Le Pays de Cocagne des « kyara »
Kumamon, ambassadeur de bonne volonté de Kumamoto, fait ses débuts dans le monde entier
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Les VIP du monde entier ont l’œil sur Kumamon
Si les huîtres de Kumamoto sont particulièrement appréciées des habitués des bars à huîtres de New York, les étrangers ont bien plus de chance d’avoir déjà entendu parler de Kumamoto grâce à sa mascotte, Kumamon.
Kumamon est un yuru-kyara. L’expression est l’abréviation du terme japonais yurui, prenant ici la signification de « relaché, tranquille », et du terme anglais character, pour « personnage ». Un yuru-kyara est créé pour la promotion de communautés ou d’entreprises locales. Il y a une dizaine d’années, ces mascottes ont poussé au Japon comme les pousses de bambou après la pluie. Mais Kumamon est le seul à avoir eu un succès au-delà des frontières.
Kumamon est une véritable star. Caroline Kennedy, ancienne ambassadrice des États-Unis d’Amérique au Japon, l’a présenté lors de sa fête de départ. Laurent Pic, ambassadeur de France au Japon, l’a invité à une fête de Nouvel An. Les ambassadeurs d’Australie, de Chine, de Corée du Sud se sont fait prendre en photo à ses côtés…
Kumamon a visité plus de vingt pays et territoires dans le monde. C’est un habitué de la Japan Expo de Paris, et il a déjà participé au Festival de Honolulu. Il est également très populaire auprès de la communauté des descendants de Japonais au Brésil (les nikkeijin). Et n’oublions pas sa visite au Royaume du Danemark, où il a été présenté au prince héritier, rien que ça !
Comment se fait-il que Kumamon, un personnage non-verbal, qui exprime ses émotions uniquement par les gestes et le langage corporel, est-il devenu aussi populaire dans le monde entier ? Un ancien fonctionnaire local, qui l’a accompagné tout au long de son développement, nous explique.
Un ours né dans des circonstances imprévues
La préfecture de Kumamoto se trouve sur l’île de Kyûshû, au sud-ouest du Japon. En mars 2011, le souhait de tous ses habitants se réalisait enfin : une ligne de Shinkansen (le TGV japonais) reliait désormais la préfecture avec l’île principale du pays, et donc avec ses grandes métropoles. Notons que Fukuoka, la préfecture voisine de Kumamoto, l’était déjà depuis 36 ans...
Kumamoto était dorénavant en liaison directe avec Osaka, la deuxième ville du Japon, l’opportunité rêvée d’élargir les canaux de distribution des produits locaux et d’attirer davantage de touristes. Mais comment faire ? Après de nombreuses discussions, l’idée de Kumamon a émergé.
En même temps que la ligne de Shinkansen, la préfecture a lancé une campagne pour préparer à accueillir comme il se doit les visiteurs qui allaient affluer de tout le pays. Ce qui impliquait en premier lieu que les habitants de la préfecture redécouvrent eux-mêmes les richesses de leur région.
Le célèbre scénariste de séries télévisées Koyama Kundô a été chargé de la production. Celui-ci a demandé au designer Mizuno Manabu de concevoir une mascotte. C’est ainsi qu’est né Kumamon, un personnage ayant l’apparence d’un ours pour rappeler le nom de la préfecture (kuma signifie « ours »), mais également d’un panda, l’un des mammifères favoris des Japonais.
Libre de droits au Japon, mais pas à l’étranger
En règle générale, les mascottes locales n’ont pas vocation à quitter leur ville ou leur région d’origine. Mais Kumamon a commencé à effectuer des apparitions surprises à Osaka et d’autres villes de la région du Kansai, qui ont été présentées par la préfecture comme des « déplacements d’affaires longue distance » pour la communication via Twitter, qui était en pleine croissance à l’époque. Kumamon a également ses propres cartes de visite qu’il distribue à toute personne qu’il rencontre. L’idée d’accroître la reconnaissance de Kumamon avant même celle de la préfecture était assez audacieuse.
