Shodô, l’art de la calligraphie au Japon
« La lumière de la lune » : Kanazawa Shôko expose ses impressionnantes calligraphies
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Atteinte du syndrome de Down, ou trisomie 21, Kanazawa Shôko a commencé l’apprentissage de la calligraphie à l’âge de cinq ans auprès de sa mère, Yasuko, qui dirigeait un cours de calligraphie. Son exposition solo Tsuki no hikari (« La lumière de la lune »), a présenté une sélection de ses œuvres depuis son enfance jusqu’à aujourd’hui. Elle s’est tenue entre fin 2021 et janvier 2022 au 52e étage du bâtiment Roppongi Hills, dans le quartier de Roppongi à Tokyo.
L’exposition est structurée autour de trois thèmes : « Départ », « Indépendance » et « Saut ». La première moitié retrace les quinze années écoulées depuis sa première exposition solo à l’âge de 20 ans, la seconde partie est une collection de ses œuvres d’art contemporain.
Depuis ses débuts, Shôko a calligraphié et dédié ses œuvres dans de nombreux lieux remarquables, comme le temple Tôdai-ji ou le Hôryû-ji. Les commandes sont tellement nombreuses qu’elle a visité à ce jour plus de 1 200 endroits au total tant au Japon qu’à l’étranger. Son œuvre compte à ce jour 170 paravents à quatre feuillets.
L’une de ses œuvres la plus célèbre est « Dieux du vent et dieux du tonnerre », dédiée au temple Kennin-ji à Kyoto. Bien que cette œuvre ait été réalisée sans avoir vu le célèbre paravent « Les dieux du vent et du tonnerre » (Fûjin Raijin zu) peint par Tawaraya Sôtatsu, un maître de la peinture japonaise du début du XVIIe siècle, Shôko a surpris tout le monde en retrouvant spontanément la même composition. Dans cette exposition, les deux œuvres peuvent être admirées côte à côte.
Parmi plus d’une cinquantaine de pièces exposées, la plus frappante est sans doute l’immense « Lumière dans le cœur, lune dans le ciel nocturne », toute récente, tracée avec un pinceau de 20 kg sur une feuille de papier de 4 m de haut sur 15 m de large.
Les autres œuvres comprennent un large éventail de sutras, à commencer par le « Sutra du cœur » écrit alors qu’elle avait dix ans, des extraits d'œuvres littéraires et une nouvelle « série d’idéogrammes seuls » qui s’apparente à de l’art contemporain et est présentée dans l’environnement de sa création.
Comme le déclare sa mère, Yasuko : « Shôko a évolué sans que je le sache. Personnellement, j’ai été formée à la calligraphie traditionnelle, donc je n’ai pas aimé sa calligraphie récente. Encore une fois, je l’ai grondée et je l’ai fait pleurer. Mais quand j’ai vu la réalisation finale, elle était moderne et actuelle, et j’ai réalisé qu’elle avait évolué au-delà de mon imagination. »
Collaboration avec un célèbre musicien pop
Deux calligraphies à partir de messages de Fukase du groupe Sekai No Owari sont également dignes d’intérêt : Fukase était un camarade de classe de Shôko jusqu’en troisième année dans une école primaire de l’arrondissement d’Ôta à Tokyo. Shôko lui a demandé d’écrire quelques mots sur le thème de l’exposition, Tsuki no Hikari (« Lumière de la Lune »), et il lui a donné le vers : « Ta lumière illumine le chemin dans la nuit ».
Pour l’autre, il a choisi un couplet de sa chanson Ginga-gai no akumu (« Cauchemar dans la rue de la Voie Lactée »), un poème écrit dans son adolescence pendant une période de grande détresse.
Parce que nous rêvons de demain, aujourd’hui ne bouge pas
Une seule personne peut nous faire avancer, c’est nous-mêmes
Tu le sais bien
Sois fort camarade
Sur la calligraphie de Shôko, Fukase a fait le commentaire suivant :
« La calligraphie de Shôko possède l’aura d’une merveille de la Nature. Elle a la cruauté d’une catastrophe naturelle, mais aussi la chaleur d’une rencontre en face à face. »
Fukase n’est pas seulement un musicien, c’est aussi un artiste aux multiples talents qui dessine, publie des albums illustrés et fait du théâtre.
« C’est le travail des créateurs de donner une nouvelle interprétation à des choses ordinaires. C’est incroyable la quantité d’émotion que l’on peut mettre dans un mot écrit. »
Shôko vit seule depuis sept ans maintenant
Shôko vit seule depuis sept ans maintenant. Elle a une machine à courir dans son appartement et a réussi à perdre 12 kilos. Au début, Yasuko pensait qu’il lui serait impossible de vivre seule, mais elle est émerveillée par les nombreux talents que Shôko a développés.
« Elle cuisine en regardant des recettes sur YouTube. Elle n’utilise ni mesures ni balance, elle se fie à son intuition et c’est excellent. Son poulet tandoori est incroyablement bon ! »
Elle maîtrise également la tablette à la perfection. Lorsqu’elle tombe sur un piano de rue, elle en joue de façon spectaculaire, dans un style qui n’appartient qu’à elle. Lorsqu’elle a collaboré avec un groupe de rock, elle a improvisé une danse qui lui a valu une ovation. (Voir notre article : La vie au quotidien de Kanazawa Shôko)
Comme le dit Shôko dans le guide de l’exposition qui s’étend pendant dix-huit jours à cheval sur fin 2021 début 2022 :
« Je me retourne sur le chemin parcouru, et je prends mon élan pour le prochain saut qui m’attend. Que le chemin devant soit rempli d’émotion, d’énergie et de bonheur pour tout le monde. Qu’il y ait de l’espoir même dans les larmes. Qu’il y ait une lumière dans la nuit. »
De fait, la lumière de Kanazawa Shôko emplit le lieu, éclairant le chemin des visiteurs avec la même douceur qu’un clair de lune.
(Toutes les photos sont de Nippon.com)