Le Japon oblige les couples mariés à avoir le même nom depuis 1896
Société Famille- English
- 日本語
- 简体字
- 繁體字
- Français
- Español
- العربية
- Русский
L’article 750 du Code civil japonais précise qu’un mari et une femme doivent avoir le même nom de famille. Pour se marier légalement, l’un ou l’autre des partenaires est obligé de changer de nom – exception faite des mariages internationaux.
Une enquête démographique de 2017 révèle que sur 606 000 mariages, seulement 25 000 couples (4,1 %) ont choisi de prendre le nom de l’épouse. Pour la grande majorité des femmes, le fait de se marier signifie donc de devoir changer de nom.
L’histoire de l’interdiction pour les couples japonais d’avoir des noms différents n’est pas si ancienne. Ce n’est d’ailleurs qu’au début de l’ère Meiji (1868-1912) que le peuple a pu obtenir des noms de famille. Ces derniers auraient été introduits pour améliorer le système d’enregistrement des familles afin de collecter les impôts et de gérer l’enrôlement militaire. Au départ, les femmes gardaient leurs noms de jeune fille, mais le Code civil a été modifié en 1896 pour imposer aux couples mariés l’utilisation d’un même nom. Cette obligation ne date donc que d’environ 120 ans.
Les demandes de couples ne souhaitant pas prendre le même nom de famille sont en augmentation constante, puisque les femmes jouent aujourd’hui un rôle plus important sur le marché du travail, et que les hommes et les femmes, devenant des partenaires plus égaux, adoptent des modes de vie favorisant le partage des tâches ménagères ainsi que une meilleure coopération pour s’occuper des enfants. Il y a cependant une forte résistance à ce possible changement du Code civil au sein du Parti libéral-démocrate actuellement au pouvoir.
L’un des arguments avancés consiste à affirmer que l’adoption de noms séparés pourrait affaiblir l’unité des familles. Lors d’un débat avant les élections à la Chambre des conseillers de juillet 2019, il a été demandé aux chefs de partis s’ils étaient en faveur de l’autorisation des noms de famille distincts pour les couples mariés. Parmi les sept dirigeants des différents groupes politiques présents, seul le Premier ministre Abe Shinzô n’a pas levé la main. Par ailleurs, le ministère de la Justice déclare que le Japon est le seul pays développé à conserver ce système.
Noms de famille et mariage : chronologie
Époque d’Edo (1603–1868) | Les fermiers et les villageois ne sont pas autorisés à avoir des noms de famille. Les femmes des familles de samuraï gardent leurs noms de jeune fille même après le mariage. |
1870 | Le peuple est autorisé à utiliser des noms de famille. |
1875 | L’utilisation des noms de famille devient obligatoire (pour faciliter la collecte des taxes et l’enregistrement à l’armée). |
1876 | Les couples mariés utilisent différents noms de famille. Il est stipulé que les femmes doivent utiliser le nom de leur famille d’origine. |
1896 | Le Code civil (ancien) instaure l’obligation pour les couples mariés d’utiliser le même nom de famille. |
1947 | Le Code civil révisé (actuellement utilisé) stipule que les couples doivent utiliser soit le nom de famille du mari, soit celui de l’épouse. |
1988 | Une chercheuse d’une université nationale demande à la justice de pouvoir utiliser son nom de jeune fille pour son travail. La demande est déboutée en 1993, mais la Cour suprême décide d’un accord en 1996. |
1996 | Le Conseil législatif présente une révision du Code civil qui introduit un nouveau système permettant aux couples de choisir des noms de famille distincts. |
2001 | Les membres du gouvernement sont autorisés à utiliser leurs noms courants (sous lesquels ils sont appelés à la base). |
2002 | Le ministère de la Justice prépare un amendement permettant l’utilisation de noms de famille distincts, mais une forte opposition au sein du Parti libéral-démocrate (le parti au pouvoir) empêche l’acceptation de celui-ci. |
2006 | Les noms courants peuvent être utilisés sur les passeports japonais. |
2010 | Le ministère de la Justice prépare un autre amendement pour l’utilisation de noms de famille séparés, cependant ce dernier n’est pas soumis au vote de la Diète à cause de différents au sein du parti au pouvoir. |
2011 | Pour la première fois, cinq personnes intentent une action en justice, déclarant les dispositions du Code civil comme étant anticonstitutionnelles. La Cour suprême juge en 2015 que les lois du Code civil concernant l’utilisation du même nom de famille pour les couples sont bien constitutionnelles. Le compte-rendu indique que ce système est bien établi dans la société japonaise et qu’il est rationnel pour une famille de partager le même nom. |
2018 | Aono Yoshihisa, président de la société de développement de logiciels Cybozu, a choisi le nom de sa femme lors de leur mariage, mais préfère utiliser son propre nom de naissance pour les affaires. Il poursuit le gouvernement pour dommages et intérêts, affirmant que l’utilisation du même nom de famille pour son couple a entravé le bon déroulement de son travail. Le tribunal du district de Tokyo rejette la demande en 2019. |
Source : tableau établi par Nippon.com à partir des informations du site internet du ministère de la Justice, ainsi que d’autres sources d’actualités.
L’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale mène une enquête nationale tous les cinq ans sur les changements affectant les ménages. Pour la première fois en 2018, plus de 50 % des répondants se sont montrés plutôt favorables à l’idée que les couples puissent avoir des noms de famille différents.
(Photo de titre : Pixta)