Les fruits japonais : le goût de la perfection

« Yuzu », « sudachi » et « kabosu » : un zeste d’agrume qui transforme la cuisine japonaise

Gastronomie

L’hiver et le début du printemps sont les périodes parfaites pour apprécier de bons petits plats qui rechauffent le corps. Au Japon, la cuisine de saison met à l’honneur de nombreux agrumes essentiels pour relever la saveur d’un mets. Il s’agit notamment des kôsan kankitsu, ou agrumes aigres. Le Japon en compte plus de 60 variétés extrêmement acides. Partons à la découverte de ces fruits, petits par leur taille mais grands par leur importance dans la cuisine japonaise.

Révélateur de saveurs

C’est à l’arrivée des saisons froides que mûrissent les kôsan kankitsu. Passant du vert profond au jaune ou à l’orange, ils commencent à apparaître sur les étalages au début de l’automne. À l’origine, de par leur acidité, ces agrumes portent le nom de sumikan (oranges à vinaigre), mais ils sont maintenant plus communément appelés kôsan kankitsu. Il en existerait aujourd’hui plus de 60 variétés au Japon. La chair de ces fruits, comme le yuzu, le sudachi ou encore le kabosu, est beaucoup trop acide pour être consommée telle quelle. Mais le zeste de ces fruits ou leur jus, riche en arôme, est parfait pour souligner la saveur de certains plats, à la manière du citron ou du citron vert en Occident. À ce titre, ces petits fruits ont une place à part entière dans la cuisine japonaise traditionnelle.

Autant de variétés que d’utilisations différentes. Le yuzu, considéré comme le roi des agrumes aigres par excellence, vient apporter des arômes infinis à des soupes et des bouillons qui sans lui seraient insipides ou à qui manquait juste la touche finale. Le sudachi, lui, se mariera parfaitement avec des champignons matsutake, véritable star de l’automne. Le kabosu, particulièrement acide, se retrouve souvent sur des assortiments de sashimi de poisson fugu. Les kôsan kankitsu peuvent aussi venir agrémenter une vinaigrette ; ajoutez quelques gouttes de leur jus à de l’huile d’olive, sel, poivre et le tour est joué ! L’acidité de ces agrumes permet de donner du relief à un plat, mettant l’eau à la bouche de n’importe quelles papilles.

Maquereau d'Okhotsk avec sudachi (à gauche) et sashimi de poisson globe fugu avec sauce de soja et kabosu (© Pixta)
Maquereau d’Okhotsk avec sudachi (à gauche), et sashimi de poisson fugu avec sauce soja et kabosu (photo : Pixta)

Chez le primeur en vente directe. Dans le sens des aiguilles d'une montre, en bas à gauche : citrons verts, sudachi, kizu (© Nippon.com)
Chez le primeur en vente directe. À droite : (dans le sens des aiguilles d’une montre, en bas à gauche) citrons verts, sudachi, kizu (photo de Nippon.com)

Si ce ne sont pas des ingrédients principaux, ces fruits jouent un rôle essentiel dans la cuisine japonaise. Quelques gouttes de leur jus ou une fine tranche de leur zeste suffisent pour transformer un plat. Selon le professeur Yoshida Munehiro de l’Université du Kansai, leur jus a longtemps été utilisé à la place du vinaigre et dans les régions reculées où le poisson frais était rarement disponible, il servait de conservateur naturel pour prévenir les intoxications alimentaires dues aux viandes animales périssables, ainsi que pour occulter leur saveur désagréable et améliorer leur goût.

Ces petits fruits ont décidément tout pour plaire, puisqu’ils sont également très nutritifs. Ils vous permettront de faire le plein de vitamines C et s’ils sont si rafraichissants, c’est parce qu’ils sont riches en acides citriques et maliques, ainsi qu’en acides aminés. Quant aux zestes de ces fruits, ils contiennent des huiles essentielles comme le limonène et toute une gamme d’arômes qui confèrent à chaque variété une saveur unique.

Dans la préfecture de Kôchi, les sushis sont préparés avec du vinaigre au yuzu plutôt qu'avec le vinaigre de riz habituel, alors que dans la préfecture de Tokushima, ce vinaigre est généralement parfumé au sudachi. De gauche à droite : jus de yuzu, jus de sudachi, jus de kabosu (© Nippon.com)
Dans la préfecture de Kôchi, les sushis sont préparés avec du vinaigre au yuzu plutôt qu’avec le vinaigre de riz habituel, alors que dans la préfecture de Tokushima, ce vinaigre est généralement parfumé au sudachi. De gauche à droite : jus de yuzu, jus de sudachi, jus de kabosu (photo de Nippon.com)

Ponzu : la sauce qui ne manque pas de punch

Chaque agrume peut être utilisé différemment explique Asami Kenji, chef et propriétaire du restaurant de cuisine traditionnelle Ginza Asami, dans le quartier de Tsukiji à Tokyo. « Le kabosu se conserve toute l’année. Il vient agrémenter les sashimi, le poisson grillé et les plats contenant des champignons matsutake. Je fais aussi des yuanji, des tranches de yuzu conservées dans du saké, du mirin et de la sauce soja ; c’est parfait pour parfumer les plats grillés J’incorpore également des zestes de yuzu dans les soupes et les flans salés chawan-mushi. Je mélange le kabosu avec de la sauce soja en accompagnement des sashimi de poisson fugu. Le daidai (orange amère) quant à lui, est assez subtil, donc j’ai l’habitude de le mélanger à la sauce soja ».

