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Le Shinkansen, le rival nippon du TGV

Technologie

Le Shinkansen, le train à grande vitesse japonais, introduit pour la première fois en 1964, a étendu son réseau de lignes à travers le pays au cours des 60 dernières années, passant par la même occasion d’une vitesse de pointe de 210 Km/h à 320 Km/h. Aujourd’hui encore, le Shinkansen continue d’évoluer, avec la construction en cours du Shinkansen linéaire, dont la vitesse maximale de 500 km/h. À partir du 16 mars, le réseau s’étend de nouveau avec l’ouverture d’une voie entre les villes de Kanazawa et Tsuruga.

Relier l’archipel japonais du nord au sud

Le premier train à grande vitesse japonais, le Shinkansen Tôkaidô (entre Tokyo et Shin-Osaka), a été inauguré juste avant les Jeux olympiques de Tokyo de 1964. Connu sous le nom de Dream Super Express, il était le premier train au monde à rouler à plus de 200 Km/h, et est devenu un symbole de la reconstruction d’après-guerre et du miracle économique japonais. En 1972, le Shinkansen San’yô est entré en service entre Shin-Osaka et Okayama, et en 1975, le Shinkansen a été prolongé jusqu’à Hakata, pour atteindre l’île de Kyûshû.

Les premières rames du Shinkansen Tôkaidô et du Sanyô (Pixta)
Les premières rames du Shinkansen Tôkaidô et du Sanyô (Pixta)

En 1982, le Shinkansen Tôhoku (entre Ômiya et Morioka) et le Shinkansen Jôetsu (entre Ômiya et Niigata) ont été ouverts, prolongeant le réseau cette fois vers le nord au départ de Tokyo. Entre-temps, la compagnie ferroviaire nationale japonaise (JNR), qui a donné naissance au Shinkansen, a été privatisée et morcelée en 1987 en raison de difficultés financières. Ses opérations ont été reprises par plusieurs entités nouvelles du groupe JR (Japan Railways).

Lorsqu’il est devenu financièrement difficile de construire de nouvelles lignes de Shinkansen, avant et après la privatisation de Japan Railways, une nouvelle doctrine, dite du « mini-Shinkansen », a été mise en œuvre : les lignes conventionnelles ont été modernisées pour avoir la même largeur de voie que les lignes de Shinkansen. C’est ainsi que le Shinkansen Yamagata a été inauguré en 1992 et le Shinkansen Akita en 1997. Les rames du Shinkansen Tôhoku pouvaient ainsi circuler sur les sections de mini-Shinkansen, bien qu’à des vitesses ne dépassant pas 130 km/h.

Après la privatisation, un autre système a été introduit : les nouvelles lignes de Shinkansen étaient construites par une société d’État spéciale (aujourd’hui une société administrative indépendante) et louées à l’une ou l’autre des sociétés du groupe JR. Cela a conduit à l’ouverture en 1997 de la ligne Shinkansen Hokuriku entre Takasaki et Nagano (« Nagano Shinkansen »), à temps pour les Jeux olympiques d’hiver de Nagano l’année suivante. À l’inverse d’un mini-Shinkansen, il a été construit selon les « normes complètes », et roule à 260 km/h sur des voies dédiées.

Une série de projets de construction de Shinkansen complets a suivi selon le même modèle. Le Shinkansen Tôhoku a été prolongé jusqu’à Hachinohe en 2003 et jusqu’à Shin-Aomori en 2010. Le Shinkansen Kyûshû a ouvert entre Kumamoto et Kagoshima-Chûô en 2004, suivi de Hakata-Kumamoto en 2011 ; le Shinkansen Hokuriku entre Nagano et Kanazawa en 2003 ; et le Shinkansen Hokkaidô entre Shin-Aomori et Shin-Hakodate-Hokutô en 2004. Le réseau Shinkansen relie désormais Kyûshû au sud à Hokkaidô au nord de l’Archipel.

Le tronçon du Shinkansen Hokuriku s’ouvrira entre Kanazawa et Tsuruga le 16 mars  2024, et celui du Shinkansen Hokkaidô entre Shin-Hakodate-Hokuto et Sapporo à l’horizon 2031.

Le réseau du Shinkansen (mars 2024)

Vitesse de pointe : 320 Km/h

Lorsque le Shinkansen Tôkaidô est entré en service en 1964, la vitesse maximale était de 210 Km/h. Le train Hikari reliait Tokyo à Shin-Osaka en un minimum de 3 h 10 min. En 1986, la vitesse a été portée à 220 km/h et le trajet entre Tokyo et Shin-Osaka est passé sous la barre des 3 heures. En 1992, la vitesse a été portée à 270 km/h avec la mise en service de la nouvelle rame Nozomi. Depuis 2015, le train circule avec des pointes de 285 km/h et une durée minimale du trajet Tokyo à Shin-Osaka de 2 heures 22 minutes.

