Les arcanes du calendrier japonais
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Calendrier « ancien » et calendrier « nouveau »
D’après le « Compendium de l’administration » (Seiji yôryaku, 1002), le premier calendrier élaboré par le Japon daterait de 604 et il se serait inspiré d’un modèle importé de Chine via la péninsule coréenne. Cet « ancien calendrier » (kyûreki) est de type luni-solaire, c’est-à-dire fondé sur l’observation des mouvements des astres. L’année se compose de douze « lunes » (tsuki) dont chacune correspond à une lunaison, autrement dit l’espace entre deux nouvelles lunes. La moitié de ces lunaisons comptent vingt-neuf jours et les six autres, trente, ce qui fait un total de 354 jours par an. En raison du décalage entre les cycles lunaires et solaires, on ajoutait de temps à autre un mois intercalaire de trente jours de façon à les harmoniser. Le calendrier ancien a évolué lentement au fil des siècles en intégrant de nouveaux apports chinois.
Toutefois, 1er janvier 1873, le gouvernement japonais a officiellement décidé d’adopter le calendrier grégorien solaire en usage en Occident. Ce « nouveau calendrier » (shinreki) a eu beaucoup de mal à s’imposer dans l’Archipel et c’est pourquoi il a conservé autant d’éléments de son prédécesseur. Il a dès lors pris la forme complexe qu’on lui connaît aujourd’hui avec mention des saisons, des phases de la lune, des fêtes et des célébrations annuelles ainsi que des jours fastes et néfastes. Certains imprimeurs vont même jusqu’à indiquer les fêtes avec leur date d’origine.
Les noms d’ère
Pour se repérer dans le temps et compter les années, les Japonais utilisent également des noms d’ère (gengô). Ce système emprunté à la Chine a fait son apparition dans l’Archipel en 645, au moment de la « grande réforme de Taika ». L’histoire du Japon compte à ce jour un total de 248 ères. Jusqu’en 1868, il n’était pas rare que le nom de l’ère change plusieurs fois au cours d’un même règne et ce, pour des raisons très diverses, volonté d’affirmer un idéal politique, événement de bon augure, souci d’éviter des calamités… Toutefois à partir de la Restauration de Meiji, le gengô est resté identique tout au long du règne du souverain en place. (Voir également notre article : L’historique du choix des noms d’ère au Japon)
L’année 2018 a coïncidé avec la 30e année de l’ère Heisei (1989-2019) et du règne de l’empereur Akihito. Le 1er mai 2019, le pays est entré dans une nouvelle ère, appelée Reiwa, qui a débuté avec la montée sur le trône de l’empereur Naruhito après l’abdication de son père, l’empereur Akihito. 2019 a ainsi fait partie à la fois de l’ère Heisei (31e année) de janvier à avril, et de l’ère Reiwa (1re année), de mai à décembre. Les éditeurs ont commencé à vendre des calendriers mentionnant l’ère Reiwa dès l’annonce du nom du la nouvelle ère, le 1er avril 2019.
Eto, les douze animaux du zodiaque japonais
Dans la cosmologie traditionnelle chinoise, les années sont regroupées en cycles de soixante années. Chaque cycle sexagésimal est constitué par la combinaison des dix troncs (kan) célestes et des douze branches (shi) terrestres. Les dix troncs représentent les cinq éléments (bois, feu, terre, métal et eau) dédoublés en frère cadet (yin) et frère aîné (yang). Les douze branches correspondent aux douze animaux du zodiaque chinois. à savoir le rat (ne), le buffle (ushi), le tigre (tora), le lièvre (u), le dragon (tatsu), le serpent (mi), le cheval (uma), le bélier (hitsuji), le singe (saru), le coq (tori), le chien (inu) et le sanglier (i). On les appelle les eto en japonais, et ils figurent en bonne place sur les cartes de vœux que l’on échange à l’occasion du Nouvel an sur l’Archipel.
(Voir également notre article : « Eto », les 12 animaux du zodiaque japonais)
Le nom des mois dans l’ancien calendrier japonais
Dans l’ancien calendrier luni-solaire de l’Archipel, les noms des mois font référence à une des caractéristiques de la saison souvent en relation avec l’agriculture ou une tradition particulière. Certains ont encore cours dans les arts traditionnels de la scène et la cérémonie du thé. Dans le calendrier luni-solaire, l’année débute plus tard que dans le calendrier grégorien. La première lune commence vers la fin janvier ou début février. Mais en dépit de ce décalage, l’ancien nom figure dans bien des cas aux côtés du nouveau dans les calendriers actuels. Sur la feuille de l’éphéméride ci-dessus, le cinquième mois lunaire (satsuki 皐月) est indiqué tout en haut, à gauche du mois de mai (gogatsu 5月).
