« Ikebana », l’art floral japonais
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Atteindre l’équilibre parfait
L’arrangement floral japonais, appelé ikebana ou kadô (la voie des fleurs), est devenu une forme d’expression artistique à part entière à la fin du XVe siècle. On recense aujourd’hui toute une gamme de styles et de genres, tant modernes que traditionnels. L’ikebana se distingue d’autres formes d’arrangement floral par le positionnement des fleurs, tiges et autres éléments végétaux dans le récipient qui les contient et en relation avec l’espace environnant. La composition d’un ikebana peut s’apparenter à un déploiement vaste et complexe associant une multitude d’éléments, ou se limiter à quelque chose de simple et de taille réduite, selon le style de l'œuvre concernée.
L’ikebana est un passe-temps populaire, dont les créations peuvent servir à la décoration de sites formels tels que salles de banquet, auberges traditionnelles (ryokan) et salles de conseils d’entreprises, mais aussi à celle de locaux ouverts au grand public tels que grands magasins et services administratifs.
L’ikebana cultive l’harmonie entre les divers éléments qui entrent dans sa composition, plantes et fleurs de saison mais aussi branches sèches, pierres et mêmes mousses, soigneusement disposés dans un récipient en céramique, en verre, en bois, en bambou ou en métal. Cet art traditionnel exprime la beauté à travers de subtils détails, et les éléments qui le composent sont réduits à leurs formes les plus sobres.
Une origine très ancienne
On pense que l’ikebana, dont le plein essor remonte à l’époque Muromachi (1333-1568), prend ses racines dans les offrandes florales bouddhistes, une coutume qui, au Japon, remonte au VIe siècle. Les premiers arrangements ont été conçus pour la décoration des tokonoma, mot qui désigne une alcôve dédiée à l’exposition d’objets ornementaux et caractéristique des résidences aristocratiques construites dans le style architectural shoin-zukuri.
C’est à la fin du XVIe siècle que le maître du thé Sen no Rikyû (1522-1591) a élevé le sadô, la cérémonie du thé japonaise, au rang de forme artistique raffinée, et que l’art du chabana (fleurs de thé), qui lui est associé, a pris son essor. Il estimait que l’expression de la nature occupait une place centrale dans le sadô, et insistait sur le fait que l’arrangement floral devait viser à ce que les fleurs apparaissent « comme elles le font dans un champ ». En règle générale, les chabana qui décorent l’alcôve d’un salon de thé sont des œuvres austères conçues pour refléter la saison ou le goût des hôtes, et leur évolution a exercé une grande influence sur l’ikebana.
L’épanouissement de l’ikebana
La prolifération des maîtres de l’arrangement floral à l'œuvre vers le milieu du XVIIe siècle a contribué à faire de l’ikebana une forme artistique à part entière. L’école d’arrangement floral Ikenobô, la plus ancienne et la plus prestigieuse, a été fondée par Ikenobô Senkei, un moine de l’époque Muromachi qui exerçait son activité sous le patronage de l’aristocratie. Son disciple Sen’ô a continué à promouvoir l’art de son école, en insistant sur le fait que l’admiration des fleurs ne devait pas reposer sur leur seule beauté, mais que les arrangements devaient inclure des éléments symboliques, tels que tiges fanées et branches tordues, qui témoignent de la grandeur de la nature. L’écrivain Kawabata Yasunari a parlé de cette esthétique en des termes qui sont restés célèbres dans son discours « Le Japon, le Beau et moi », prononcé en 1998 lorsqu’il a reçu le prix Nobel de littérature.
Différents styles son apparus au fil des siècles. On peut citer le style originel rikka et le shôka, qui utilisent de une à trois sortes de matériel floral et sont devenus populaires à l’époque d’Edo (1603-1868). Parmi les autres courants aujourd’hui dominants figurent le heika (fleurs en vase), qui procède à de volumineux arrangements dans des vases étroits, et le moribana, où les fleurs sont empilées dans un récipient suiban large et plat. Il arrive que, pour produire l’effet désiré, l’artiste intègre des pierres, de la mousse et même du métal dans sa composition.
L’étiquette et les manières occupent une place prépondérante dans l’ikebana, dont l’objectif central est le respect de la vie des fleurs et le développement spirituel de la personne qui procède à leur arrangement. La maîtrise d’un style exigeant une longue formation et beaucoup de pratique, la plupart des gens passent des années à étudier auprès d’enseignants chevronnés.
Les styles prédominants
Les écoles d’ikebana les plus influentes sont l’Ikenobô, la Sôgetsu et l’Ohara. Comparées à l’Ikenobô et ses 550 ans d’âge, les deux autres écoles sont indéniablement des créations récentes, puisqu’elles n’ont guère qu’un siècle d’existence. La Sôgetsu, fondée en 1927 par Teshigahara Sôfû, se caractérise par la prépondérance du respect de l’expression individuelle sur la conformité aux styles établis. L’Ohara, créée à la fin du XIXe siècle, se distingue quant à elle par son adhésion au style moribana.
Ikenobô
Sôgetsu
Ohara
Au Japon, la majorité des communautés proposent des cours d’ikebana, et bien des écoles ont des antennes à l’étranger. À mesure de leurs progrès, les élèves accèdent à différents niveaux de certification et, avec le temps, ils peuvent eux-mêmes devenir des professeurs agréés.
(Photo de titre : arrangement du style shôka shôfûtai composé par Nakamura Fukuhiro. © Ikenobô Kadôkai)