unis et en Europe, quelques mois seulement après le passage révolutionnaire au système des préfectures. La mission a également transporté de nombreux étudiants, et ses participants ont grandement contribué à la modernisation du pays à leur retour au Japon. (Voir notre article pour plus de détails : La mission Iwakura : quand le Japon est parti à la recherche de son propre avenir)

Trains, navires et lignes télégraphiques

À la même époque, le gouvernement Meiji a concentré ses efforts sur la promotion de l’industrie et l’introduction de formes modernes d’entreprise dans le but de favoriser un capitalisme japonais.

L’une des premières étapes a été de balayer le système féodal des postes de contrôle internes, des anciennes postes et des guildes de marchands, qui étaient considérés comme des obstacles au développement industriel. La nouvelle infrastructure comprenait la première ligne télégraphique entre Tokyo et Yokohama en 1869. Cinq ans plus tard, le réseau télégraphique s’étendait de Nagasaki à Hokkaidô, tandis qu’une ligne sous-marine connectait Nagasaki à Shanghai. En 1871, un service postal moderne remplace l’ancien système de messagerie, et des bureaux de poste sont établis dans tout le pays, vendant des timbres et des cartes postales à des prix fixes. En 1877, le Japon rejoint l’Union postale universelle, reliant son service postal au monde. Elle importe ses premiers téléphones la même année.

Un service ferroviaire se met en place entre Tokyo et Yokohama en 1872. Cette route initiale dépendait grandement de l’aide britannique, puisque cette grande puissance européenne a fourni alors le financement, les voitures de train et même l’ingénieur civil en chef Edmund Morel. En 1874, une nouvelle ligne relie Kobe à Osaka, qui est reliée à son tour à Kyoto en 1877. Au tournant du siècle, le réseau s’étend sur l’ensemble du Japon. Le gouvernement a également investi dans la modernisation des principales routes du pays, permettant un transport de marchandises par charrettes et autres véhicules.

Une copie illustrant les débuts du premier service ferroviaire du Japon, allant de Shinbashi (Tokyo) à Yokohama, en 1872. Utagawa Hiroshige III, 1872. (Avec l’aimable autorisation du Musée d'histoire locale de Minato City.)
Une estampe illustrant les débuts du premier service ferroviaire du Japon, allant de Shinbashi (Tokyo) à Yokohama, en 1872 (Utagawa Hiroshige III, 1872). (Photo avec l’aimable autorisation du Musée d’histoire locale de l’arrondissement de Minato)

Le soutien ferme du gouvernement à la société privée Mitsubishi a permis de garantir que le transport maritime japonais puisse rivaliser avec les sociétés occidentales. Accorder des privilèges spéciaux à des organisations japonaises spécifiques était une façon pour les dirigeants de Meiji de promouvoir l’industrie moderne. Des entreprises comme Mitsui et Ono ont également été des bénéficiaires notables.

Le gouvernement a de même créé et exploité de nombreuses usines et établissements dans des domaines comme l’industrie légère et l’agriculture pour stimuler le développement de l’industrie privée. Dans le secteur industriel, on compte la verrerie Shinagawa, la filature Aichi, la cimenterie Fukagawa et la brasserie Sapporo. Le plus célèbre exemple est peut-être la filature de soie de Tomioka (dans la préfecture de Gunma), qui est maintenant un site du patrimoine mondial de l’Unesco. Il a été construit en 1872, intégrant 300 bobineuses de soie de dernière génération, importées de France. Paul Brunat dirigeait alors une équipe de techniciens français, principalement des femmes, qui supervisaient les opérations et formaient les travailleurs japonais. À leur tour, ces travailleurs ont transmis leurs connaissances dans des usines à travers le pays. (Voir notre article lié : La naissance d’un prestigieux bâtiment franco-japonais : la filature de soie de Tomioka, inscrite au patrimoine mondial)

Une image de l'usine de soie de Tomioka dans la préfecture de Gunma. Utagawa Kuniteru II, 1873. (Gracieuseté de la Bibliothèque nationale de la Diète)
Une illustration de la filature de soie de Tomioka, dans la préfecture de Gunma (Utagawa Kinuteru II, 1873). (Photo avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de la Diète)

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