L’automne au Japon : une multitude de traditions et d’activités saisonnières
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L’image la plus connue : les feuillages dorés
Quand vient l’automne, la chaleur suffocante de l’été commence à décliner, une brise légère se met à souffler et l’on voit apparaître les premières libellules rouges. Les grillons remplacent les cigales et font entendre leur chant matin et soir. Le ciel se remplit de nuages appelés cirro-cumulus, tout en hauteur, lui donnant un aspect pommelé.
Mais la transition entre l’été et l’automne ne se fait pas pour autant en douceur. Chaque année à partir du printemps, quelque 25 typhons se forment à proximité du Japon. Heureusement, seule une petite partie d’entre eux touche terre sur l’Archipel. Mais s’ils sont plus fréquents au mois d’août, c’est en septembre que les dégâts sont les plus conséquents.
Mais un autre phénomène naturel est particulièrement apprécié par les Japonais, celui des couleurs brillantes dont se parent les frondaisons dans tout l’Archipel. Les feuilles d’érables rougies (momiji) inspirent depuis toujours, notamment les poètes. Marcher le long d’une avenue bordée de ginkgos couleur d’or en écoutant les feuilles mortes crisser sous ses pas fait partie des grands plaisirs de l’automne. Dans tout le Japon, des arbres éclatants de couleurs illuminent les paysages naturels ainsi que les abords des châteaux, les parcs, les sanctuaires shintô et les temples bouddhiques.
Un moment privilégié pour la lecture, le sport et les arts
Au Japon, l’automne est également associé à un certain nombre de loisirs, et notamment celui qui consiste à se plonger dans un bon livre. Cette tradition aurait pour origine un poème chinois cité par le grand Natsume Sôseki (1867-1916) dans son roman Sanshirô, publié en 1908. « L’automne est là, lisons à la lumière de la lampe ». Chaque année, des manifestations sur le thème des « semaines de lecture de l’automne » sont organisées du 27 octobre au 9 novembre.
Le deuxième lundi du mois d’octobre, les Japonais ont par ailleurs droit à un jour férié appelé « jour du sport et de la santé » (taiiku no hi). Cette journée commémore l’ouverture des Jeux olympiques de Tokyo, le 10 octobre 1964, une première pour une ville d’Asie. À partir de 2020, il a pris le nom de « journée des sports ». (Voir notre article spécial : Les jours fériés au Japon en 2023)
Beaucoup d’écoles en profitent pour organiser une fête du Sport (undô-kai) comportant diverses épreuves très animées. Les enfants jouent notamment au tama-ire (littéralement « faire rentrer les balles »). Répartis par groupes de six autour d’un panier central (rappelant celui du basket), ils doivent y faire entrer le plus rapidement possible un certain nombre de petites balles. L’équipe gagnante est celle qui finit la première. Au cours d’un autre jeu appelé ôdama korogashi (littéralement « faire rouler la grosse boule »), les écoliers s’affrontent à la course en poussant une énorme boule. Ils sont encouragés par une foule de spectateurs composée entre autres de membres des familles des jeunes participants.
L’automne est également associé aux arts en raison, semble-t-il, du grand nombre des expositions dotées de prix qui ont lieu à ce moment-là, notamment celles appelées Nikaten et Nitten. Les galeries d’art encouragent souvent le public à suivre cette tradition et à leur rendre visite. Et de leur côté, les universités organisent des manifestations culturelles et musicales.
Les délices typiques de la saison
Les Japonais mettent aussi l’automne à profit pour déguster les spécialités gastronomiques du moment. Le mois d’octobre correspond à la pleine saison du poisson sanma (appelé « Balaou du Japon » en français), qui est très riche en protéines et en oméga-3. Une des meilleures recettes pour l’apprécier pleinement consiste à le faire griller entier et salé, et à le servir avec le jus d’un agrume japonais appelé sudachi, de la sauce de soja (shôyû) et du radis blanc (daikon) râpé.