La vitesse maximale du Shinkansen Tôhoku était également de 210 km/h lors de son ouverture en 1982, mais elle a été portée à 240 km/h en 1985, 275 km/h en 1992 et 300 km/h en 2011. Depuis 2013, la vitesse maximale atteint des pointes de 320 Km/h, plus haute vitesse actuelle sur une ligne commerciale.

Le très rare Doctor Yellow

En plus d’être rapides, les Shinkansen se caractérisent par une circulation extrêmement dense et des horaires très serrés. Le Shinkansen Tôkaidô compte en moyenne plus de 340 départs par jour, jusqu’à un départ toutes les trois minutes aux heures de pointe. De leur côté, les Shinkansen Tôhoku, Jôetsu, Hokuriku et Hokkaidô circulent sur un total de plus de 320 trains par jour. Pour assurer la sécurité du matériel, des trains spécialisés ont été mis en place.

Les véhicules d’essai des voies du Shinkansen Tôkaidô et du San’yô sont connus sous le surnom de « Doctor Yellow », en raison de leur habillage jaune. Ce « docteur du Shinkansen » voyage entre Tokyo et Hakata une fois tous les dix jours à une vitesse pouvant atteindre 270 km/h, pour inspecter les câbles aériens, les signaux, les voies et autres équipements. Comme on le voit rarement, il s’est fait une réputation de porter chance à ceux qui l’aperçoivent. (Voir notre article : Grâce au Doctor Yellow, le Shinkansen est en bonne santé)

Docteur Yellow (Pixta)
Docteur Yellow (Pixta)

Un nettoyage complet en sept minutes : le « théâtre du shinkansen »

Les trains Shinkansen offrent un niveau de service élevé, non seulement en termes de vitesse et de sécurité, mais également pour ce qui est de l’hygiène et de la propreté des rames. Le ménage des trains est systématique dans les gares de départ et d’arrivée de chaque ligne.

Les rames de JR-East ont un temps de rotation d’environ 12 minutes entre le moment où le Shinkansen arrive à la gare de Tokyo et celui où le prochain passager monte dans le train avant le départ en sens inverse. Il faut 2 minutes aux passagers pour débarquer et 3 minutes pour embarquer, ce qui ne laisse que 7 minutes pour le nettoyage complet de la rame. Même pas peur ! Le travail impeccable réalisé en si peu de temps a valu à la performance des équipes de nettoyage le surnom de « théâtre du Shinkansen ». Chaque équipe est composée de 22 agents de nettoyage. Ils sont déjà en rang sur le quai avant l’arrivée du train et accueillent les passagers qui descendent avec une profonde révérence. Deux personnes par wagon ramassent les déchets d’une centaine de sièges, font pivoter manuellement les sièges pour les mettre dans le sens de la marche, essuient toutes les tablettes et les cadres de fenêtres et remplacent les taies des dossiers. Une fois le nettoyage terminé, le personnel s’aligne à nouveau sur la plate-forme, salue et s’en va pour sa mission suivante. Souvent sous les applaudissements des passagers.

Le personnel de nettoyage accueille les passagers des trains arrivant à la gare de Tokyo avec un salut. (Pixta)
Le personnel de nettoyage accueille les passagers des trains arrivant à la gare de Tokyo avec un salut. (Pixta)

Véhicules linéaires de nouvelle génération

Le Shinkansen poursuit son évolution : en 2015, JR-Tôkai a commencé les travaux de construction du Shinkansen central linéaire, qui relierait Shinagawa à Nagoya en 40 minutes seulement grâce à des voitures à moteur linéaire à sustentation magnétique supraconductrice, pour une vitesse maximale de 500 Km/h. Cependant, la construction du tronçon dans la préfecture de Shizuoka n’a pas encore commencé en raison des préoccupations de la préfecture concernant les problèmes de ressources en eau liés à la construction du tunnel, ce qui rend peu probable l’ouverture de la ligne en 2027, comme prévu initialement.

Parallèlement, JR-East développe un train de nouvelle génération, l’ALFA-X, en vue d’augmenter la vitesse des lignes Shinkansen Tôhoku et Hokkaidô. L’objectif est d’ouvrir une ligne roulant avec des pointes de vitesse de 360 Km/h, ce qui en fera la ligne la plus rapide du monde hors moteurs linéaires. La société a l’intention de l’introduire avant l’extension du Shinkansen Hokkaidô jusqu’à Sapporo, prévue pour 2031.

Le pilotage automatique est testé sur le Shinkansen Jôetsu. Le calendrier n’a pas encore été fixé, mais l’objectif est de le mettre en pratique à l’avenir.

(Photo de titre : le 10 mai 2022, le train Shinkansen Nishi-Kyûshû entre en gare JR de Nagasaki pendant les essais de fonctionnement, avant l’ouverture commerciale de la ligne, le 23 septembre 2022. Jiji Press)

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