Ultraman, un super-héros national intemporel

La série Ultraman Blazar a débuté en juillet 2023, portant à plus de 40 le nombre total de séries et films produits et diffusés en près de 60 ans. Le précédent produit de la licence, le film Shin Ultraman, sorti en 2022, a d’ailleurs connu un succès retentissant, rapportant plus de 4 milliards de yens (26 millions d’euros) au box-office.

Ultraman Blazar. La série sera distribuée simultanément en version doublée en anglais, et en langues locales en Chine, Hong Kong, Taïwan, Thaïlande et Indonésie © Comité de production d’Ultraman Blazar/TV Tokyo

Shin Ultraman, le film, est sorti en 2022. © Comité de production de Shin Ultraman

Des monstres « occupent » l’archipel japonais

L’histoire des « Ultra series » commence avec Ultra Q en janvier 1966, produit par Tsuburaya Productions. Dans Ultra Q, il n’y avait pas de super-héros géant, mais un pilote privé, son assistant et une journaliste photographe qui rencontraient des monstres et des incidents inexplicables. Ultraman est la série suivante, à partir de juillet de la même année.

Les trois personnages principaux d’Ultra Q. Le concept était d’abord celui d’une série sur les phénomènes étranges remarqués par les trois amis, mais a rapidement bifurqué sur une série centrée sur les monstres. © Tsuburaya Productions

Ultraman libère sa technique spéciale, le « Specium Ray ». La série a atteint un taux d’audience de 42,8 %, ce qui en fait le plus grand succès de toutes les séries Ultraman à ce jour. © Tsuburaya Productions

Avant le début de la série, les monstres tels que Godzilla, Radon et Mothra étaient des êtres spéciaux que l’on ne voyait qu’une ou deux fois par an au cinéma. Quand ils sont apparus à la télévision à un rythme hebdomadaire, le succès fut tel qu’un boom de monstres s’en ensuivit parmi les jeunes téléspectateurs.

Plusieurs programmes TV ont attrapé la tendance au vol. Sans compter les grands studios de cinéma qui se sont tous lancés dans la réalisation de films de monstres. C’est ainsi que la culture des monstres et les programmes de super-héros tokusatsu se sont imposés dans la culture enfantine.

Tsuburaya Productions a produit d’autres séries jusqu’en 1968, telles que Ultra Seven, dépassant à plusieurs reprises des taux d’audience de 30 %, ce qui la rendait bien plus populaire que les productions concurrentes.

Le nouveau boom d’Ultraman

Le boom des monstres a commencé à décliner en 1968 et la série a été suspendue après Ultra Seven. Les programmes de télévision pour enfants se concentraient à présent sur des séries sportives, telles L’étoile des Giants et Ashita no Joe. Cependant, même pendant cette période, les épisodes de la série Ultraman produits les années du boom ont été rediffusés à plusieurs reprises, avec des taux d’audience stables.

En 1970, Ultra Fight, une série de compilation de cinq minutes de scènes de combat tirées d’Ultraman et Ultra Seven connut un grand succès. Jusqu’en 1971, 195 épisodes furent diffusés. Puis vint une nouvelle production Le retour d’Ultraman, et l’effervescence se fit de nouveau autour des monstres.

Le Retour d’Ultraman, épisode 6 © Tsuburaya Productions

Le phénomène est en lui-même exceptionnel : il est rare en effet qu’une production de télévision ait suffisamment d’impact pour raviver une popularité qui s’est étiole. Les créateurs du boom des monstres n’avaient pas compris à quel point le personnage d’Ultraman était fermement ancré dans la culture des enfants.

Le premier « super-héros géant qui se transforme » au monde

Le concept gagnant d’Ultraman est celui du premier « super-héros géant qui se transforme » au monde. Auparavant, les super-héros tels que Moonlight Mask, influencés par le Superman américain, étaient des héros grandeur nature en costume plutôt qu’à transformation.