C’est aussi la période de l’année où le matsutake fait son apparition sur la table des gourmets. En fait, ce champignon extrêmement prisé par les habitants de l’Archipel est une denrée de luxe, au même titre que la truffe. Pour trois ou quatre beaux matsutake d’origine japonaise, il faut en effet débourser pas moins de 60 000 yens (environ 380 euros). Les Japonais n’hésitent d’ailleurs pas à en offrir en tant que cadeau de prestige. Ceux qui ont un budget limité doivent se contenter de spécimens moins onéreux importés, entre autres de Corée et de Chine. La cuisson permet au « roi des champignons » de révéler pleinement son parfum épicé et son goût particulièrement subtil. Il se consomme simplement grillé, avec du riz (matsutake gohan), ou encore sous la forme d’un consommé préparé avec du bouillon, des noix de ginkgo et du poulet, et servi dans une théière. Ce plat est appelé matsutake dobin mushi. (Voir également notre article : Les champignons dans la cuisine japonaise : des saveurs multiples)
Au Japon, l’automne coïncide en outre avec la récolte des noix, des poires japonaises (nashi), du raisin et des kakis que les supermarchés s’empressent de présenter dans leurs étals. Certains Japonais préfèrent toutefois aller cueillir eux-mêmes leurs fruits dans des exploitations agricoles et des vergers organisés pour l’occasion. Les spécialités de saison incluent aussi les courges, les patates douces, le riz de la nouvelle récolte et les nouilles de sarrasin (soba) fraîches.
Des fêtes et des célébrations en tous genres
D’octobre à novembre, le Japon célèbre le chrysanthème (kiku), fleur emblématique par excellence de l’Archipel, à l’occasion de fêtes qui lui sont consacrées dans tout le pays. Bien qu’il ne soit pas officiellement considéré comme fleur nationale, le kiku orne le sceau impérial ainsi que certaines pièces de monnaie et la couverture des passeports japonais.
Il existe également une tradition japonaise de très longue date appelée tsukimi, ou « la contemplation de la Lune ». Il s’agit d’admirer l’astre par une nuit sans nuage, le jour de la pleine Lune, l’automne étant considéré comme le meilleur moment de l’année à cet égard. Les dates indiquées dans l’ancien calendrier luni-solaire sont le quinzième jour du huitième mois (jûgoya) et le treizième jour du neuvième mois (jûsanya). Elles correspondent respectivement à la mi-septembre et à la mi-octobre dans le calendrier actuel.
Au Japon, l’équinoxe d’automne (aki higan) donne lieu, comme celle du printemps (haru higan), à une semaine de célébrations de type bouddhique qui débute trois jours avant et prend fin trois jours après la date proprement dite. Les habitants de l’Archipel se remémorent alors leurs ancêtres et se rendent sur les tombes de leurs proches et de leur famille. C’est à ce moment précis que s’épanouit la « fleur de l’équinoxe » (higan-bana), appelée aussi lycoris rouge, amaryllis du Japon ou « fleur des morts » en raison de sa propension à pousser près des cimetières. Chaque année, plus de cinq millions de higan-bana fleurissent en même temps dans le parc Kinchakuda de la ville de Hidaka, dans la préfecture de Saitama.
Halloween, fêté traditionnellement le 31 octobre à travers le monde, est extrêmement populaire au Japon. Dans les années 1970, le magasin de jouets Kiddy Land du quartier de Harajuku, à Tokyo, a commencé à vendre des articles relatifs à cette fête et en 1983, il a organisé un premier défilé sur ce thème, dans le quartier d’Omotesandô. Depuis quelque temps, les adeptes du cosplay ont pris l’habitude de se déguiser à cette occasion, et une image est devenu célèbre à travers le monde : celui du carrefour de Shibuya envahi par des foules animées de fêtards en train de célébrer Halloween.
Le 15 novembre correspond à une autre célébration caractéristique de l’automne, celle du Shichi go san, la fête des enfants de sept, cinq et trois ans. Les familles des filles de sept et trois ans et celles des garçons de cinq ans rendent visite à un sanctuaire shintô en signe de gratitude envers les divinités qui ont protégé et maintenu leurs enfants en bonne santé.
Les « sept herbes de l’automne »
Pour les habitants de l’Archipel, l’automne est depuis toujours une saison propice à l’émotion poétique face à la nature, et en particulier les fleurs sauvages toutes simples et délicates qui s’épanouissent dans les champs. Dans un des poèmes de l’anthologie du Manyôshû (compilé vers 760), le poète Yamanoue Okura (vers 660-vers 733) évoque déjà les « sept herbes de l’automne » (aki no nana kusa). Ces sept fleurs sont d’ailleurs toutes cultivées dans le jardin Mukôjima Hyakkaen, à Tokyo. Quelque 12 siècles plus tard, les « sept herbes de l’automne » sont toujours aussi chères au cœur des Japonais.