Mois | Nom | Signification |
---|---|---|
1 | 睦月 (Mutsuki) | Le mois des « bonnes relations » qui voit la famille se réunir pour célébrer le Nouvel An. |
2 | 如月 (Kisaragi) | Le mois où l’on « superpose les couches de vêtement » pour se protéger contre le froid. |
3 | 弥生 (Yayoi) | Le mois du « renouveau de la végétation ». |
4 | 卯月 (Uzuki) | Le mois du « lièvre » et de la floraison des deutsie (u no hana). |
5 | 皐月 (Satsuki) | Le mois du repiquage du riz. |
6 | 水無月 (Minazuki) | La « lune de l’eau », marquée par des pluies abondantes et la mise en eau des rizières. |
7 | 文月 (Fumizuki) | Le mois où les épis de riz mûrissent. |
8 | 葉月 (Hazuki) | Le mois « des feuilles » pendant lequel les arbres perdent leur frondaison. |
9 | 長月 (Nagatsuki) | Le mois où les nuits se font de plus en plus longues |
10 | 神無月 (Kannazuki) | Le mois « sans dieux » ainsi nommé parce que c’est le moment où toutes les divinités (kami) de l’Archipel sont censées se réunir au sanctuaire d’Izumo (préfecture de Shimane). C’est aussi pourquoi dans la province d’Izumo, le 10e mois lunaire est appelé kamiarizuki, c’est-à-dire le mois où « les dieux sont présents ». |
11 | 霜月 (Shimotsuki) | Le mois du givre et des gelées blanches. |
12 | 師走 (Shiwasu) | Le mois où tout le monde, y compris les moines, s’active pour les préparatifs de la fin de l’année. |
Les cinq « fêtes charnières » (go sekku)
Au Japon, chaque passage d’une saison à une autre est marqué par une « fête charnière » (sekku) destinée à protéger le foyer et la communauté et à garder leurs membres en bonne santé. La première de ces célébrations, appelée « jour de l’homme » (jinjitsu no sekku), a lieu le 7 janvier. Les Japonais invoquent les divinités pour avoir de bonnes récoltes et une année sans maladies. Et ils mangent traditionnellement une bouillie de riz aux sept « herbes » (nanakusa gayu).
Le second sekku a lieu le 3 mars. C’est la fête « des pêches » (momo no sekku) et celle des « poupées » (hina matsuri) célébrée en l’honneur des petites filles. Dans les familles où il y a un ou plusieurs enfants de sexe féminin, on expose des poupées représentant l’empereur et l’impératrice entourés de leur cour sur une petite estrade. (Voir également notre article : Le 3 mars : « Hina matsuri », la fête des filles).
La troisième fête charnière coïncide avec le 5 mai et elle est traditionnellement consacrée aux garçons. Mais depuis quelques temps, on la désigne sous le nom de « jour des enfants », sans distinction de sexe. (Voir également notre article : Le 5 mai : « Tango no sekku », la fête des garçons)
Le quatrième sekku est celui du 7 juillet, où l’on commémore la rencontre annuelle des étoiles du Bouvier et de la Tisserande. C’est la fête du Tanabata. L’usage veut que l’on écrive un vœu ou un poème sur des languettes de papier coloré que l’on suspend à de longues perches de bambou. (Voir également notre article : Le 7 juillet : « Tanabata », la fête des étoiles)
La dernière fête charnière de l’année est celle du « double yang » (chôyô no sekku), le 9 septembre. Les habitants de l’Archipel mangent traditionnellement du riz aux châtaignes et des expositions de chrysanthèmes sont organisées un peu partout, notamment dans les temples bouddhiques.
Les 24 divisions saisonnières du Japon...