Les créateurs d’Ultraman ont créé le personnage par tâtonnements successifs, car ils n’avaient aucun précédent à suivre. Au centre de ce processus s’est trouvé Kinjô Tetsuo, âgé de 28 ans à l’époque. Il a minutieusement mis au point un format dans lequel les super-héros qui apparaissaient dans chaque épisode de la série combattaient une grande variété de monstres. Le fait que la série était en couleur, une nouveauté à l’époque, a également contribué à sa popularité.

Red King (à gauche) et Chandler dans l’épisode 8 d’Ultraman. Les noms amusants des monstres faisaient aussi partie intégrante de leur popularité. © Tsuburaya Productions

Ultraman combat l’extra-terrestre Mephilus dans l’épisode 33 d’Ultraman. © Tsuburaya Productions

Pour que les enfants aient du courage

Le squelette du scénario est extrêmement simple. Chaque épisode se déroule de manière identique : un incident mystérieux se produit, des monstres ou des extraterrestres apparaissent, l’équipe de recherche scientifique spéciale est envoyée pour les combattre mais se trouve en difficulté. Ultraman apparaît et vainc les monstres grâce à ses techniques extraordinaires. Cependant, les créateurs de la licence n’ont pas voulu en faire un simple drame du bien contre le mal, et n’ont pas oublié d’ajouter un petit « quelque chose » qui resterait dans l’esprit des enfants.

Dès le premier épisode, « Ultra Operation No. 1 », Ultraman, originaire de la nébuleuse M78, à trois millions d’années-lumière de la galaxie, est membre des Space Guards, les gardiens de la paix de l’univers. Il arrive sur Terre à la poursuite de Bemmler, le voyou de l’espace, mais tue accidentellement un membre de l’escouade des forces spéciales, Hayata. Là, il donne alors sa vie à Hayata et tous deux ne font plus qu’un.

Le mystérieux personnage de l’espace, Ultraman a donc franchi la frontière entre la vie et la mort. Dans le dernier épisode, « Farewell Ultraman », le gardien de l’espace Zofie s’envole vers la Terre depuis la nébuleuse M78 avec deux vies.

Kinjô est né à Okinawa. Okinawa est une terre où s’enracine une vision unique de la vie et de la mort, où la frontière entre ces deux mondes est perméable. La forme du récit s’enracine dans l’identité okinawaïenne de Kinjô.

La vie est également un mot-clé dans le deuxième épisode : « Abattez les envahisseurs ». Les Baltan (dont le nom est une déformation de celui de Sylvie Vartan) sont des extra-terrestres mystérieux qui n’ont aucune notion de la vie. Ils ont réduit leur corps à la taille d’une bactérie et se déplacent dans des vaisseaux spatiaux. Le film montre la planète Baltan, détruite par les essais nucléaires d’un savant fou, ce qui constitue une mise en garde des créateurs du film contre le scientisme à outrance.

Avec son esthétique très pensée, son développement dramatique satirique et sa thèmatique qui résonne avec l’environnement mondial et les problèmes sociaux, c’est une œuvre d’un haut degré d’achèvement qui peut être appréciée par les adultes.

Jamila apparaît dans l’épisode 23 d’Ultraman. Terrien d’origine, il a dû faire un aterrissage en catastrophe sur une planète où il s’est transformé en monstre, victime de la course à l’espace. © Tsuburaya Productions

Lorsque Ultraman a été produit dans la deuxième moitié des années 1960, le mouvement étudiant contre la guerre du Vietnam était en pleine effervescence. Au même moment, le Japon connaissait une période de croissance économique rapide et les Japonais regardaient vers l’avenir et vivaient dans l’espoir. Cet enthousiasme a sans aucun doute eu un impact. Les enfants ont pris courage en voyant des héros géants se dresser dans un avenir radieux.

Les frères Ultraman au complet dans le film Ultraman Mœbius & les Ultraman Brothers (2006). © Ultraman Mœbius & les Ultraman Brothers

Des Ultraman nouvelle génération dans Ultraman New Generation Stars, diffusé à la télévision à partir de janvier 2023 © Tsuburaya Productions

(Photo de titre : Baltan [à gauche] est apparu pour la première fois dans le deuxième épisode d’Ultraman : « Abattez les envahisseurs ». Il est sans conteste le plus populaire de tous les monstres d’Ultraman. © Tsuburaya Productions)