À vrai dire, la mission ultime de Kumamon n’était pas de devenir célèbre, mais plutôt de vanter la richesse des produits agricoles de la préfecture de Kumamoto, son potentiel touristique, et ses habitants.
C’est pourquoi notre ours mascotte ne prend pas de royalties. L’utilisation des visuels se fait sous licence, mais aucun frais d’utilisation de l’image n’est facturé. À l’origine, l’objectif était d’en faciliter l’usage par les PME de la région. Mais devant la gratuité, même les grandes entreprises en ont profité. Résultat : en un rien de temps, les produits liés à Kumamon se sont diffusés dans tout le pays.
À l’étranger, l’entregent de Koyama Kundô a permis de réaliser des collaborations avec des marques de réputation mondiales, telles que Baccarat, Steiff (les ours en peluche), Leica et BMW Mini. Cela a donné lieu à une large couverture médiatique, à la télé, dans la presse écrite et sur internet. La reconnaissance de la préfecture de Kumamoto s’en est trouvée considérablement accrue.
En dix ans d’existence, les ventes de produits figurant Kumamon ont dépassé 989,1 milliards de yens (7,6 milliards d’euros). Imaginez le montant si des royalties avaient été facturées…
Évidemment, cela ne veut pas dire que n’importe qui peut faire n’importe quoi avec Kumamon. L’usage des visuels Kumamon pour les produits alimentaires est limité à ceux qui sont élaborés à partir de matières premières agricoles, forestières ou marines produites dans la préfecture de Kumamoto. En effet, celle-ci est l’une des principales régions agricoles du Japon. Quand vous voyez un produit avec un visuel Kumamon dans le rayon alimentaire d’un grand magasin ou d’un supermarché, cela signifie qu’il a été soit élaboré à Kumamoto, soit fabriqué à partir de produits de Kumamoto (au-delà d’un certain seuil minimum selon les spécialités).
Les apparitions de Kumamon à la télévision ou dans les événements promotionnels ou médiatiques ne produisent aucun frais d’utilisation de la marque. Des frais de transports peuvent être facturés pour les événements éloignés de Kumamoto, mais pas de frais d’utilisation. En retour, il est simplement requis de présenter la préfecture de Kumamoto. Voilà pourquoi Kumamon refuse systématiquement d’apparaître comme personnage. Dommage peut-être, mais que voulez-vous, Kumamon tient absolument à ce que les gens se familiarisent avec sa région natale.
À l’étranger, c’est une autre histoire. Depuis plusieurs années, l’utilisation des visuels Kumamon est devenue payante pour tout produit vendu à l’étranger. La raison en est que la popularité de Kumamon en tant que mascotte représentante la culture pop japonaise a provoqué la prolifération de faux Kumamon en Chine, à Hong Kong, à Taiwan et dans d’autres pays asiatiques. Il est devenu coûteux de surveiller ces usages illicites.
Évidemment, facturer des royalties entraîne également des frais d’entretien des licences à l’étranger, mais c’est inévitable.
Kumamon aide les enfants du monde entier
De nos jours, dans le monde entier, de nombreux enfants n’ont pas accès à une éducation ou une alimentation adéquate. La traite des êtres humains (par enlèvements) et le travail forcé des enfants sont une réalité. Kumamon peut-il jouer un rôle actif leur venir en aide ?
J’ai un rêve : que les entreprises et les organisations qui réalisent des bénéfices en vendant des produits Kumamon au Japon et à l’étranger mettent de côté une partie de leurs bénéfices, sous la forme d’un « Fonds Kumamon ». Ces fonds seraient utilisés pour travailler avec des organisations privées locales à but non-lucratifs afin de protéger les droits des enfants, d’améliorer leur vie et d’enrichir leur éducation.
L’éducation des enfants et l’éradication de la pauvreté sont des enjeux majeurs parmi les Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés par les Nations Unies. Quelle joie ce serait pour les habitants de Kumamoto de voir que la mascotte de leur préfecture contribue à venir au secours des enfants du monde entier.
(Photo de titre : Kumamon tient une conférence de presse au Club des correspondants étrangers au Japon le 14 février 2014. Jiji Press)