Que sait-on réellement des ninjas ? Fondements et avancées des recherches historiques

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Le ninja a réellement existé, mais aujourd’hui, que sait-on de ce personnage ? Nous avons posé la question au professeur Yamada, spécialiste du sujet, qui ressort pour nous des documents historiques et des livres de ninjutsu.

Yamada Yûji YAMADA Yūji

Professeur à la faculté des sciences humaines de l’Université de Mie. Directeur adjoint du Centre international de recherche sur les ninjas. Né en 1967 dans la préfecture de Shizuoka. Ses principales publications comprennent « L’histoire des ninjas » et « L’esprit du ninja » (Ninja no rekishi et Ninja no seishin, tous deux chez Kadokawa Sensho). En février 2023, il a supervisé la publication de « La somme des études sur les ninjas » (Ninjagaku taizen, Presses de l’Université de Tokyo).

La vraie vie de Hattori Hanzô

Hattori Masanari, dit Hattori Hanzô, est un ninja d’Iga célèbre. En réalité « c’était un commandant militaire dont le nom est toujours mentionné comme maître de la lance », donc un samouraï tout à fait régulier, explique le professeur Yamada. Son père était originaire d’Iga et pratiquait probablement le ninjutsu, mais Hattori était originaire d’Okazaki dans la province de Mikawa (préfecture d’Aichi). Et s’il n’était pas lui-même un shinobi, il a probablement joué un rôle dans l’unification de ces guerriers de l’ombre.

Lorsque Oda Nobunaga mourut dans l’incident du Honnô-ji en 1582, Tokugawa Ieyasu, qui séjournait à Sakai avec seulement quelques compagnons, s’enfuit vers son territoire, Okazaki, en empruntant la route d’Iga dans les montagnes. On dit qu’à cette époque, sur les instructions de Hattori, il s’est fait escorter par des hommes d’Iga et de Kôga, mais cela n’est pas certain non plus.

« Il existe trois théories principales sur l’itinéraire que Ieyasu aurait suivi, et ce qui est certain, c’est que les guerriers d’Iga et de Kôga l’ont aidé de diverses manières tout au long du chemin. On a parlé à ce propos de la période la plus critique de la vie de Ieyasu, mais aucun document historique ne mentionne que Hattori y ait joué un rôle actif. »

Il est certain que Ieyasu lui fit confiance et, en 1590, Hattori était à ses côtés lorsque Ieyasu entre à Edo, l’escortant, lui et les gens d’Iga, jusqu’à un endroit clé de la route de Kôshu. La porte Hanzô (Hanzô-mon), située à l’ouest de l’actuel palais impérial de Tokyo, doit son nom au fait que la résidence de Hattori se trouvait autrefois à proximité.

« La dernière fois que les shinobi ont joué un rôle actif, ce fut lors de la rébellion de Shimabara (1637-38). Dans les forces du shogunat qui ont réprimé l’insurrection, les ninjas des différents clans de Kyûshû ont joué un rôle obscur, se faufilant dans le château et volant des provisions afin de découvrir la véritable identité d’Amakusa Shirô. Les shinobi du clan Hosokawa (de Kumamoto) ont joué un rôle particulièrement important. Ils ont mis le feu à la résidence de Shirô et l’ont réduite en cendres ».

Bansenshûkai, une encyclopédie du ninjutsu

Pendant l’époque pacifiée d’Edo, les missions des shinobi ont changé, et leur tâche consistait à assurer la sécurité dans diverses zones, à garder les portes et à escorter les seigneurs.

À partir du milieu du XVIIe siècle, les techniques transmises oralement commencent à se perdre, ce qui conduit à la rédaction de livres de ninjutsu décrivant les pratiques et l’éthique des shinobi. Certaines de ces techniques, comme l’art de se cacher dans le feuillage d’un arbre, sont des techniques irréalisables qui tiennent plutôt de la magie, mais la plupart sont des sagesses qui aident le ninja à survivre à des situations difficiles et à remplir ses missions.

Parmi eux, le Bansenshûkai (1676), une encyclopédie du ninjutsu en 22 volumes, forme une compilation systématique des pratiques des ninjas d’Iga et de Kôga. Elle en recense un large éventail, en commençant par l’état d’esprit du shinobi et incluant l’art de l’intrusion, l’art de la destruction, les arts martiaux, l’art du déguisement, l’art de la diplomatie et l’art de l’astronomie. Nombre de ces techniques sont issus du Shûgendo, comme la « méthode de défense kuji » qui consiste à effectuer certains gestes avec les mains qui ne sont ni plus ni moins que des mudra du bouddhisme ésotériques, les techniques du feu et la connaissance des herbes médicinales. Le livre classe également les équipements des ninjas qu’ils utilisent pour l’eau, le feu, l’escalade, etc., et explique comme les fabriquer à l’aide de croquis.

Par ailleurs, l’emploi de femmes pour la collecte d’informations et à d’autres fins est connue sous le nom de kunoichi no jutsu. En réalité, le terme kunoichi ne fait pas référence à des femmes ninjas. Il n’en existe aucune trace dans les documents historiques et aucune femme ne s’est spécialisée dans l’art du ninjutsu. Les femmes ninja n’apparaissent que dans la fiction depuis l’ère Shôwa (XXe siècle).

Les livres de ninjutsu sont un trésor de sagesse, dont certains préceptes sont encore pertinents aujourd’hui. « Par exemple, il a été prouvé que le hyôrôgan, un aliment facile à porter sur soi et qui se conserve, est un excellent aliment à base entre autres de ginseng, et que la technique de respiration appelée okinaga aide à la stabilité mentale. De conseil concernant les relations humaines à la médecine et à la pharmacologie, jusqu’à la spiritualité, cette encyclopédie est un recueil de recommandations pratiques encore utiles aujourd’hui ».

Suite > Les trois interdits du ninja sont « le saké, la frivolité et la cupidité »

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