C’est cette complémentarité avec la sauce soja qui fait des kôsan kankitsu l’ingrédient idéal pour la sauce ponzu. Au Japon, chaque région a une version différente de la sauce ponzu, laquelle associe des jus d’agrumes acidulés à des arômes comme la sauce soja ou le bouillon dashi. En ce qui concernent son étymologie, le nom ponzu vient en fait de pons un terme néerlandais ancien, qui lui-même vient de la même racine que le mot punch en anglais. Le ponzu, dans sa forme initiale, était une boisson hollandaise à base de jus d’agrumes, de sucre, d’épices et d’alcool. Au Japon, le mot ponsu a été utilisé pour la première fois en 1884 et désignait alors n’importe quel jus d’agrumes. Aujourd’hui, le ponzu a fait du chemin et se retrouve pratiquement partout dans la cuisine japonaise, dans toutes sortes de plats. Que ce soit le mizutaki (poulet non désossé cuit à l’étouffée avec des légumes) ou les plats de shabu-shabu, les sashimi, les plats de tofu, le poisson grillé, les plats à la vapeur… le ponzu est partout. Utilisé tel quel, c’est aussi une excellente sauce pour les salades.

Les variations régionales sont souvent très révélatrices des spécialités locales. À Kyoto, ville connue pour l’élégance de sa gastronomie, il n’est pas rare de voir du ponzu parfumé au daidai venir agrémenter des plats kaiseki. Mais à Osaka, ville connue pour sa cuisine aux saveurs beaucoup plus prononcées, on préfère le ponzu au sudachi, aux arômes plus forts en bouche.

Des rayons de supermarché proposant différentes variétés de ponzu : yuzu, naoshichi, gingembre et sel (© Nippon.com)
Des rayons de supermarché proposant différentes variétés de ponzu : yuzu, naoshichi, gingembre et sel (photo de Nippon.com)

De la généalogie

Il y a seulement deux ans, des analyses génétiques ont permis à l’Organisation nationale de recherche agronomique et alimentaire (ONRA) de déterminer la variété du fruit parent à l’origine des 67 kôsan kankitsu recensés au Japon. Selon le chercheur principal Shimizu Tokurô, il s’agit de la mandarine kishû (kishû mikan). La variété la plus couramment cultivée, le unshû mikan, ou mandarine Satsuma, est issu d’un croisement entre la madarine kishû et le kunenbo.

Et ce n’est pas tout. Le kabosu et le sudachi sont eux aussi le résultat de croisements. Le premier entre les variétés unshû mikan, kunenbo et yuzu, et le second entre le yuzu et une autre variété inconnue. En d’autres termes, le kabosu et le sudachi sont tous deux issus d’un croisement avec le yuzu. Pourtant, chacun d’eux a des arômes, des saveurs et des textures très différents.

Abondance de la production de yuzu

Honjô Hiroshi qui travaille à Tokyo Seika, le plus grand négociant en fruits du Japon, est chargé des achats de kôsan kankitsu. Il explique que moins de 30 % des agrumes acides sont vendus entiers, en raison de la présence d’épines pointues sur leurs arbres et ainsi de la difficulté de les stocker sans endommager leur écorce. Environ 80 % de tous les fruits récoltés sont donc commercialisés sous forme de jus ou de desserts. Avec des récoltes plus de quatre fois supérieures à celles des sudachi et des kabosu, le yuzu est de loin le plus répandu. Cependant, comme le montre le graphique ci-dessous, les rendements annuels de ces agrumes ne sont jamais garantis et alternent bonnes et mauvaises récoltes.

Le yuzu de la préfecture de Kôchi, le sudachi de Tokushima, le kabosu d’Ôita et le shîkuwâsâ d’Okinawa ont tous avec succès trouvé leur place parmi les spécialités locales. Leur jus, leur zeste, leur chair et même leurs pépins servent à la production de bonbons, de liqueurs, de sauces et d’aliments transformés. Chose plus étonnante, on les retrouve également dans du maquillage et dans des épices. Avec le vieillissement des agriculteurs locaux et un fort déclin démographique dans les régions rurales, cette nouvelle utilisation redonne un nouveau souffle aux économies locales.

Suite > Yuzu, sudachi, kabosu : quelles sont leurs différences ?

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