Dans le calendrier luni-solaire emprunté par le Japon à la Chine, chacune des quatre saisons de l’année est divisée en six. On arrive ainsi à un total de 24 divisions, ou sekki, allant du Risshun (le début du printemps) commençant en février, jusqu’à la période appelée Daikan (le grand froid). Les paysans de l’Archipel accordaient traditionnellement beaucoup d’importance à ces repères temporels pour la planification des travaux agricoles. (Voir notre série en cours : Les 24 divisions de l’année solaire au Japon)
Season | Date | Sekki | Meaning |
---|---|---|---|
Printemps | 4–18 février | 立春 (Risshun) | Début du printemps |
19 février–5 mars | 雨水 (Usui) | Les pluies | |
6–20 mars | 啓蟄 (Keichitsu) | Réveil des insectes | |
21 mars–4 avril | 春分 (Shunbun) | Équinoxe de printemps | |
5–19 avril | 清明 (Seimei) | Lumière pure | |
20 avril–4 mai | 穀雨 (Kokuu) | Pluie de céréales | |
Été | 5–20 mai | 立夏 (Rikka) | Début de l’été |
21 mai–5 juin | 小満 (Shôman) | Les épis se forment | |
6–20 juin | 芒種 (Bôshu) | Les céréales ont de la barbe | |
21 juin–6 juillet | 夏至 (Geshi) | Solstice d’été | |
7–22 juillet | 小暑 (Shôsho) | Chaleur modérée | |
23 juillet–7 août | 大暑 (Taisho) | Grande chaleur | |
Automne | 8–22 août | 立秋 (Risshû) | Début de l’automne |
23 août–7 septembre | 処暑 (Shosho) | Fin de la chaleur | |
8–22 septembre | 白露 (Hakuro) | Rosée blanche | |
23 septembre–7 octobre | 秋分 (Shūbun) | Équinoxe d’automne | |
8–22 octobre | 寒露 (Kanro) | Rosée froide | |
23 octobre–6 novembre | 霜降 (Sôkô) | Arrivée du givre | |
Hiver | 7–21 novembre | 立冬 (Rittô) | Début de l’hiver |
22 novembre–6 décembre | 小雪 (Shôsetsu) | Neige peu abondante | |
7–21 décembre | 大雪 (Taisetsu) | Neige abondante | |
22 décembre–4 janvier | 冬至 (Tôji) | Solstice d’hiver | |
5–19 janvier | 小寒 (Shôkan) | Froid modéré | |
20 janvier–3 février | 大寒 (Daikan) | Grand froid |
... et les 72 micro-saisons de l’Archipel
Afin de rendre compte des variations saisonnières d’une façon encore plus précise, les 24 divisions sont elles-mêmes subdivisées en 72 kô d’une durée de 5 jours. L’année comportait ainsi 72 climats (shichijûni kô) dont chacun était associé à une courte phrase en relation avec un phénomène naturel spécifique. Les dates étaient approximatives et pouvaient varier d’un jour d’une année à l’autre.
(Voir également notre article : Les 72 micro-saisons du Japon)
Les jours fastes et néfastes (rokuyô)
Les calendriers japonais contiennent par ailleurs des données concernant les jours censés être fastes ou néfastes. Ce système fondé sur l’astrologie chinoise a fait son apparition au Japon au XIVe siècle et il a connu une grande vogue à partir de l’époque d’Edo (1603-1868). Il se caractérise par une division du temps en périodes de « six jours » (rokuyô) qui se répètent à partir du premier jour de chaque mois lunaire. Les Japonais tiennent surtout compte des rokuyô quand ils doivent prendre des décisions importantes ou choisir la date d’un mariage ou de funérailles.
Signification des rokuyô
先勝 (Senshô) | Littéralement « victoire à l’avant ». Jour faste le matin et néfaste l’après-midi. De bon augure pour se lancer dans une entreprise. |
友引 (Tomobiki) | Littéralement « qui attire les amis ». Jour faste, sauf en milieu de journée. Considéré comme favorable pour les mariages mais à éviter pour les funérailles, par crainte d’« attirer ses amis » de l’ « autre côté ». |
先負 (Senpu/Sakimake) | Littéralement « défaite à l’avant ». Jour néfaste le matin et faste l’après-midi. Mieux vaut ne rien commencer avant midi. |
仏滅 (Butsu-metsu) | Littéralement « extinction du Bouddha ». Jour totalement néfaste sauf pour les funérailles et la célébration de rites bouddhiques. |
大安 (Taian) | Littéralement « grande paix ». Jour faste particulièrement recommandé pour les mariages et le début de toute nouvelle entreprise. |
赤口 (Shakkô/Shaku) | Littéralement « bouche rouge ». Jour néfaste sauf en milieu de journée. À éviter pour toutes les célébrations. |
(Photo de titre : Pixta)