Quand gourmandise rime avec plaisir

La préparation traditionnelle de la véritable sauce soja

Gastronomie Visiter le Japon Région

Brassée depuis des siècles à partir de quatre ingrédients, à savoir le soja, le blé, le sel et l’eau, la sauce soja doit ses propriétés gustatives au pouvoir de fermentation de la moisissure kôji. Découvrons les secrets de ce condiment indispensable à la cuisine japonaise à travers une brasserie située dans la préfecture d’Akita, au nord-est du Japon. Elle continue de préparer de la sauce soja selon des méthodes 100 % naturelles et ancestrales, loin de celle bon marché que l’on trouve souvent en magasin.

Le brassage traditionnel fait son retour

Ces dernières années, la tendance est encourageante pour la sauce soja artisanale. Le nombre croissant de voyageurs, sortant des sentiers battus et à la recherche de spécialités régionales a contribué à raviver l’intérêt pour la sauce brassée traditionnellement. Ishimago est un fabricant local bénéficiant d’une attention renouvelée. Située à Yuzawa, au cœur du paysage enneigé de la préfecture d’Akita, la brasserie continue de produire de la sauce soja et du miso à partir d’ingrédients locaux et de moisissure kôji soigneusement cultivés.

Le brassage à Ishimago a lieu dans des entrepôts à l'ancienne datant de plus de cent ans. Les cinq structures sont enregistrées comme biens culturels tangibles importants.
Le brassage à Ishimago a lieu dans des entrepôts à l’ancienne datant de plus d’un siècle. Les cinq structures sont enregistrées comme Biens culturels tangibles importants.

L’atmosphère calme à l’intérieur de l’entrepôt est rythmée par le bruit du maître brasseur qui monte et descend à la hâte un escalier en bois menant à des cuves géantes remplies de lots vieillissants de purée moromi. À chaque ascension, il porte un seau en bois rempli d’un premier mélange de soja et de blé recouvert de moisissure kôji. Il dépose ensuite les ingrédients, dans un nuage de poussière, au sein d’une cuve massive capable de contenir près de 5 500 litres.

Une fois cette tâche éreintante terminée, du sel et de l’eau sont ajoutés et le mélange est agité, mettant les bactéries à l’œuvre pour créer le savoureux condiment. À mesure que la purée vieillit lentement, la fermentation s’accélère au début du printemps, atteignant un sommet pendant les mois d’été, avant de ralentir avec l’arrivée du temps frais d’automne. Outre une agitation régulière pour garder la purée bien aérée, le personnel ne fait alors guère plus que de laisser la moisissure kôji faire son travail.

Les cuves en bois remplies de purée de moromi fermentent lentement.
Les cuves en bois remplies de purée moromi fermentent lentement.

La purée est mélangée avec un bâton spécial appelé kaibô. Après six mois, le soja et le blé se sont dissouts dans un mélange brun foncé.
La purée est mélangée avec un bâton spécial appelé kaibô. Après six mois, le soja et le blé se sont dissous dans un mélange brun foncé.

Rien n’est possible sans le kôji

Pendant les glaciaux mois d’hiver, le brasseur cultive le contenu de son premier mélange à l’aide de deux foyers ouverts installés dans le kôji-muro. Tout comme par le passé, le charbon de bois chauffé au rouge est recouvert de cendres de paille pour garder la température de la pièce autour de 30 degrés Celsius, la température idéale pour cultiver la fameuse moisissure kôji.

Un travailleur couvre les braises incandescentes de cendres de paille afin de chauffer le kôji-muro.
Un travailleur couvre les braises incandescentes de cendres de paille afin de chauffer le kôji-muro.

Le cultivateur en chef du kôji d’Ishimago, Hatazawa Kôta, dit que la compétence et la vigilance constante sont nécessaires : « Après avoir placé les charbons dans le foyer, nous vérifions la température toutes les deux heures et demie. Si la pièce devient trop chaude, nous ouvrons une fenêtre pour laisser entrer un peu d’air froid. »

Les travailleurs cultivent le mélange de départ dans des plateaux en bois appelés kôji-buta, les empilant à un angle permettant à l’air de circuler sur la surface. Les températures varient entre le sol et le plafond, et les plateaux sont tournés plusieurs fois pendant la période de culture de quatre jours afin de maintenir la croissance constante des moisissures. Hatazawa explique que le kôji produit également de la chaleur à mesure qu’il croît. Pour éviter de perdre un lot entier de cette moisissure délicate, les travailleurs vérifient chaque kôji-buta à la main, en remuant soigneusement le mélange de départ pour libérer la chaleur.

Les travailleurs du kôji-muro mélangent et réorganisent les plateaux un par un.
Les travailleurs du kôji-muro mélangent et réorganisent les plateaux un par un.

Une bonne cultivation du kôji est la clé du brassage de la sauce soja, et à la fin du quatrième jour, le mélange de base, alors recouvert d’une couche de moisissure verte, est prêt à entrer dans les cuves de fermentation.

Un mélange de départ fraîchement préparé (à gauche) à côté d’un lot vieux de quatre jours, recouvert de moisissure kôji.
Un mélange de départ fraîchement préparé (à gauche) à côté d’un lot vieux de quatre jours, recouvert de moisissure kôji.

Il serait bien sûr moins laborieux d’automatiser des aspects du processus de brassage comme le contrôle de la température ou le mélange, mais les compétences des travailleurs de la brasserie sont irremplaçables. Leur connaissance des méthodes de brassage naturelles séculaires est ce qui fait que chaque goutte de sauce soja d’Ishimago est un véritable régal pour les papilles.

La moisissure kôji remplit l'air lorsque les travailleurs transfèrent le mélange de départ fini dans les cuves, où il sera incorporé dans du sel et de l'eau pour former la purée.
La moisissure kôji remplit l’air lorsque les travailleurs transfèrent le mélange de départ fini dans les cuves, où il sera incorporé dans du sel et de l’eau pour former la purée.

(Reportage et texte : Mutsuta Yukie. Photos : Ôhashi Hiroshi. Photo de bannière : un nuage de moisissure kôji se soulève tandis qu’un travailleur verse le mélange de départ dans des cuves de fermentation en bois)

Tags

gastronomie tradition aliment Akita

Autres articles de ce dossier